Excédées. Les quatre fédérations d’aide à domicile – ADMR (Association du service à domicile), Adessadomicile, UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles) et FNAAFP-CSF (Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire) –, mobilisées depuis près de quatre ans pour la survie de leurs services, tirent à nouveau le signal d’alarme. Le premier coup de massue est tombé mi-septembre lorsque le premier ministre a annoncé le report de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie (1). « Jusqu’en début d’année 2013, nous étions plutôt satisfaits : le président de la République avait confirmé l’adoption avant la fin de l’année d’une réforme de l’aide à l’autonomie [2]. Avant cela, Michèle Delaunay [ministre déléguée aux personnes âgées] s’était battue pour arracher un deuxième fonds de restructuration pour le secteur [dans le cadre du PLFSS pour 2013] », explique Yves Verollet, directeur général de l’UNA.
L’autre douche froide a été la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, présenté en conseil des ministres le 9 octobre (voir ce numéro, page 6). Ce texte prévoit que les recettes de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) soient allouées au Fonds solidarité vieillesse (FSV) en lieu et place du financement de la perte d’autonomie (3). En prévoyant « ce détournement » de plus de 600 millions d’euros, le gouvernement « a franchi la ligne rouge », relèvent les fédérations, qui vivent les deux coups durs de la rentrée comme « une double peine pour l’aide à domicile ».
Les difficultés du secteur sont connues et les nombreux rapports réalisés sur le sujet ces dernières années ont mis en lumière un manque de financement structurel et un système de tarification à bout de souffle. « Les conseils généraux sont exsangues, les plans d’aide sont de plus en plus serrés, les reste à charge toujours plus élevés. Des personnes âgées en GIR [groupe iso-ressources] 5 et 6 [les plus autonomes] n’ont plus d’accompagnement du fait de la réduction par certaines Carsat [caisse d’assurance retraite et de la santé au travail] de leur prise en charge et elles risquent de devenir plus rapidement dépendantes. Ce qui ne ferait qu’augmenter les demandes d’allocation personnalisée d’autonomie [APA] », souligne Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’ADMR. A cela s’ajoute une politique salariale réduite à peau de chagrin, puisque la valeur du point n’a pas été revalorisée depuis 2009. Certes, depuis deux ans, des fonds de restructuration ont été alloués au secteur, mais ces « palliatifs » ne règlent pas le problème, relève Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile. Au final, des services continuent de disparaître alors que « notre secteur reste présenté comme un vivier d’emplois ».
A l’approche de l’examen au Parlement du PLFSS, les quatre organisations veulent se faire entendre. Elles ont envoyé aux parlementaires des propositions d’amendements visant à affecter le produit de la CASA à l’accompagnement des personnes âgées. Elles demandent qu’une part de celui-ci soit octroyée à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour le financement de l’APA à domicile. Le reste devrait permettre d’augmenter la valeur du point de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, de financer les missions de prévention des services d’aide à domicile et de relever les plafonds d’APA à domicile « afin de pallier partiellement le phénomène de saturation des plans d’aide et de baisse régulière du pouvoir d’aide de cette allocation depuis sa création ». Certains parlementaires ne sont pas indifférents à ces sujets et pourraient relayer ces propositions, espèrent les organisations. Parmi eux, le député (PS) Jérôme Guedj s’est ému sur son blog de l’affectation de la CASA au FSV et non à la réforme de la perte d’autonomie (4).
Au-delà de ces mesures d’urgence, les quatre organisations veulent « sortir du débat d’experts » et appeler « à un grand débat public sur le thème du “bien vieillir” ». « Nous allons mobiliser les responsables de nos associations en région pour qu’ils fassent pression sur leurs parlementaires et faire du débat au Parlement un débat de société », conclut Hugues Vidor.
Si les difficultés financières du secteur restent aussi criantes qu’en 2009, le travail mené depuis trois ans par l’Assemblée des départements de France (ADF) et le Collectif de l’aide à domicile en vue de la refondation de l’aide à domicile a payé. Un comité de pilotage national a été installé par les ministres concernés en juillet dernier (5). Les IVes assises nationales de l’aide à domicile, les 25 et 26 septembre, ont été l’occasion pour Claudy Lebreton, président de l’ADF, de revenir sur une démarche qui ne se limite pas, selon lui, à une réforme de la tarification. Ce projet permet « de rendre compatible et plus simple l’articulation des interventions et des financements au titre de la prévention, de l’aide à la vie quotidienne et des soins ». Il se base sur une logique forfaitaire qui permet d’adapter les interventions aux besoins des personnes, le remplacement du ticket modérateur par un abonnement versé en début de mois, la généralisation du CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens) « comme acte de mandatement » permettant la reconnaissance des missions d’intérêt général de ces services. Des éléments qui doivent se traduire par des évolutions législatives et réglementaires dans le projet de loi sur la perte d’autonomie. Enfin, le président de l’ADF a émis la possibilité pour les services agréés « de passer sous le régime de l’autorisation sans appel à projet ».
(1) Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 24.
(2) Au congrès de l’Uniopss – Voir ASH n° 2797 du 15-02-13, p. 22.
(3) Voir ASH n° 2827 du 4-10-13, p. 23.
(4)
(5) Voir ASH n° 2818 du 12-07-13, p. 7.