Reconnaissance, confiance, dialogue… Le gouvernement « Ayrault » a-t-il amorcé un « virage » d’ampleur pour la vie associative ? C’est l’une des questions soulevées par l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), à l’occasion de sa conférence de presse annuelle de « rentrée sociale », le 24 septembre. Car entre le soutien affiché au secteur non lucratif et les contraintes budgétaires qui se poursuivent voire s’accroissent – dans les champs de l’aide à domicile, habilité justice, de l’hébergement ou de la prévention spécialisée notamment –, « la doctrine », selon le mot de Dominique Balmary, président de l’union, reste à éclaircir.
Parmi les textes qui témoignent d’une volonté de renouveler les rapports entre l’Etat et les associations : le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), qui devrait être examiné à partir du 6 novembre au Sénat. Parce qu’il porte des enjeux de financement, le secteur sanitaire et social devra s’en emparer, défend l’Uniopss, qui consacrera une journée d’étude à ce sujet le 13 novembre. L’union entend proposer des amendements au texte afin qu’il affirme la finalité sociale et humaine des acteurs de l’ESS, l’activité économique ne devant être, selon elle, qu’un moyen au service de cette finalité. Elle souhaite que la notion d’utilité sociale, « raison même de l’ESS », soit présente dès le premier article qui définit le périmètre du secteur. Elle demande aussi que le projet de loi clarifie « le but poursuivi » par les acteurs et qu’il aille plus loin sur l’encadrement de l’utilisation des bénéfices. En l’état, souligne Thierry Couvert-Leroy, responsable du service « gestion et ressources de la solidarité » de l’Uniopss, le texte « semble s’inscrire dans une ligne libérale portée par le gouvernement » en incluant dans le champ de l’ESS les entreprises qui se disent « sociales ». Et par là même dilue l’identité associative.
L’Uniopss s’alarme « d’autres signaux inquiétants », ajoute-t-il, comme le transfert, auquel plusieurs organisations se sont opposées, à la répression des fraudes du contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux, prévu par le projet de loi relatif à la consommation, en cours d’examen au Parlement. « En défendant cette vision, le législateur entérine définitivement l’assimilation du champ à un bien de consommation courante », souligne Thierry Couvert-Leroy. Autre préoccupation : les distorsions de concurrence entrainées par le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), accordé aux employeurs du secteur lucratif. Un correctif a été prévu pour les associations sous forme d’une exonération supplémentaire de la taxe sur les salaires. Or, à partir de 15 salariés, les associations ne s’y retrouvent pas. « Selon la simulation de la Croix-Rouge, un groupe privé lucratif réalisant 500 millions d’euros de chiffre d’affaires bénéficierait de 7 millions d’euros quand la Croix-Rouge bénéficierait de 20 000 € d’abattement », constate l’Uniopss dans son document « Rentrée sociale des associations sanitaires, sociales et médico-sociales – Enjeux politiques, budgets prévisionnels 2014 » (1). Alors que la mission parlementaire sur la fiscalité des associations doit fournir ses conclusions, l’Uniopss demande une « compensation pleine et entière de l’équivalent du CICE ».
D’autres tendances contradictoires sont à l’œuvre. Alors que la circulaire de juillet dernier (2) sur les CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens) présente ces derniers comme des outils structurant les relations entre les associations et leurs financeurs, les réformes de la tarification restent à la peine. « La méthodologie proposée par le “rapport Jeannet-Vachey” dans le secteur du handicap – un système organisé de mesure des besoins des personnes, une description organisée du service rendu, étude nationale des coûts, étude d’impact – mériterait d’être déclinée dans tous les champs », estime Thierry Couvert-Leroy (3). Mais « cela suppose des objectifs communs partagés pour une meilleure allocation de la ressource, afin de produire des réponses de qualité pour les personnes accompagnées, et la garantie que les choix ne seront pas guidés par l’économie mais bien par l’efficience ».
Le message est clair : la révision de la « charte des engagements réciproques » attendue pour la fin de l’année – qui vise à développer le dialogue civil et, nouveauté, à en décliner les modalités concrètes à l’échelle locale – ne suffira pas à établir le « pacte de confiance » espéré. « Les engagements doivent se traduire par les actes et la ligne n’est pas si claire », conclut Thierry Couvert-Leroy. Prochaine heure de vérité : les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, dont dépendront la fiscalité du secteur non lucratif et la dotation du champ social, médico-social et de la santé.
De même, les attentes sont fortes sur les décisions budgétaires relatives à la concrétisation du plan quinquennal de lutte contre l’exclusion et pour l’insertion sociale, auquel les associations ont largement apporté leur contribution. Dans un courrier adressé le 20 septembre au chef de l’Etat, les présidents de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), d’Emmaüs France, du Coorace, et de l’Uniopss appellent à la réforme du RSA, dès 2014, telle qu’elle est préconisée dans le rapport du député Christophe Sirugue remis au Premier ministre en juillet (4).
(1) Hors série n° 270 d’Union sociale – 48 €.
(2) Voir ASH n° 2822 du 30-08-13, p. 40.
(3) La réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées doit s’étaler sur sept ans, selon la direction générale de la cohésion sociale – Voir ASH n° 2825 du 20-09-13, p. 7.
(4) Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 5.