« En dépit des progrès importants réalisés depuis la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la médicalisation des maisons de retraite […], de nombreux rapports ont montré que la prise en charge des personnes âgées dépendantes restait insatisfaisante » (1), a rappelé le Premier ministre, le 14 octobre, à l’issue d’une réunion interministérielle sur les grands axes et le calendrier de la future loi réformant la prise en charge de la dépendance, qui a reçu un accueil mitigé des acteurs du terrain (voir ce numéro, page 26). Avec cette loi, François Hollande et Jean-Marc Ayrault s’engagent à mener une « réforme de société qui embrasse toutes les dimensions de la prise en compte de l’avancée en âge », et qui sera portée par Marisol Touraine et Michèle Delaunay, respectivement ministre des Affaires sociales et de la Santé et ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Rappelons que, dès 2007, Nicolas Sarkozy avait lui aussi promis une réforme de la dépendance qui n’a finalement jamais vu le jour, faute de financement notamment.
La future loi pour l’adaptation de la société au vieillissement « reposera sur trois piliers, les trois “A” », que sont l’anticipation (prévenir la perte d’autonomie), l’adaptation de la société au vieillissement et l’accompagnement de la perte d’autonomie, a confirmé le Premier ministre. Le texte devra ainsi « prévenir, retarder la perte d’autonomie au plan individuel et collectif ». Selon lui, « prévenir et dépister [les] fragilités est essentiel et permettra, d’une part, de proposer, chaque fois que nécessaire, des programmes de prévention adaptés et, d’autre part, de faciliter le recours aux aides techniques pour retarder la perte d’autonomie ». Une action qui sera « en pleine cohérence avec la stratégie nationale de santé » (2), affirme Matignon. Il s’agira également de prévenir l’isolement des personnes âgées, en lien avec le programme Monalisa (Mobilisation nationale de lutte contre l’isolement des personnes âgées) (3).
La future loi devra aussi inciter notre société à s’adapter au vieillissement. Pour ce faire, estime le gouvernement, il faut « repenser toutes les politiques publiques, en particulier de logement, d’urbanisme et de transports mais aussi des droits des âgés, de leur engagement civique… ». Et, « sans vouloir imposer une solution unique à cette question, il faut inciter les villes et plus largement les territoires à prendre en compte l’augmentation du nombre de personnes âgées dans leur développement ». Il faut également « favoriser l’innovation technologique, la production en France d’équipements domotiques adaptés aux besoins des âgés et encourager à la structuration d’une filière industrielle », explique Matignon. Une démarche amorcée au travers du lancement de la filière de la « silver economy » en avril dernier (4).
Autre axe de la réforme : accompagner la perte d’autonomie. La priorité du gouvernement est de permettre le maintien à domicile, une solution plébiscitée par les âgés et leurs familles, et moins coûteuse pour eux et les collectivités. Dans ce cadre, le barème de l’APA à domicile sera révisé pour « renforcer les possibilités d’aide » et diminuer le coût du maintien à domicile pour les familles, a annoncé Jean-Marc Ayrault. En outre, les aidants, la famille ou les proches de la personne âgée dépendante devront être « mieux reconnus et mieux soutenus » : ils devront « bénéficier d’une information, d’une orientation et d’un accompagnement garantis sur l’ensemble du territoire, en lien avec les départements et les communes qui sont aujourd’hui en proximité directe avec les familles, souvent confrontées à un vrai parcours du combattant ». La future loi portera enfin sur l’accompagnement de la stratégie de médicalisation et de modernisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ainsi que sur l’accessibilité financière de cette offre (en moyenne 2 400 € dans les établissements privés lucratifs et 1 600 € dans le public).
La future loi pour l’adaptation de la société au vieillissement sera une « loi d’orientation et de programmation mettant en cohérence l’intégralité de la politique de l’âge », a expliqué le chef du gouvernement. Elle « comprendra des dispositions législatives classiques, comme toute loi ordinaire, mais rassemblera de surcroît, dans le cadre d’un projet présenté de façon globale, tous les outils disponibles et pertinents, même de nature non législative, permettant d’adapter la société au vieillissement ». En outre, elle sera « organisée de façon pluriannuelle, sur la durée du quinquennat, autour de deux étapes principales, pour tenir compte de nos capacités de financement, mais également du degré inégal de maturité de certains sujets ».
Dans une première étape, le gouvernement engagera les mesures favorisant le maintien à domicile, à savoir la réforme de l’APA à domicile, les mesures d’aide aux aidants et les mesures de prévention de la perte d’autonomie et d’adaptation de la société au vieillissement. Des mesures qui « seront applicables dès le 1er janvier 2015 », a certifié le Premier ministre.
La seconde étape de la réforme, « dont la mise en œuvre est prévue pour la seconde partie du quinquennat », concernera l’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées en EHPAD avec, en particulier, des mesures visant à réduire leur reste à charge. Considérant que « l’élaboration de ces mesures demande plus de temps et de travail concerté », elles devront s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus globale sur les modalités de tarification des établissements recevant des personnes âgées dépendantes et sur les dispositifs d’aide sociale existants. Pour préparer ce volet de la réforme, un groupe de travail réunissant les départements ainsi que les fédérations de directeurs et d’établissements sera installé l’année prochaine.
Une concertation avec les conseils généraux, les acteurs du champ de l’âge et les partenaires sociaux sera engagée « d’ici à la fin du mois de novembre » sur la base d’un projet global reprenant ces grandes orientations, a indiqué Jean-Marc Ayrault. Puis, un projet de loi sera soumis à l’avis du Conseil économique, social et environnemental « au premier trimestre 2014 », présenté en conseil des ministres dans la foulée et déposé au Parlement « au printemps ». Le Premier ministre l’a assuré : « la loi sera votée avant la fin de l’année 2014 permettant dès 2015 une pleine affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie à la réforme qui est engagée au profit des personnes âgées » (5).
(1) Les récents rapports « Broussy », « Aquino » et « Pinville » font en effet état de l’insuffisante adaptation de notre société au vieillissement (voir ASH n° 2801 du 15-03-13, p. 5 à 8). D’autres rapports, commandés sous la présidence de Nicolas Sarkozy, allaient aussi dans le même sens (voir ASH n° 2716 du 1-07-11, p. 45).
(2) Voir ASH n° 2826 du 27-09-13, p. 8.
(3) Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 16.
(4) Voir ASH n° 2808 du 3-05-13, p. 9.
(5) Cette contribution a en effet été créée pour financer la réforme de la prise en charge de la dépendance (voir ASH n° 2812 du 31-05-13, p. 39). Toutefois, pour 2013 et 2014, le gouvernement a affecté le produit de cette contribution au Fonds de solidarité vieillesse, ce qui a suscité la colère du secteur – Voir ASH n° 2828 du 11-10-13, p. 11.