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Regards divergents sur les mineurs isolés étrangers

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L’application du droit commun de la protection de l’enfance aux mineurs isolés étrangers et la capacité à améliorer réellement leur prise en charge sont au cœur du débat sur le dispositif national d’accueil.

Selon le comité de suivi du dispositif national de prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE) adopté en mai dernier par l’Etat et l’Assemblée des départements de France, la situation de 889 jeunes a été portée, mi-septembre, à la connaissance de la cellule chargée de leur répartition sur le terrioire.

Mais comme en témoignent les décisions prises par la Mayenne ou le Bas-Rhin, ainsi que les recours déposés au Conseil d’Etat par neuf conseils généraux, « tous les départements ne sont pas enclins à accueillir ces jeunes », constate Jean-Pierre Rosenczveig. Il aurait préféré un autre système : « Certains veulent en accueillir physiquement mais ne peuvent pas payer. D’autres refusent parce que les MIE nécessitent une prise en charge spécifique. Eh bien que ceux-là paient pendant que les autres accueillent ! Au lieu de cela, on joue à la sulfateuse ! On gère administrativement, avec le risque de retarder les prises en charge et, en l’absence de perspective de régularisation, de monter une “machine à fabriquer du clandestin”. »

Autre critique du magistrat : le rôle prépondérant du procureur de la République, par dérogation au dispositif de protection de l’enfance, et du réseau associatif, « gardien de la porte d’entrée dans la protection », sans dispositions sur les possibilités de recours par les jeunes à qui on refuse la prise en charge.

UN CONSEIL DE FAMILLE POUR LES MINEURS SOUS TUTELLE ?

Membre du groupe de travail sur l’élaboration du protocole, Jean-François Kerr prônait un système plus souple : « A partir du moment où le conseil général a assuré la protection immédiate d’un mineur isolé, il n’est pas incongru de penser qu’il n’est plus en danger », explique-t-il. D’où sa préconisation de saisir directement le juge aux affaires familiales afin que soit mise en place une mesure de tutelle à l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Jean-François Kerr porte une autre proposition : que les mineurs en situation de tutelle et de délégation de l’autorité parentale à l’aide sociale à l’enfance soient accueillis sous la responsabilité d’un « conseil départemental des mineurs protégés », extension de ce qui existe déjà pour les mineurs admis de manière définitive en qualité de pupille. Pour ces derniers, le préfet exerce l’intégralité des attributs de l’autorité parentale et l’ASE est un « gardien accueillant sans autorité parentale », qui doit rendre des comptes sur la situation et l’accompagnement du mineur auprès d’un « conseil de famille des pupilles » présidé par le préfet et composé de personnes issues de la société civile. « Pour les mineurs isolés étrangers, le préfet-tuteur aurait ainsi tous les éléments en main pour permettre une régularisation, argumente-t-il. Il conviendrait par ailleurs d’associer au conseil des associations telles que le Fil d’Ariane, ATD quart monde, France terre d’asile ou Hors la rue. »

Depuis juillet dernier, 15 jeunes accueillis dans l’Essonne ont été réorientés vers d’autres départements en application du protocole. « L’immense majorité des conseils généraux ont accepté cette soli­darité interdépartementale, il faut le souligner ! Cela va permettre de réguler la situation, espère Jean-François Kerr, alors qu’auparavant, les jeunes arrivaient dans des foyers où l’on estimait qu’il y avait des places alors qu’ils n’en avaient plus ou bien que celles-ci étaient destinées à un placement en préparation, qui du coup devait être différé. » Car même avec une indemnisation financière, la préoccupation première reste celle de la capacité d’accueil. « L’accord qui avait été mis en place avec la Seine-Saint-Denis, il y a 18 mois, concernait plus de 20 départements. Puis nous n’avons été plus que quatre ! Nous nous sommes trouvés avec des mineurs isolés étrangers que nous admettions sur décision administrative et qui se retrouvaient à l’hôtel, dans les Hauts-de-Seine ou dans la Seine-Saint-Denis, pour lesquels seule la mise à l’abri était assurée. » Quid des mineurs isolés conduits à des kilomètres de leur département d’accueil dans le cadre du dispositif national ? « Parce que notre capacité d’hébergement est engorgée, 30 % de l’ensemble des enfants pris en charge par l’ASE de l’Essonne sont hébergés hors du département. Sur ces 30 %, 15 % le sont hors de la grande couronne d’Ile-de-France, rétorque Jean-François Kerr. Orienter des enfants à des kilo­mètres, nous sommes donc déjà obligés de le faire. »

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