La violation des droits de la défense lors de l’adoption d’une décision de prolongation de la rétention d’un ressortissant étranger en séjour irrégulier à des fins d’éloignement n’entraîne pas automatiquement la levée de la rétention. Le juge national peut en effet décider de maintenir cette décision s’il considère que celle-ci n’a pas privé celui qui l’invoque de « la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent ». Tel est le sens de l’arrêt rendu le 10 septembre par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui s’est penchée sur l’interprétation de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Les faits, qui se déroulent aux Pays-Bas, sont les suivants : deux étrangers clandestins ont été placés en rétention dans le cadre d’une procédure d’éloignement. A la suite de la prolongation de leur rétention, ils ont saisi chacun la juridiction néerlandaise de première instance d’un recours contre cette décision de prolongation. Celle-ci a constaté une violation des droits de la défense des intéressés qui, selon elle, n’avaient pas été régulièrement entendus préalablement à la décision de prolongation. Mais elle a tout de même rejeté ces recours, estimant qu’une telle irrégularité n’entraînait pas l’annulation des décisions de prolongation et que les deux requérants devaient être gardés en rétention jusqu’à leur éloignement. Ces derniers ont alors saisi le Conseil d’Etat des Pays-Bas. Celui-ci a confirmé l’existence d’une violation des droits de la défense mais a choisi d’interroger la CJUE pour savoir s’il pouvait, comme le prévoyait la jurisprudence nationale, ne pas annuler la décision de prolongation de la rétention en considérant que l’intérêt de maintenir les clandestins en rétention était prioritaire sur le respect de leurs droits.
Dans sa décision du 10 septembre, la CJUE rappelle que la directive 2008/115/CE vise à mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. Et qu’elle fixe entre autres des garanties procédurales concernant les décisions d’éloignement, telles que la mise en place de voies de recours effectives et la remise en liberté immédiate en cas d’illégalité. La Cour souligne toutefois que « les droits fondamentaux n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues et peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général et ne constituent pas une intervention démesurée et intolérable ». En outre, estime-t-elle, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce. Or, en l’espèce, souligne la cour, « ni les conditions dans lesquelles le respect des droits de la défense des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière doit être assuré, ni les conséquences de la méconnaissance de ces droits ne sont fixées par le droit de l’Union ». En conséquence, « ces conditions et ces conséquences relèvent du droit national ». La CJUE répond donc au Conseil d’Etat néerlandais qu’« une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent », et qu’il revient au juge national d’en juger.