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« Le surpoids ajoute un handicap au handicap »

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Il est possible de prévenir l’obésité des enfants handicapés mentaux, défend Claude Ricour, professeur de nutrition à l’hôpital Necker Enfants malades-Paris (1). Il explique la démarche qu’il a menée dans un institut médico-éducatif d’lle-de-France.
Le handicap mental favorise-t-il l’obésité ?

Depuis 15 ans, une vague d’obésité frappe les enfants dans notre pays, tout particulièrement ceux dans des situations socio-économiques précaires et/ou en situation de handicap mental. Cet « excès de corpulence » est lié à la fois à une alimentation très déséquilibrée – les gourmandises étant souvent accordées comme une récompense ou comme « seul plaisir » – et à une activité physique trop réduite – trop de temps passé devant l’écran –, aussi bien à domicile qu’en institution. Il y a aussi parfois des causes génétiques. Les conséquences, multiples, sont sous-estimées voire ignorées. Le surpoids ajoute un handicap au handicap : se déplacer devient difficile, on est plus vite essoufflé et le regard des autres est plus pesant. A moyen terme, il génère des risques cardio-vasculaires, métaboliques et articulaires. Devant ce phénomène, il est urgent de trouver des solutions.

Cette obésité est-elle une fatalité ?

Non, avec une prise en charge suivie par l’enfant, les professionnels qui l’entourent et sa famille, la spirale est réversible. C’est ce que nous avons prouvé dans le cadre d’une démarche novatrice de prévention et d’accompagnement menée au sein de l’institut médico-éducatif du Centre de la Gabrielle-MFPass (Claye-Souilly, Seine-et-Marne). La directrice générale m’a contacté il y a cinq ans en m’exposant les difficultés auxquelles les enfants étaient confrontés : 30 % d’entre eux souffraient d’un « excès de corpulence », contre 18 % des 7-18 ans sans handicap. Après avoir dressé un état des lieux de la situation, tous les enfants en surpoids ou à risque ont bénéficié d’une évaluation et d’un suivi de leur comportement durant et en dehors des repas. Des formations au long cours interactives ont été proposées aux professionnels de la restauration, de l’Education nationale et aux éducateurs spécialisés intervenant dans l’institution afin qu’ils adaptent leur prise en charge. Au cœur du processus de changement : du temps et de la disponibilité afin d’établir un équilibre subtil entre plaisir, attraction, substitution et diversification de l’alimentation. Et surtout, pas de régime imposé, source d’échec. L’établissement avait déjà supprimé les boissons sucrées et les grignotages ; il y a eu des ajustements ainsi qu’une amélioration de la qualité et de l’environnement du repas. En quelques mois, les points faibles ont été progressivement gommés, qu’il s’agisse des aliments consommés, des quantités ingérées, de l’équilibre des goûters. Parallèlement, on a donné aux professionnels des pistes pour lutter contre la sédentarité et développer l’activité ludique et sportive.

Les familles ont-elles été associées à la démarche ?

Tout à fait. Sans maillage entre l’institution et le domicile – où les enfants externes rentrent le soir et les internes le week-end –, cette action ne pouvait pas donner de bons résultats. Le risque était même que les jeunes compensent une fois rentrés chez eux. Des actions d’information/formation ont été et continuent d’être menées individuellement auprès des parents. Ceux-ci participent aussi à des séances d’éducation thérapeutique de groupe afin de s’approprier les compétences nécessaires aux changements des comportements de leur enfant vis-à-vis de l’alimentation et des activités. De la même manière, au sein de l’établissement, les jeunes se retrouvent dans des « groupes de parole » animés par une psychologue et un expert en nutrition. Au bout de cinq ans, on constate de nombreux effets positifs, notamment des changements comportementaux pour la majorité des enfants au sein de l’institution et pour la moitié d’entre eux au domicile. Mais rien n’est gagné, il faut poursuivre cette action dans la durée. Elle a d’ores et déjà prouvé que l’on peut améliorer le bien-être des personnes handicapées mentales en croisant l’expertise du sanitaire et du médico-social.

Notes

(1) Co-auteur de « Obésité et handicap mental : ce n’est pas une fatalité » – A télécharger dans la docuthèque sur www.ash.tm.fr.

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