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Salle de consommation de drogues : l’expérimentation bloquée par le Conseil d’Etat

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« On pourrait en rire, on risque de pleurer. Cette décision illustre l’immobilisme qui condamne, à ce jour, notre pays », résume la Fédération Addiction. Dans un avis rendu le 8 octobre, le Conseil d’Etat a stoppé net l’ouverture, près de la gare du Nord à Paris, de la première salle de consommation de drogues à moindre risque, prévue pour mi-novembre. « Les travaux devaient être lancés, on était en train de recruter des gens, on doit tout arrêter », regrette Elisabeth Avril, directrice de l’association Gaïa-Paris qui porte le projet depuis trois ans.

Chargé d’examiner le projet de décret modifiant celui du 19 décembre 2005 relatif aux Caarud (centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogue) afin de sécuriser l’expérimentation, la Haute Juridiction recommande finalement « d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique », explique le ministère des Affaires sociales et la Santé.

Un coup dur pour les associations qui attendaient la publication du décret. « On peut s’interroger sur cette décision de dernière minute qui empêche une réponse à une urgence sanitaire et sociale et remet en cause un projet abouti, longuement et sérieusement travaillé avec la Mairie de Paris et les acteurs du Xe arrondissement, riverains, usagers, police, SNCF », commentent, très amers, Médecins du monde et Gaïa. Et de rappeler que, validées par l’Inserm (1) et expérimentées dans de nombreux pays, ces espaces permettent la diminution de la consommation dans les lieux publics, la réduction des comportements à risque et de la morbidité, tout en répondant « à un enjeu de sécurisation des espaces publics ». La Fédération Addiction dénonce un « demi-tour arrière » effectué « au nom d’une loi dépassée ». « Le problème de fond est que nous travaillons avec des outils datant de 40 ans. La loi de 1970 a été créée quand il n’y avait pas de consommation de drogues de masse, de scènes ouvertes, de dommages tels que le VIH et l’hépatite C », déplore le Réseau français de réduction des risques, qui reproche le manque de préparation de l’expérimentation au gouvernement.

Pour ce dernier, qui avait donné son feu vert à l’initiative et confirmé sa volonté de développer ce type de réponse dans le cadre du plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie (2), le coup est dur également. Le ministère des Affaires sociales et de la Santé a aussitôt précisé qu’il allait « travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif ». C’est également un désaveu pour la Ville de Paris, qui a indiqué qu’elle maintiendrait, en attendant, les dispositions déjà prises pour accompagner l’expérimentation, qu’il s’agisse des renforcements policiers, de la réduction des nuisances ou de l’accompagnement des usagers. Tout lancement semble dès lors exclu avant les municipales de 2014. « On a la loi la plus répressive d’Europe », juge Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui a annoncé, le 15 octobre, que le groupe socialiste avait demandé la création d’une mission « d’évaluation des politiques publiques de lutte contre l’usage de drogues ». Inscrite à l’ordre du jour du Comité d’évaluation et de contrôle le 31 octobre, cette mission, si elle est acceptée, devrait également se pencher sur l’expérimentation des salles de consommation.

Notes

(1) Voir ASH n° 2667 du 9-07-10, p. 13.

(2) Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 5.

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