Recevoir la newsletter

L’Etat condamné à trouver en urgence une place en établissement pour une jeune femme handicapée

Article réservé aux abonnés

Pour la première fois, la justice vient d’ordonner la prise en charge dans un établissement adapté d’une personne handicapée sans solution d’accueil (1). Plus précisément, c’est le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, statuant en référé le 7 octobre, a enjoint à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France de prendre « toutes dispositions » pour trouver une offre de soins permettant la prise en charge effective, dans un délai de 15 jours, d’une personne handicapée par un établissement médico-social adapté à son état. Ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard. Une décision à laquelle l’ARS a décidé de se conformer (voir ce numéro, page 12).

Le tribunal a été saisi dans le cadre d’un référé-liberté – une procédure d’urgence réservée aux violations des libertés fondamentales – par l’Unapei (2) et par les parents d’Amélie L., une jeune femme de 19 ans souffrant du syndrome de Prader-Willi (3) et d’un autisme sévère. Accueillie en institut médico-éducatif depuis l’âge de 7 ans, la jeune femme a dû quitter cet établissement en octobre 2012 à la demande de sa directrice qui a estimé qu’il était inadapté à ses besoins. Deux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées du Val-d’Oise l’ont successivement orientée, en avril 2011, en maison d’accueil spécialisée et, en mai 2013, en foyer d’accueil médicalisé. Mais plusieurs structures contactées par la famille, y compris en Belgique, ont refusé d’accueillir Amélie L. faute de place disponible ou en raison de l’impossibilité de prendre en charge sa pathologie. La jeune femme a donc été privée, pendant plusieurs mois, de toute prise en charge médico-sociale et est restée à la charge de sa seule famille. Pour le juge des référés, l’état d’épuisement extrême de cette dernière ainsi que l’aggravation de l’état d’Amélie (agressivité, ingestion d’objets et/ou de produits dangereux…) ont atteint des « proportions démesurées, insupportables au quotidien et [qui] constituent un danger immédiat tant pour sa propre sécurité que pour celle de ses proches ».

De son côté, l’ARS faisait valoir qu’il n’entre pas dans ses compétences de procéder directement au placement et à l’admission des personnes handicapées dans un établissement médico-social. Un argument rejeté par le tribunal qui a considéré que cela ne la dispense pas pour autant d’exercer pleinement les compétences qui lui sont confiées par la loi. A savoir : organiser l’offre de soins de telle sorte qu’elle soit suffisante pour assurer la mise en œuvre des décisions des CDAPH et veiller à ce que les établissements dont elle a la charge soient dotés des moyens leur permettant de faire face à leurs missions. Même si la décision individuelle d’admission relève en dernier lieu des directeurs d’établissements, il appartient à l’ARS, lorsque la structure désignée par la CDAPH est apte à accueillir la personne handicapée, de prendre toutes dispositions utiles et, le cas échéant, de faire usage de ses pouvoirs de contrôle pour mettre un terme aux refus d’admission opposés aux cas les plus lourds alors que ces derniers sont « précisément ceux nécessitant en priorité l’assistance de la collectivité publique », a encore expliqué le juge des référés.

Egalement mis en cause par les parents d’Amélie L. et l’Unapei en raison de sa compétence conjointe avec l’ARS en matière de foyer d’accueil médicalisé (4), le conseil général du Val-d’Oise n’est pas condamné par le tribunal. Celui-ci a notamment relevé que le département a multiplié les démarches pour obtenir la prise en charge de la jeune femme et alerté l’ARS sur l’urgence de la situation ainsi que sur la nécessité d’une intervention « au besoin par des mesures d’exception ». Au final, indique le juge des référés, la carence de l’ARS à prendre les mesures nécessaires et ses conséquences pour Amélie L. et sa famille ont caractérisé une « atteinte grave et manifestement illégale tant à leur droit à la sécurité qu’à leur droit de mener une vie privée et familiale normale » et justifié une décision dans l’urgence.

[TA de Cergy-Pontoise, n° 1307736, 7 octobre 2013]
Notes

(1) Jusqu’à présent, les personnes handicapées concernées par un défaut de prise en charge, en particulier en matière de scolarisation, ne s’étaient vu octroyer que des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

(2) Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis.

(3) Le syndrome de Prader-Willi est une maladie génétique rare qui se caractérise principalement par une hyperphagie associée à un risque d’obésité morbide, des difficultés d’apprentissage et des troubles du comportement, voire des troubles psychiatriques majeurs. Il est dû à une anomalie du chromosome 15 et concerne un cas sur 25 000 naissances.

(4) Ces structures sont en effet placées sous la double compétence des ARS pour ce qui concerne les soins et des conseils généraux pour ce qui relève de l’hébergement.

Veille juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur