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Une étude éclaire, pour la première fois, sur la fin de vie des adultes handicapés en établissement

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Dans un rapport rendu public le 19 septembre (1), l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) donne un coup de projecteur sur une « réalité invisible, oubliée, négligée voire cachée » : la fin de vie des personnes adultes gravement handicapées dans les établissements médico-sociaux. Une question qui, souligne l’ONFV, n’est au cœur d’aucune politique de santé – ni du côté du handicap, ni du côté de la fin de vie –, n’a fait l’objet d’aucune étude à l’échelle nationale et n’intéresse que rarement les médias. Pourtant, l’espérance de vie des personnes handicapées augmente plus vite que celle de la population générale. Ce qui se traduit par l’avancée en âge de personnes très lourdement handicapées et donc l’apparition de situations « de plus en plus complexes », des problèmes liés à l’âge et à des maladies chroniques parfois graves venant se surajouter au (poly) handicap. Mais, « étonnamment, on ne sait rien de cette question ».

L’ONFV a donc mené, du 1er mars au 7 juin 2013, une étude auprès de l’ensemble des structures concernées. Au total, 778 établissements (sur 1 280) ont participé – dont 288 maisons d’accueil spécialisées (MAS) et 285 foyers d’accueil médicalisés (FAM) –, formant un échantillon « représentatif aussi bien du point de vue de la répartition par statut juridique (public/privé) de ces [structures] que par le nombre de places installées, ou encore la répartition géographique ».

Quatre décès par jour

Premier constat, chiffres à l’appui : la survenue de décès au sein des établissements est une réalité qui, sans être fréquente au point de constituer le « cœur de métier » des professionnels, est « relativement régulière ». L’observatoire estime ainsi, par extrapolation des données issues de l’étude, que, chaque jour, quatre personnes meurent dans une MAS ou dans un FAM (soit 1 400 décès par an en France). Un chiffre qu’il convient de mettre en lien avec le nombre moyen de résidents accueillis dans ces établissements : « contrairement aux EHPAD [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], qui peuvent accueillir un grand nombre de personnes, les MAS accueillent en moyenne 44 résidents, et les FAM seulement 39 », souligne le rapport.

Tous les décès ne correspondent toutefois pas nécessairement à des situations de fin de vie. En effet, lorsqu’il est brutal, soudain, et totalement inattendu, il n’est pas possible d’anticiper le décès et donc de mettre en place une prise en charge spécifique. Au total, 40 % des décès sont ainsi considérés comme « soudains et tout à fait inattendus » par les professionnels. Un résultat très largement supérieur à celui obtenu dans l’étude sur la fin de vie en France menée par l’Institut national d’études démographiques en 2011 (16,9 %) ou dans celle récemment menée par l’ONFV lui-même dans les EHPAD (12 %) (2). L’observatoire s’est interrogé sur la réalité pouvant se cacher derrière ces décès jugés « soudains ». Selon lui, si une partie d’entre eux correspond effectivement à des situations dans lesquelles la disparition du résident était tout à fait imprévisible (AVC, accidents domestiques, traumatismes…), « une autre partie correspond sans doute à des situations de fin de vie qui n’ont pas été anticipées alors qu’elles étaient prévisibles ».

Autre constat: les situations de fin de vie en établissement sont marquées par « une prévalence non négligeable du cancer » (17 % des décès dans les FAM), par des difficultés de communication liées aux déficiences intellectuelles et cognitives des résidents (en particulier dans le cas du polyhandicap), par la présence d’antalgiques de type morphine dans 50 % des cas (lorsque le décès est non soudain) et par la fréquence des décisions de limitation ou d’arrêt des traitements.

Toutes ces réalités sont relativement peu présentes dans la communication avec les résidents et leurs proches, déplore l’ONFV : « si 78 % des établissements déclarent “toujours” aborder la question de l’évolution de la maladie avec les proches, ils ne sont que 55 % à le faire concernant la question de la fin de vie et de la mort du résident ». De la même façon, ajoute le rapport, « la question des directives anticipées et de la personne de confiance n’est qu’assez peu évoquée avec les proches, encore moins avec les résidents eux-mêmes ».

De fortes inégalités régionales

Les résultats obtenus dans l’étude montrent de fortes inégalités entre les régions, à différents niveaux. La prévalence du cancer chez les résidents décédés de façon non soudaine, par exemple, connaît d’une région à l’autre des écarts allant de 0 % à 45 %. Or ces disparités ne correspondent pas à une réalité « épidémiologique » puisque le taux de mortalité par cancer selon les régions ne présente pas des écarts aussi importants. Pour l’ONFV, elles s’expliquent davantage par des différences dans le diagnostic et la détection des cancers chez les personnes gravement handicapées.

Autre exemple : la proportion des décès survenant à l’hôpital. « Si, en moyenne, 47 % des résidents décèdent dans un établissement sanitaire, ce n’est le cas que de 15 % d’entre eux en Auvergne, contre 61 % dans le Nord-Pas-de-Calais et 80 % en Basse-Normandie », souligne le rapport.

Il en va de même pour la formation des professionnels à l’accompagnement de la fin de vie. Si, sur l’ensemble du territoire, 37,3 % des établissements disposent d’un ou de plusieurs infirmiers formés aux soins palliatifs, cette proportion varie de 17 % en Basse-Normandie à près de 60 % en Alsace et dans les Pays-de-la-Loire. Or la formation a « un impact décisif sur les conditions de la fin de vie ». En effet, souligne l’observatoire, « le pourcentage de décès à l’hôpital passe de 61 % lorsqu’aucun professionnel n’est formé à l’accompagnement de la fin de vie à 31 % lorsque [le médecin, le ou les infirmiers et les autres professionnels] ont reçu une formation ».

Enfin, dernier exemple « particulièrement frappant » d’inégalité interrégionale pointée par l’observatoire : la proportion de résidents qui, avant leur décès, ont bénéficié d’antalgiques de palier 3 (morphine, etc.). « D’une région à l’autre, la probabilité de recevoir des antidouleurs puissants passe du simple au triple », indique le rapport. « Aucune réalité épidémiologique ne justifie de tels écarts. »

Accès aux équipes de soins palliatifs

Le rapport distingue la problématique de l’accessibilité de l’offre de soins palliatifs (c’est-à-dire la possibilité pour les établissements d’accéder à ces structures) et celle de l’accès (c’est-à-dire le fait de mobiliser effectivement ces ressources). Si, concernant la première, « la situation semble globalement ne pas poser de problèmes particuliers », les résultats sont plus nuancés s’agissant de l’accès aux équipes de soins palliatifs. L’observatoire remarque notamment que les unités de soins palliatifs (USP) sont très peu mobilisées. Ainsi, « seuls 18 % des répondants déclarent avoir déjà transféré un résident en USP au cours de ces cinq dernières années » et, « dans l’écrasante majorité des cas, les intéressés estiment que de tels transferts ne sont pas nécessaires ». Les USP pourraient pourtant jouer un rôle important dans les situations les plus complexes, estime l’observatoire.

Quatre propositions pour améliorer la fin de vie

Sur la base des résultats de son étude, l’ONFV délivre au final « quatre propositions simples et peu coûteuses » pour améliorer la fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées :

→ faire de la question de la fin de vie l’une des priorités de la future politique nationale du handicap ;

→ faciliter l’intervention des équipes mobiles et des réseaux de soins palliatifs dans ces établissements en les faisant mieux connaître, et mettre en place des « stages croisés » entre équipes mobiles de soins palliatifs et établissements médico-sociaux pour permettre une réelle acculturation des professionnels ;

→ mettre en place, de façon mutualisée sur deux ou trois établissements situés à proximité les uns des autres, un poste d’infirmier de nuit. « Cela éviterait de nombreuses hospitalisations en fin de vie et permettrait de maintenir davantage de résidents dans leur lieu de vie », explique le rapport, qui estime que seuls 16 % des établissements disposent effectivement d’un infirmier de nuit ;

→ faire de l’accompagnement de la fin de vie une priorité nationale en matière de formation continue pour les professionnels des MAS et des FAM.

Notes

(1) Une fin de vie invisible – La fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées – Rapport d’étude – Septembre 2013 – Disp. sur www.onfv.org/handicap.

(2) Voir ASH n° 2824 du 13-09-13, p. 5.

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