Pas assez ambitieux, le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines (1) ? Tandis que la garde des Sceaux reconnaissait, le 10 octobre sur France Inter, qu’il n’avait pas été « politiquement possible » d’aller plus loin dans cette « première étape », les organisations professionnelles ne baissent pas la garde. Dans un courrier adressé au Premier ministre le 8 octobre, les membres du collectif Liberté égalité justice (2), qui s’inquiètent de l’échéance tardive de l’examen parlementaire (à partir du 8 avril 2014) et du report de la réforme de la justice des mineurs, demandent à être reçus pour présenter leurs propositions. Parmi les améliorations souhaitées : l’abrogation de la rétention de sûreté et l’instauration de dispositions pour favoriser « réellement les aménagements de peine afin que ce texte ne se limite pas à une pétition de principe ».
L’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP) – lesquels seront avec les SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) les pièces maîtresses de la réforme – n’est pas moins sévère. « Mieux vaut ne pas faire de réforme » qu’en faire une qui prévoit l’abaissement des seuils des peines aménageables (de deux à un an, ou six mois pour les récidivistes) avant incarcération, estime l’organisation. Elle juge ce recul par rapport à la loi pénitentiaire de 2009 « extrêmement inquiétant et totalement contraire à l’esprit même de la réforme », qui veut éviter l’effet désocialisant des courtes peines d’incarcération. En outre, la mesure entraînerait « une augmentation très conséquente du nombre de détenus ».
Pour l’ANJAP, la contrainte pénale n’apporte, par ailleurs, dans sa présentation actuelle, « aucune plus-value et ne sera que peu prononcée par les juridictions ». Elle réclame une plus grande lisibilité de la mesure, en particulier par rapport au sursis avec mise à l’épreuve, et considère qu’« elle n’aura de sens que si on développe véritablement des partenariats associatifs pour des prises en charge adaptées et individualisées ».
L’Association nationale des juges de l’application des peines pointe une autre contradiction, qui, à ses yeux, pourrait rendre inapplicable le dispositif de libération sous contrainte, possible pour les peines inférieures ou égales à cinq ans : « Le choix du seuil des deux tiers de la peine n’a pas de sens si le seuil d’éligibilité à la libération conditionnelle est toujours à mi-peine pour les “primaires” et à deux tiers pour les récidivistes : quelle motivation pour préparer un vrai projet de sortie dans le cadre d’une libération conditionnelle pour un récidiviste ? »
Syndicats et associations ont désormais six mois, avant que démarre l’examen parlementaire du texte, pour faire peser leurs arguments. La garde des Sceaux a, quant à elle, précisé, lors de la présentation de son projet de loi, que la contrainte pénale serait évaluée au bout de trois ans et qu’une commission serait chargée de l’exécution des peines, « afin que le droit des peines et de l’exécution des peines gagne en simplification, en lisibilité et en cohérence ».
(1) Voir ASH n° 2828 du 11-10-13, p. 9.
(2) La Ligue des droits de l’Homme, la CGT pénitentiaire, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le SNPES-PJJ-FSU, le Snepap-FSU, l’Observatoire international des prisons et le Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées).