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Protection de l’enfance : refonder ou corriger le dispositif ?

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La protection de l’enfance manque de pilotage interministériel, estiment Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, et Jean-François Kerr, directeur de la prévention et de la protection de l’enfance au conseil général de l’Essonne. Dans une interview croisée, ils confrontent leurs analyses et leurs propositions pour améliorer le dispositif.
Six ans après la loi du 5 mars 2007 et alors que le gouvernement prévoit pour la fin de l’année un projet de loi sur la famille, la politique de la protection de l’enfance vous semble-t-elle toujours une priorité ?

Jean-Pierre Rosenczveig. L’enfance n’est pas identifiée comme un objet de politique nationale ! A partir de là, on ne peut être qu’en défaillance de stratégie sur cette politique et celle de la protection de l’enfance, laquelle se concentre classiquement sur des sujets souvent rattachés à des événements et oppose la protection et l’interdit – la maltraitance, la cyber-pédophilie, la drogue… –, quand nous proposions, au sein de DEI (Défense des enfants International)-France, de promouvoir une politique nationale pour le bien-être de l’enfance. Non pas l’aide sociale à l’enfance [ASE] d’un côté, la justice de l’autre, mais une politique qui instaure les droits de l’enfant, une politique médico-sociale, familiale, de protection sociale, administrative, judiciaire. Nous nous sommes battus avant l’élection présidentielle pour qu’il y ait un ministère de l’Enfance, distinct de celui de la Famille parce que les deux sujets ne se recoupent pas totalement. Nous avions également réclamé une délégation interministérielle à l’enfance et à la famille qui puisse organiser des temps forts de dialogue entre l’Etat, les collectivités locales, les réseaux associatifs et les professionnels. Je ne dis pas qu’il ne se fait ou qu’il ne se fera rien, mais il se fait des choses avec le nez collé à la vitre, en pointillisme, sans orientation ni chef d’orchestre.

Jean-François Kerr. Deux mesures pourraient favoriser une coordination du dispositif de protection de l’enfance, dont la définition dans le code de l’action sociale dépasse largement le périmètre de l’aide sociale à l’enfance et des autorités judiciaires. D’une part instaurer un « comité interministériel de la protection de l’enfance », placé sous l’autorité du Premier ministre. D’autre part créer une mission d’inspection ad hoc constituée des différents corps d’inspection de l’Etat pour contrôler dans chaque département le dispositif dans son ensemble, c’est-à-dire les services de l’Etat, des départements, des associations et des autres organisations qui y concourent ; cela me semble plus approprié que le contrôle du seul service de l’aide sociale à l’enfance par l’inspection générale des affaires sociales, d’ailleurs par dérogation au principe de libre administration des collectivités locales. La qualité de la réponse du conseil général dépend de celle offerte par les autres institutions ! On a eu tendance à penser que la loi de 2007 allait répondre à tous les problèmes. Il me semble quand même que, depuis quelques mois, la réflexion évolue dans le bon sens. La conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, en particulier, a permis d’aborder différents sujets de politique publique liés à l’enfance et à la famille, comme les revenus des familles modestes, l’accès au logement, le soutien à la parentalité ou l’accompagnement des jeunes majeurs sortant du dispositif de protection.

J.-P. R. Lorsque, dès 2005 avec Claude Roméo, à l’époque directeur de l’enfance et de la famille au conseil général de la Seine-Saint-Denis, nous avions promu la réforme de 2007 à travers l’appel des 100, nous ne pensions pas qu’elle serait le nec plus ultra ! Son objectif était assez circonscrit. Outre qu’il fallait éviter une contre-réforme qui déconstruirait la protection administrative, nous voulions réaffirmer le rôle du conseil général dans l’ensemble de la protection de l’enfance et pas seulement de l’enfance maltraitée, clarifier la question du secret professionnel, légaliser un certain nombre de pratiques comme l’accueil séquentiel et consacrer quelques droits nouveaux. Au sein du gouvernement, l’enjeu était alors d’afficher une politique de droite sociale face à une politique de droite répressive. Chacun voulait marquer son territoire ! La loi du 5 mars 2007 fait partie des lois importantes dans l’histoire de l’action sociale, mais on ne peut pas dire qu’elle soit une loi fondatrice. Avec elle, on a néanmoins réussi à dire qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain : plus souvent qu’on ne le croit, l’ASE arrive à aider les familles en difficulté et les 6,5 milliards d’euros consacrés à la protection de l’enfance par les départements sont relativement bien utilisés.

A la lumière de drames récents, la ministre déléguée à la famille a demandé une évaluation de la loi de 2007, concernant entre autres le signalement et l’information préoccupante. Y a-t-il des choses à clarifier au plan légal ?

J.-P. R. Il est quasiment impossible de définir l’information préoccupante a priori et de manière définitive, comme il est impossible de définir ce qu’est l’intérêt de l’enfant. Ce sont des concepts cadres contrôlés par l’ensemble des acteurs du dispositif : l’inspecteur de l’enfance, la cellule de recueil des informations préoccupantes [CRIP], le procureur, le juge… Il y a 20 ou 30 ans, le fait qu’une mère se prostitue justifiait à lui seul qu’on lui retire son enfant. Aujourd’hui, on estime que c’est ce que la mère lui fait vivre qui doit être préoccupant.

Remontée d’informations, évaluation partagée de la situation et des réponses possibles à court et moyen terme… La loi a clarifié les étapes du processus en affirmant la primauté du social sur le judiciaire, mais il ne peut y avoir de « risque zéro » pour plusieurs raisons : un fossé s’est creusé entre les travailleurs sociaux et les familles en situation fragile – il faudrait s’interroger sur l’image du travail social –, qui n’y font appel qu’en dernier recours et s’en méfient. Certaines, habituées aux institutions sociales, peuvent envoyer des leurres ou dresser de hauts murs. L’exercice est difficile car on ne peut plaquer aucune règle sociale sans réflexion spécifique sur l’histoire singulière de la famille. La loi ne peut pas faire plus que ce qu’elle a fait en clarifiant les responsabilités et en veillant à les articuler. Pour autant, des échecs il faut régulièrement tirer les leçons avec un regard critique. Chacun doit assumer ses responsabilités. C’est à ce prix que l’on évitera la démagogie et que l’on marquera des points vers le renforcement de la professionnalisation.

J.-F. K. Dès lors qu’il y a consensus sur la notion d’information préoccupante, qui ne recouvre pas le périmètre de l’observation du dispositif de protection de l’enfance, son inscription dans un texte réglementaire n’est pas le plus fondamental. Le groupe de travail mis en place pour intégrer la définition issue des états généraux de l’enfance de 2010 dans un décret [non encore paru] avait été interrompu en raison des confusions entre les deux objectifs : certains départements, pour observer toutes les mesures actives, ont étendu la demande d’aide des parents à une information préoccupante. Sur ce point, les recommandations du comité d’experts chargé par l’ONED [Observatoire national de l’enfance en danger] de dégager un consensus sur le périmètre de l’observation sont claires : les deux sujets sont déconnectés et une demande d’aide n’a pas à être qualifiée d’« information préoccupante ». Mais si elle donne lieu à une mesure administrative elle doit rentrer dans le champ de l’observation.

Au-delà, il n’y a pas de système expert. L’essentiel est d’avoir des procédures internes claires, qui évitent les passages à l’acte à cause d’évaluations trop tardives par exemple, et des instances d’arbitrage en cas de désaccord. La loi a permis d’avoir un système uniformisé et balisé de recueil des informations préoccupantes et d’harmoniser les critères de saisine de l’autorité judiciaire. Dans l’Essonne, grâce à la vigilance accrue de la CRIP sur le contenu et les modalités de saisine, le nombre de classements sans suite a sensiblement diminué depuis la mise en œuvre du protocole de coordination. L’évaluation pluridisciplinaire apporte des garanties : il est important de pouvoir faire réexaminer une appréciation par un tiers, y compris quand elle a été portée par un fonctionnaire qui a la délégation de signature. Nous avons à cette fin créé dans mon département une commission de recours qui peut être saisie en cas de divergences sur le traitement envisagé de la situation par la CRIP.

De la même manière, j’estime qu’il devrait y avoir une procédure permettant de réexaminer la décision d’un substitut chargé des mineurs – qui comme nous tous peut se tromper en toute bonne foi et dont la décision n’est pourtant pas susceptible d’appel – lorsqu’il ne donne pas suite à la demande d’intervention judiciaire adressée par le président du conseil général.

La judiciarisation n’a pas diminué…

J.-P. R. Certains faisaient valoir que pour que la justice de la protection de l’enfance soit plus performante, il fallait qu’elle soit moins saisie. D’autres que, pour que la justice pénale fonctionne mieux, il fallait que le juge des enfants se consacre moins à la protection de l’enfance. Tout le monde était d’accord pour faire baisser la pression du social sur le judiciaire. Cela a-t-il fonctionné ? Je pense que si on enlevait le nombre de prises en charge de mineurs isolés étrangers, on constaterait une diminution de la judiciarisation de la protection de l’enfance. Les présidents de conseil généraux n’ont pas envie de s’entendre dire par l’autorité judiciaire qu’ils ne sont pas allés au bout de ce qu’ils devaient faire ! Il y a là aussi un enjeu politique. Malgré la restriction des budgets, l’offre de service social augmente : les départements savent, en outre, qu’en améliorant le fonctionnement et la coordination de leurs services, ils vont éviter des placements beaucoup plus coûteux.

J.-F. K. J’appelle également à la prudence lorsque j’entends que la loi n’a pas fonctionné au vu du nombre de placements judiciaires (1). Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2005 faisait état de 2 500 mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, et le gouvernement, dans le cadre des travaux menés cette année, de quasiment 9 000. Dans l’Essonne, nous sommes passés de 100 mineurs isolés étrangers présents au 1er janvier 2011 à 336. Identifier avec précision la part et l’impact de ces mineurs dans l’ensemble des mesures judiciaires d’hébergement permettrait d’observer plus finement chaque dispositif départemental de protection de l’enfance et de l’adapter.

Certains reprochent à la loi de retarder les prises en charge judiciaires, au nom de la primauté du travail avec les familles…

J.-F. K. Même dans le cadre d’un placement judiciaire, il faut travailler avec la famille ! Il y a pu avoir, au début, une mauvaise interprétation de la loi en considérant qu’il y aurait une sorte de progressivité dans les mesures proposées. Mais l’enjeu n’est pas tant la ligne de partage entre le judiciaire et le « contractualisé » que de savoir quand on pose une indication de placement. Dans la pratique – et c’est tout l’enjeu de l’évaluation –, il est toujours possible de poser assez tôt l’indication d’une séparation de la famille en la travaillant avec les parents et l’enfant. Lorsqu’on récupère en foyer un jeune de 16 ou 17 ans qui a épuisé toutes les mesures d’aide à domicile et qui n’adhère pas à son placement, il ne faut pas attendre des miracles de sa prise en charge à l’ASE…

La réforme a-t-elle fait évoluer la notion d’évaluation ?

J.-F. K. Elle a, de mon point de vue, permis un progrès fondamental sur la manière de l’aborder. Même s’il y a encore à travailler la formation sur ce sujet, l’évaluation vise aujourd’hui davantage à identifier quelles sont les ressources de la famille à mobiliser, alors que les travailleurs sociaux avaient plutôt l’habitude d’être les huissiers des carences familiales.

J.-P. R. La loi a instauré un dispositif dialectique reposant sur la protection administrative – au sein de celle-ci sur le responsable de l’ASE et ses équipes – et la protection judiciaire – à l’intérieur de celle-ci sur le juge et le procureur. Et c’est de cette dialectique que l’on attend une meilleure évaluation. Ensuite il est vrai que l’enjeu est de cesser d’être des « constatants » pour être des pronostiqueurs, ne plus se contenter de protéger l’enfant, mais analyser sa situation et de la projeter dans l’avenir. D’où l’intérêt du dispositif du projet pour l’enfant, qui malheureusement débouche encore souvent sur des documents très pauvres. On vient de très loin car, jusqu’en 1989, les jeunes étaient confiés à l’ASE jusqu’à « autrement décidé ».

M. Kerr, vous soulignez les travers du placement d’urgence. Pensez-vous, comme la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, que la moitié des placements pourraient être évités ?

J-F. K. Des experts comme Pierre Verdier estiment aussi que 25 % des placements pourraient être évités et que 25 % durent trop longtemps (2). La moitié serait donc honteux. Je n’irai pas jusque-là mais il me semble que, dans un certain nombre de situations, le côté systématique de l’exécution immédiate des ordonnances de placement provisoire [OPP] par le juge pourrait être revu. Ces mesures placent les parents dans une situation d’incompréhension. Elles compliquent d’entrée de jeu le travail de l’aide sociale à l’enfance pour leur faire accepter la mesure et constituent un régime d’exception au principe de la justice selon lequel une décision est exécutoire lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées. Si beaucoup d’exécutions immédiates sont légitimes au nom de l’intérêt de l’enfant, d’autres, en particulier après une mesure d’investigation ou d’action éducative en milieu ouvert [AEMO], sont uniquement justifiées par la forme de la décision – l’OPP – hors situation d’urgence. Or les conditions et les modalités de première prise en charge déterminent totalement le reste ! Pourquoi ne pas légiférer pour dire que le juge des enfants qui n’a pas estimé nécessaire le placement immédiat lorsqu’il en a reçu la préconisation n’a aucune justification à prendre cette décision, sauf si de nouveaux éléments ont été portés à sa connaissance ? Pourquoi ne pas réserver l’OPP en urgence au seul parquet ?

J.-P. R. Je suis d’accord pour dire que c’est au parquet de gérer l’urgence, à condition qu’il ait appris à le faire ! C’est l’une des choses les plus compliquées dans l’action sociale. Or le procureur travaille à partir de coups de téléphone et de do­cuments extrêmement succincts. Il peut être amené, surtout lorsqu’il a peu d’expérience et au nom du principe de précaution, à prononcer une mesure de placement qui aurait pu être évitée, avec la difficulté de revenir sur cette décision qui n’est pas susceptible d’appel. Je pense qu’il n’y a pas de réponse juridique au problème que vous posez. On ne peut pas interdire le placement d’urgence par le juge car, au nom de tout ce qui doit être mis en œuvre pour la protection, il ne faut pas bloquer la machine à un moment donné. La question doit davantage être travaillée dans le cadre des formations et dans la recherche d’une articulation intelligente du travail social avec le judiciaire. Il faudrait aussi inscrire davantage les avocats dans le dispositif de protection de l’enfance, avec un système de rémunération adaptée, sans pour autant faire du juge des enfants un juge aux affaires familiales à l’anglo-saxonne.

La prévention relève aussi d’une politique nationale. Celle-ci n’est-elle pas le parent pauvre de la réforme ?

J.-F. K. De cette politique nationale, il en a été très peu question en 2007 ! Alors que son premier objectif était de renforcer la prévention, la réforme contient en fait peu d’éléments sur le sujet, à part l’entretien au quatrième mois de grossesse qui n’est pas un entretien de protection, mais un entretien de prévention primaire. Elle n’évoque pas les REAP [réseaux d’appui, d’écoute et d’accompagnement aux parents], par exemple. Les choses vont-elles évoluer ? Dans son rapport de fin janvier 2012, l’inspection générale des affaires sociales (3) demande que tous les crédits des lieux de médiation ne soient plus gérés par la direction générale de la cohésion sociale et qu’ils soient transférés au ministère de la Justice, afin qu’il n’y ait qu’un seul pilote, et que les REAP soient réactivés avec des dotations supplémentaires. Les conseils généraux, eux, financent, outre les mesures d’aide à domicile, la PMI [protection maternelle et infantile], la prévention spécialisée et des actions de soutien à la parentalité avec les CAF et la MSA. Renforcer les politiques nationales de prévention permettrait aux départements – qui consacrent 80 % du budget de l’ASE à l’hébergement – de développer leurs modes d’intervention dans l’aide à domicile, qui représentent 20 % de ce budget.

Le coût d’une place en foyer atteint entre 50 000 et 60 000 € par an, soit l’équi­valent d’un poste d’éducateur. Or, du fait des contraintes budgétaires et faute de moyens, il y a peu de départements en France qui n’ait pas des mesures d’AEMO ou d’aide éducative à domicile en attente, avec le risque de voir les situations se dégrader. L’absence de nouveaux crédits et la diminution de leurs recettes expliquent aussi pourquoi ils avancent lentement dans la diversification des modes de prise en charge : à coût constant, diversifier signifie restructurer l’offre existante et non créer des places, ce qui prend plus de temps. Dans l’Essonne, nous mettons par exemple en place l’accueil modulable dans quatre structures. Dans chacune d’entre elles, une place d’hébergement est convertie en six places d’accueil modulable. Le jeune reste dans sa famille, avec un minimum d’intervention de quatre heures par semaine, et, en cas de crise, il a la garantie d’intégrer une place d’hébergement dans l’établissement. Cela nécessite des adaptations.

J.-P. R. Parce que quasiment tous les enfants de France croisent l’école, le service social aux élèves devrait être, avec la PMI, le fer de lance de la prévention. Or, avec le service de santé scolaire et la pédopsychiatrie, c’est le maillon faible de la protection de l’enfance depuis près de 30 ans. Il y a eu des efforts sous les ministères Jospin et Bayrou pour recruter à chaque fois 200 ou 300 personnes, mais ce n’est pas allé plus loin. Dans la Seine-Saint-Denis, il n’y a pas un seul travailleur social dans le primaire ! J’ai proposé il y a plusieurs années de mener une expérimen­tation qui consistait à passer un accord entre le conseil général et l’Etat. L’idée était la suivante : l’Etat, à travers l’école, veut des enfants concentrés sur l’apprentissage, mais il ne peut pas recruter plus. Le conseil général, lui, doit repérer et accompagner les enfants en difficulté le plus en amont possible. A l’Etat de jouer le rôle de cheval de Troie, au conseil général d’affecter ses travailleurs sociaux. Dans tous les établissements scolaires, la circonscription aurait tenu une permanence pouvant recevoir les élèves, les parents et les enseignants. Du « donnant-donnant » à textes égaux.

L’autre solution serait de transférer le service social scolaire et le service de santé scolaire aux départements, à qui reviendraient alors les cinq doigts de la main : l’action sociale, l’aide sociale, le service social scolaire, le service de santé scolaire et la PMI. Mais l’Etat et les départements n’ont jamais réussi à s’accorder sur ces questions, sans parler de la résistance des syndicats. Une autre option serait de prolonger la protection maternelle et infantile à l’entrée dans le secondaire.

Le Premier ministre a confié à un parlementaire une mission sur la PJJ, notamment sur les conséquences de son recentrage au pénal sur la continuité des prises en charge (4). Qu’attendez-vous ?

J.-P. R. Sous les coups de boutoir politiques et leur traduction juridique, dont la plus importante est la décision du Conseil constitutionnel de 2011 sur la partialité du juge des enfants, on est de plus en plus sur une réponse à l’acte. Dans le passé, après une, deux, trois affaires de délinquance, on déduisait que le jeune était en danger et mettait en danger les autres. Aujour­d’hui, de cette réitération on déduit qu’on a affaire à un caïd et on ferme le dossier de protection de l’enfance ! La protection judiciaire de la jeunesse [PJJ], qui s’est dégagée de la prise en charge des enfants en danger pour des raisons budgétaires, prive le juge des enfants d’une passerelle. J’ai vu un procureur me demander de prolonger un sursis avec mise à l’épreuve pour faire en sorte qu’un gamin, qui n’avait plus commis de délit depuis sa condam­nation, mais était toujours en situation de fragilité, puisse continuer à être suivi par la même équipe de la PJJ ! La garde des Sceaux veut rassurer les juges des enfants, mais il faudra des années pour remonter la pente dans le débat public et professionnel et pour renouer avec une approche correspondant à la réalité de la psychologie des jeunes en conflit avec la loi. Dès juin 2012, il aurait fallu poser des actes symboliques. La réforme de la justice des mineurs est renvoyée à 2014… au plus tôt. Mais c’est moins fondamentalement la loi qu’il faut changer que les mentalités, sauf à supprimer d’urgence les tribunaux correctionnels pour mineurs.

J.-F. K. Lorsque la PJJ s’est retirée de l’assistance éducative, nous nous sommes retrouvés, au conseil général du Loiret où j’étais précédemment directeur de l’enfance, avec 120 mesures d’AEMO judiciaire transférées au département ! Par souci de lisibilité – auparavant le juge pouvait confier une mesure à la PJJ ou au département, et on pouvait se retrouver avec trop de mesures d’un côté, pas assez de l’autre –, je suis favorable à ce que le département pilote et finance l’assistance éducative. Mais il faut absolument retrouver des modes de coopération qui assurent la continuité des parcours et évitent les ruptures.

Deux experts engagés dans le débat public

Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, est notamment le fondateur de l’Association pour la promotion de la citoyenneté des enfants et des jeunes (APCEJ), dont il est président, et de DEI (Défense des enfants International)-France.

Son dernier ouvrage : La justice et les enfants (éd. Dalloz – Collection A savoir – 3 €).

Jean-François Kerr, directeur de la prévention et de la protection de l’enfance au conseil général de l’Essonne, est membre du comité de pilotage du « Club ASE » du réseau Idéal connaissances – qui favorise l’échange de savoir-faire des collectivités locales – et adhérent de l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de la santé des conseils généraux (Andass).

Sa contribution sur la protection de l’enfance est disponible sur http://contributions-jfk.e-monsite.com.
Vers des évolutions législatives ?

La présentation du projet de loi sur la famille en conseil des ministres est prévue pour la fin de l’année. Des groupes d’experts, dont les conclusions sont attendues fin novembre, doivent plancher sur cinq thématiques : la médiation, l’adoption, les nouveaux droits des enfants (dont le statut de « pré-majorité »), les violences faites aux enfants, la filiation et la parentalité (dont le statut du tiers).

Par ailleurs, un comité de suivi du colloque sur les violences faites aux enfants organisé le 14 juin dernier par André Vallini, sénateur (PS) et président du conseil général de l’Isère, avec Anne Tursz, directrice de recherche à l’Inserm, a commencé à se réunir. Ses membres, issus du monde médical et du champ de la protection de l’enfance, travaillent, à partir de l’application de la loi du 5 mars 2007, à des propositions pour améliorer le dispositif de protection de l’enfance. L’initiative parlementaire vise, en outre, à proposer une année 2014 « grande cause nationale » autour de l’enfance.

Notes

(1) En hausse de 9 % entre 2007 et 2011, selon la DREES.

(2) Pierre Verdier est avocat au barreau de Paris et ancien directeur de DDASS – Voir sa tribune libre dans les ASH n° 2823 du 6-09-13, p. 30.

(3) Voir ASH n° 2744 du 27-01-12, p. 8.

(4) Le sénateur (PS) Jean-Pierre Michel a été missionné – Voir ASH n° 2817 du 5-07-13, p. 14.

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