Il y a un peu plus de six mois, les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) s’alarmaient d’un « durcissement » sans précédent des conditions d’accès au droit au séjour des étrangers gravement malades (1). Elles dénonçaient tout à la fois les effets de la réforme du 16 juin 2011, qui a remplacé la notion d’« accessibilité » du traitement dans le pays d’origine par celle de sa simple existence (2), l’inefficacité de la circulaire de novembre 2011 censée poser des « garde-fous » (3), l’absence de pilotage par le ministère de la Santé et les pratiques des médecins des agences régionales de santé.
Dans le deuxième rapport de son observatoire « étrangers malades », rendu public le 10 octobre (4), AIDES, membre de l’ODSE, témoigne que rien n’a changé malgré l’interpellation, par les associations et certains parlementaires, des ministères de la Santé et de l’Intérieur. « Plusieurs questions écrites au gouvernement ont été posées entre décembre 2012 et mai 2013 sur le sujet, indique le rapport. Elles ont à ce jour reçu une réponse comparable : après un bref rappel des dispositions en vigueur, le ministre de l’Intérieur fait part de la création d’une commission médicale régionale destinée à accompagner le médecin de l’agence régionale de santé (ARS) dans sa décision. Il mentionne également le rapport commandé aux inspections générales des affaires sociales et de l’administration dont les conclusions ont été rendues en mars 2013 et que les ministères concernés sont en train d’étudier » (5). Or cette étude a refroidi les associations en proposant de confier le dispositif du droit au séjour pour soins à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, soit de le placer sous la tutelle unique du ministère de l’Intérieur. Quant au rapport du député Matthias Fekl sur la sécurisation des parcours des ressortissants étrangers en France (6), il ne recommande pas davantage de revenir sur la loi Besson de 2011.
Depuis son installation fin 2010, jusqu’en juin 2013, l’observatoire « étrangers malades » de AIDES a suivi 437 situations de personnes vivant avec le VIH ou une hépatite. Il témoigne de dysfonctionnements dans la procédure de demande de titre de séjour pour soins : le délai d’instruction du dossier – qui s’allonge avec des exigences abusives de pièces administratives – dépasse six mois pour 20 % des cas étudiés. L’impossibilité de pouvoir présenter un passeport comme document d’état civil ou de justifier d’une présence de 12 mois en France entraîne des refus ou reports d’enregistrement, ce qui est contraire aux dispositions réglementaires. Lors des premières demandes, la moitié des personnes interrogées n’ont pas eu de récépissé pendant la durée de l’instruction, ce qui entrave leur accès aux droits. Le rapport relève également des anomalies dans la phase médicale de la procédure – ingérence de l’autorité préfectorale dans l’évaluation, avis négatifs rendus pour des personnes touchées par le VIH, ou encore exigence d’un nouvel avis du médecin de l’ARS pour un renouvellement alors que le précédent est en cours de validité… A ces obstacles s’ajoute le montant dissuasif des taxes liées au droit au séjour : 340 € en 2013 pour un premier visa de régularisation, contre 220 € en 2011.
Résultat : le taux d’accords de titres de séjour pour soins est passé, selon le rapport d’activité 2012 du Comede (partenaire de l’observatoire), de 97 % en 2002 à 74 % en 2012, toutes pathologies confondues. Pour le VIH, il a chuté de 100 % à 92 %. « Les plus chanceux finiront amers et lessivés par des mois de procédures. Les autres achèveront leur périple dans un centre de rétention ou dans un avion en direction du pays d’origine. Ce qui équivaut bien souvent à un aller simple vers la mort », s’indigne AIDES, qui en appelle à l’intervention du chef de l’Etat. L’ODSE attend toujours « des actes significatifs des deux ministres concernés » pour mettre fin d’urgence à cette situation.
(1) Voir ASH n° 2802 du 22-03-13, p. 16.
(2) Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 53.
(3) Voir ASH n° 2736 du 9-12-11, p. 17.
(4) Disponible sur
(5) Voir ASH n° 2802 du 22-03-13, p. 16.
(6) Voir ASH n° 2810 du 17-05-13, p. 5.