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Lutte contre le non-recours aux soins : 40 propositions pour simplifier les demandes et « aller chercher les bénéficiaires »

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L’accès aux soins des plus démunis relève du « parcours du combattant ». En cause, notamment, un système de protection sociale « en partie dépassé » et inadapté aux réalités actuelles. L’enjeu pour le système de protection sociale est désormais d’« être capable de faire s’exprimer des besoins qui ne s’expriment plus spontanément, d’“aller vers” les bénéficiaires potentiels ou même de “rendre visibles” des personnes qui ne demandent rien par ignorance totale de leurs droits », estime la sénatrice (Groupe écologiste) Aline Archimbaud, qui, le 24 septembre, a remis au Premier ministre son rapport sur les moyens de lutter contre le non-recours aux prestations (1). En raison de difficultés financières notamment, les assurés renoncent aux soins, voire à prendre une couverture santé : en 2012, le taux de non-recours s’élevait à 15 % pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et entre 62 et 73 % pour l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) (2). L’élue de Seine-Saint-Denis formule donc 40 propositions visant à simplifier les démarches et les procédures d’attribution des droits et permettant d’« aller chercher les bénéficiaires ». « Les changements proposés ici sont urgents mais ils sont à notre portée », a-t-elle indiqué à l’AFP le 24 septembre.

Rendre effectif l’accès aux droits

Pour rendre effectif l’accès aux droits, la sénatrice préconise d’abord des mesures de simplification. Par exemple, constatant que 30 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active « socle » ne font pas valoir leurs droits à la CMU-C (40 % en Ile-de-France), elle propose d’ouvrir automatiquement leurs droits à la CMU-C dès le premier jour du mois de dépôt de la demande et de procéder automatiquement à leur renouvellement. Comme les associations du secteur et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (3), Aline Archimbaud recommande de fusionner l’aide médicale de l’Etat (AME) et la couverture maladie universelle de base en raison des similitudes entre les deux dispositifs. En outre, affirme-t-elle, ce serait une « source d’économies de gestion pour les caisses primaires d’assurance maladie [CPAM] et un élément de simplification pour les professionnels de santé ; elle favoriserait un meilleur accès à la médecine de ville des bénéficiaires de l’AME dans le cadre du parcours de soins coordonnés, éviterait les ruptures de couverture et contribuerait à limiter le refus de soins ».

La sénatrice suggère par ailleurs d’« aller chercher les bénéficiaires un par un », par exemple en désignant, pour les personnes précaires, des interlocuteurs physiques et bien identifiés, en installant des permanences de la CPAM dans les établissements publics de santé et les prisons, en soutenant les coopérations entre les CPAM et les centres communaux d’action sociale volontaires pour permettre à ces derniers de pré-instruire les droits à l’ACS ou en créant 100 services mobiles/itinérants – de type « bus santé » – pour se rapprocher des populations les plus fragiles. Ces deux dernières mesures ont d’ores et déjà été initiées dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (4).

Ouvrir de nouveaux droits

D’après une étude rapportée à l’élue, « les mesures visant à réduire le non-recours ont un retour sur investissement en termes d’amélioration de l’état de santé des bénéficiaires » et, au final, des comptes sociaux (5). Elle préconise donc d’étendre la CMU-C aux titulaires de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. En effet, les plafonds de ressources mensuels à ne pas dépasser pour bénéficier de ces deux prestations s’établissent respectivement à 776,59 € et à 787,26 €, soit 60 et 71 € de plus que le plafond de ressources de la CMU-C, « très en deçà du seuil de pauvreté (964 €) ». Une « forme d’injustice » qu’il faut réparer, estime Aline Archimbaud.

Autre proposition de l’élue : « transformer l’ACS en une CMU-C contributive » pour pallier le déficit de notoriété et d’attractivité du dispositif. Comme l’a aussi suggéré le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (6), l’idée est d’étendre le bénéfice de la CMU-C, moyennant le paiement d’une cotisation, aux personnes dont les ressources se situent en deçà du seuil de l’ACS. « Il reste que la décision n’est pas aisée à prendre », admet la sénatrice, qui recommande dès lors d’« envisager un scénario alternatif de maintien de l’ACS dans sa forme actuelle assortie d’un effort sur le niveau des garanties ».

Lever les obstacles financiers

Compte tenu du poids des motifs financiers dans les mécanismes de renoncement aux soins des personnes en situation de précarité, Aline Archimbaud soutient l’objectif de généralisation du tiers payant intégral pour l’ensemble de la médecine de ville prévu par la stratégie nationale de santé (voir ce numéro page 9). Dans ce même ordre d’idées, l’élue demande aussi aux pouvoirs publics de réaffirmer la faculté offerte au médecin traitant par la convention médicale du 26 juillet 2011 d’accorder une dispense d’avance des frais aux patients qui le nécessiteraient et qui ne sont pas titulaires de l’ACS. Elle souhaite que cette faculté « porte également, sans ambiguïté, sur la part complémentaire, en attendant l’aboutissement des travaux […] sur la généralisation du tiers payant ». En outre, estime-t-elle, « en matière de maîtrise des dépassements d’honoraires, il paraît difficile de se satisfaire de l’avenant n° 8 à cette même convention médicale » (7), en raison de son « caractère peu contraignant ». Aussi la sénatrice de Seine-Saint-Denis propose-t-elle, sans remettre en cause cet avenant, de « donner au médecin traitant la possibilité, lorsqu’il oriente un patient vers un confrère dans le cadre du parcours de soins, de demander à ce dernier, pour des raisons liées à la situation sociale du patient, de pratiquer les tarifs opposables ».

Propositions diverses

Pour Aline Archimbaud, il convient également de soutenir les structures tournées vers les populations fragiles, comme le prévoit le plan « pauvreté ». Elle suggère donc, entre autres, de « lancer un appel à projets pour créer dix permanences d’accès aux soins de santé de ville ou mobiles », de « conforter les lits halte soins santé [LHSS] sur tout le territoire » et de « les ramener progressivement vers leur vocation initiale en agissant notamment sur les structures d’aval » (8), et de « soutenir les centres de santé et favoriser une meilleure couverture du territoire ».

Par ailleurs, le rapport préconise d’« élargir la notion de refus de soins au fait de proposer un rendez-vous dans un délai manifestement excessif par rapport à celui pratiqué habituellement dans le même cabinet et au fait de négliger la transmission des informations aux confrères ». Le refus de soins pourrait aussi être constitué en cas de refus de pratiquer le tiers payant au profit des bénéficiaires de la CMU-C, comme le prévoit le code de la sécurité sociale, ainsi qu’en cas de refus d’élaborer un devis.

Enfin, l’élue considère qu’il faut « développer la culture de la prévention ». Dans ce but, il pourrait être envisagé d’« autoriser la prise en charge par l’assurance maladie des actes de soins prescrits par les médecins scolaires et les médecins exerçant dans les services de la protection maternelle et infantile ». Ou encore d’« instaurer un bilan de santé gratuit pour tous les nouveaux bénéficiaires de la CMU-C et leurs ayants droit ».

Notes

(1) L’accès aux soins des plus démunis. 40 propositions pour un choc de solidarité – Disponible sur www.gouvernement.fr.

(2) Toutefois, signale l’élue de Seine-Saint-Denis, ces pourcentages devraient évoluer au regard de la revalorisation exceptionnelle de 7 % des plafonds de ressources à ne pas dépasser pour l’octroi de la CMU-C intervenue le 1er juillet dernier et de ceux de l’ACS – Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 55.

(3) Voir ASH n° 2717 du 8-07-11, p. 7.

(4) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.

(5) Selon Aline Archimbaud, « dans un scénario prudent, le recours à la CMU-C permet de générer une économie de 1 000 € par an et par foyer, et de 300 € par an pour le recours à l’ACS ». Et d’ajouter que « ce gisement “moins de maladies” pourrait générer des économies supérieures au coût brut de la CMU-C et de l’ACS ».

(6) Voir ASH n° 2822 du 30-08-13, p. 10.

(7) Voir ASH n° 2788 du 21-12-12, p. 35.

(8) En effet, note la sénatrice, les LHSS sont devenus des « alternatives indues à l’hospitalisation ». A l’inverse, poursuit-elle, « des demandes en forte croissance ne peuvent être satisfaites », notamment en ce qui concerne les personnes vieillissantes, celles de moins de 40 ans et sans domicile fixe depuis moins de un an et les femmes très marginalisées avec ou sans enfant. En outre, les LHSS sont souvent « conduits à se substituer, faute de solutions d’aval en nombre suffisant, aux structures spécialisées dans l’accueil des personnes handicapées ou des personnes âgées dépendantes ».

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