Près d’un an et demi après l’élection de François Hollande, l’accès aux soins et aux droits des personnes précaires continue de se dégrader, pointe Médecins du monde (MDM), dans son rapport annuel sur l’état de santé des plus démunis en France publié le 17 octobre à l’occasion de la journée internationale du refus de la misère (1). En 2012, plus de 30 500 personnes ont été reçues dans les centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) de l’association (+ 28 % depuis 2008). La quasi-totalité vit en dessous du seuil de pauvreté et 70 % ne bénéficient pas d’un logement stable. 58 % des personnes atteintes d’une maladie chronique n’étaient ni suivies ni traitées avant leur passage dans les CASO. Plus alarmant encore, le nombre de mineurs accueillis par les centres a augmenté de 69 % depuis 2007 alors que la loi leur garantit l’accès inconditionnel au système de soins, quel que soit leur statut administratif.
Seules 12,3 % des personnes accueillies ont des droits ouverts à une couverture maladie. « Les difficultés d’accès s’aggravent au fil du temps », relève MDM. En cause : la complexité de la législation, les pratiques abusives des caisses primaires d’assurance maladie ou encore l’obligation de vivre depuis plus de trois mois en France pour bénéficier de l’aide médicale de l’Etat (AME). Conséquence, le retard et le non-recours aux soins sont de plus en plus fréquents pour les étrangers. Quant aux patients français, 26,4 % renoncent à se soigner (contre 13,5 % en 2011) en raison de la baisse des remboursements de l’assurance maladie et de l’absence de complémentaire santé.
Pour l’association, les dispositifs mis en place par l’Etat sont insuffisants. Certes, le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale prévoit des mesures importantes (comme le relèvement de la CMU-C, le renforcement des permanences d’accès aux soins de santé ou la simplification des procédures de domiciliation). Mais l’association exhorte le gouvernement à aller plus loin. Elle réclame à nouveau la fusion de l’AME et de la couverture maladie universelle (CMU). Par ailleurs, elle demande le rétablissement de la protection des étrangers gravement malades en situation irrégulière (voir le rapport d’AIDES sur le même sujet, page 21). En outre, l’association dénonce « la politique de harcèlement et de stigmatisation à l’égard des populations rom ». Ces dernières « sont jetées dans l’errance, ce qui constitue une barrière importante à leur intégration sociale et à leur suivi sanitaire ». L’organisation réclame le respect de la circulaire du 26 août 2012 sur l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites (2), qui permet de proposer des solutions de relogement aux personnes expulsées. Enfin, pour lutter contre les violences faites aux personnes se prostituant, elle demande l’abrogation du délit de racolage public et rejette tout projet de pénalisation des clients (3), « qui relègue plus encore les personnes se prostituant dans des zones de non-droit ».
Le 15 octobre, MDM a annoncé qu’elle s’associait à la Fédération hospitalière de France (FHF) pour lancer un groupe de travail sur la prise en charge de la précarité à l’hôpital, en vue de faire des propositions
(1) Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20.
(3) Une proposition de loi visant à sanctionner par une amende les clients de personnes prostituées et à abroger le délit de racolage public a été déposée par le groupe socialiste le 14 octobre à l’Assemblée nationale. Elle devrait être débattue fin novembre.