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Adoption : la CEDH se penche sur l’équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant né sous X et l’intérêt du parent biologique

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Dans un arrêt du 26 septembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a confirmé la décision d’adoption plénière d’un enfant né sous X prononcée par une juridiction française en raison du désintérêt de la mère biologique à son égard, désintérêt dont il n’a pas été démontré qu’il pouvait être imputé aux troubles psychologiques dont souffrait la mère. Les juges de Strasbourg ont en effet estimé que l’Etat n’avait pas outrepassé sa marge d’appréciation en considérant que l’intérêt supérieur de l’enfant commandait le prononcé d’une adoption plénière, et qu’il n’y avait pas eu, comme le prétendait la mère, violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit au respect de la vie privée et familiale.

Des faits révélant le désintérêt de la mère pour son enfant

L’affaire concerne un enfant né hors mariage en septembre 2002 et dont la mère demande le secret de la naissance. Le tribunal de Bourges prononce immédiatement son admission provisoire en qualité de pupille de l’Etat et délègue l’autorité parentale au service de l’aide sociale à l’enfance. Deux mois plus tard, la mère reconnaît finalement son enfant, avant d’être hospitalisée à plusieurs reprises, à la demande de sa famille, pour de graves troubles psychologiques et placée sous curatelle en janvier 2004. En octobre de la même année, elle obtient tout de même un droit de visite bimestriel de son enfant, placé entre-temps en famille d’accueil. Droit de visite qu’elle n’a pas exercé, ne se rendant jamais aux rendez-vous fixés. Le 6 avril 2005, le tribunal de grande instance de Bourges, statuant sur la requête du conseil général, constate le désintérêt de la requérante à l’égard de son enfant, consent à ce que celui-ci soit admis définitivement en qualité de pupille de l’Etat et délègue l’autorité parentale au service de l’aide sociale à l’enfance. Un an après, le tribunal de grande instance de Bourges prononce l’adoption plénière de l’enfant au profit de sa famille d’accueil, entraînant ainsi irrévocablement la rupture complète et définitive de ses liens de filiation avec sa famille d’origine.

En avril 2009, à la suite d’un recours introduit par la mère biologique, la cour d’appel de Bourges annule le jugement du 6 avril 2005 ayant admis définitivement l’enfant comme pupille de l’Etat au motif que le curateur de la requérante n’avait pas été convoqué à l’audience. Mais la juridiction déclare à son tour l’enfant abandonné et délègue l’autorité parentale à l’aide sociale à l’enfance au motif que, « depuis la naissance de l’enfant et pendant l’année qui avait précédé la requête en abandon judiciaire, la requérante s’était manifestement désintéressée de l’enfant ». En outre, selon la cour, il n’est pas démontré que les troubles psychologiques de la requérante l’ont empêchée de marquer un intérêt pour son enfant. La mère s’est alors pourvue en cassation, sans succès.

Primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant

Dans son arrêt du 26 septembre, la Cour européenne des droits de l’Homme rejette l’argument de la mère selon lequel la prise en charge initiale de l’enfant par l’Etat serait intervenue contre sa volonté, à la suite de son hospitalisation à la demande d’un tiers. La CEDH estime en effet que cette décision fait suite à la demande de la mère de conserver le secret de la naissance, qui est intervenue avant sa première hospitalisation sans consentement. La Cour constate par ailleurs que les visites à l’enfant sollicitées par la mère ont été rendues possibles (soit par le service de l’aide sociale à l’enfance, soit par le juge des enfants) mais que les rares rencontres programmées, auxquelles les autorités médicales ne se sont pas opposées, ont été annulées à l’initiative de la mère.

La Cour examine dans un second temps le bien-fondé de la déclaration d’abandon et de la rapidité de l’adoption plénière à la lumière de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la mère considérant que le droit au respect de sa vie familiale érigé par cet article a été violé. En ce qui concerne la déclaration d’abandon, la Haute Juridiction rappelle que cette mesure constitue le préalable nécessaire à une éventuelle adoption. Or, relève-t-elle, « en l’espèce, l’enfant avait bénéficié depuis sa naissance d’une prise en charge en pouponnière, puis en famille d’accueil, du fait de la carence de la mère. Cette dernière n’avait pas investi le lien de filiation de manière significative. Et la famille élargie n’avait quant à elle pas manifesté d’avantage d’intérêt, puisqu’elle s’était abstenue de rendre visite à l’enfant. » Au regard de ces éléments, la Cour conclut donc que les autorités françaises ont pu estimer que la déclaration d’abandon était une mesure correspondant à l’intérêt supérieur de l’enfant et proportionnée au but légitime poursuivi. S’agissant de l’adoption plénière, la CEDH rappelle que « l’écoulement du temps peut avoir des conséquences importantes sur la prise en charge de très jeunes enfants ». Et que le délai de un an qui s’est écoulé entre la déclaration d’abandon et l’adoption plénière « ne paraît pas en soi contraire aux exigences de l’article 8 ». Les autorités françaises ont donc pu estimer qu’il était déraisonnable du point de vue de l’intérêt de l’enfant de conserver la situation d’abandon et de prise en charge provisoire dans l’attente d’un hypothétique retour de la mère à de meilleurs sentiments à l’égard de l’enfant.

[CEDH, 26 septembre 2013, requête n° 4962/11, disp. sur http://www.echr.coe.int]

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