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Réforme du système d’asile : trois inspections générales avancent leurs propositions

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Alors qu’une concertation nationale réunissant Etat, élus et associations planche actuellement sur la réforme d’un système d’asile jugé « à bout de souffle » (1), les inspections générales de l’administration (IGA), des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) apportent leur contribution au débat dans un rapport qui vient d’être rendu public (2).

Une chasse aux économies budgétaires compliquée

Les ministres de l’Intérieur, du Travail et de l’Economie leur avaient demandé d’évaluer l’allocation temporaire d’attente (ATA) – versée par Pôle emploi aux demandeurs d’asile pendant la durée d’instruction de leur requête – et le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) – hors centres d’accueil dédiés, donc. Des dispositifs initialement conçus à titre subsidiaire mais devenus de facto des composantes structurelles de la politique publique de prise en charge de cette population. Et qui ont, tous deux, connu une forte dérive budgétaire en raison notamment de la progression continue de la demande d’asile depuis 2007 (+ 75 %) et de l’allongement consécutif des délais de traitement.

Pour les inspections, « des économies budgétaires substantielles peuvent être obtenues à court terme s’agissant de l’ATA par le redressement des pratiques de gestion ». Elles observent en effet que la gestion de l’allocation occasionne de nombreux indus et estiment que des actions pourraient être entreprises rapidement pour pallier et prévenir ces dysfonctionnements (rapprochement de fichiers, par exemple).

En revanche, à dispositif constant, les perspectives d’économies apparaissent « beaucoup plus faibles » en ce qui concerne l’hébergement d’urgence. Pour mémoire, le dispositif est en principe réservé, d’une part, aux demandeurs d’asile en procédure normale accueillis de façon transitoire dans l’attente d’une place en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et, d’autre part, aux demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire ou relevant d’une procédure « Dublin II » (3), accueillis donc normalement pour une courte durée. Mais le constat est connu : en réalité, le dispositif n’a pas pu fonctionner sur cette base non seulement parce que le nombre de places en CADA n’a pas augmenté à la hauteur de la demande d’asile, mais aussi parce que le délai de traitement des demandes en procédure prioritaire ou relevant d’une procédure « Dublin II » se révèle de facto aussi long que le traitement en procédure normale. Les inspecteurs ont notamment cherché dans quelle mesure une baisse des coûts unitaires d’hébergement est envisageable. Ce qu’une circulaire du 24 mai 2011 préconise en passant par une contractualisation avec les opérateurs (4). Le texte prescrit notamment de limiter les prestations délivrées en hébergement d’urgence à la simple mise à l’abri, afin d’en limiter le coût. Mais, « si cette prescription peut se justifier quand l’hébergement d’urgence est temporaire, elle semble moins pertinente pour des demandeurs d’asile en procédure normale, hébergés plusieurs mois, qui devraient bénéficier d’un accompagnement du même type qu’en CADA ».

Un scénario de réforme privilégié

Après avoir répondu aux deux questions posées, l’IGA, l’IGF et l’IGAS ont estimé qu’elles ne pouvaient faire l’économie d’une analyse de l’ensemble du dispositif de demande d’asile, depuis le premier accueil et la délivrance des autorisations provisoires de séjour jusqu’à l’éloignement des personnes déboutées. Au regard des constats qu’elles ont réalisés, elles considèrent en effet que, plus que par des mesures ponctuelles, « l’optimisation des conditions de prise en charge et d’hébergement des demandeurs d’asile ne peut passer que par une réforme d’ensemble du dispositif ».

Allant ainsi au-delà de la commande initiale, les inspections formulent tous azimuts une cinquantaine de propositions « de moyen terme », qui se retrouvent au travers d’un scénario « privilégié ». Dans ce scénario, le demandeur d’asile devrait déposer sa requête dans un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire, faute de quoi il serait placé en procédure prioritaire et privé des droits à l’ATA. Son premier passage en préfecture, qui se déroulerait dans des délais raccourcis par rapport à la situation actuelle (au maximum 15 jours, indique le rapport), serait l’occasion de lui délivrer un titre provisoire de séjour qui serait, le cas échéant, valable pour l’ensemble de la procédure de traitement de la demande d’asile.

En termes d’hébergement, l’intéressé serait orienté vers un lieu d’accueil déterminé a priori par l’administration, « en n’importe quel point du territoire métropolitain ». Le refus de cette destination par le demandeur d’asile entraînerait le non-paiement de l’ATA.

Toujours dans ce scénario privilégié, il faudrait par ailleurs disposer d’un parc de 35 000 places de CADA (5) afin d’héberger et d’accompagner de manière satisfaisante la quasi-totalité des demandeurs d’asile placés en procédure normale.

La demande d’asile serait, en outre, traitée dans un délai moyen de trois mois par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En cas de recours, les délais de traitement à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) seraient de six mois en moyenne. « Un renfort de personnels, le développement de leur polyvalence, des simplifications par exemple sur l’octroi automatique de l’aide juridictionnelle en cas de recours devant la CNDA permettraient de respecter ces délais », indique le rapport. Au-delà du deuxième réexamen, l’ATA ne serait plus versée. En outre, la décision définitive de l’OFPRA vaudrait obligation de quitter le territoire français.

Enfin, un opérateur réunissant les attributions de l’OFPRA, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration et de Pôle emploi mettrait en œuvre l’ensemble des attributions relatives à la politique publique de l’asile, en assurant l’hébergement, le versement éventuel d’allocations financières et le traitement de la demande d’asile. Pour les inspections, « cette concentration des responsabilités permettrait de renforcer le suivi des demandeurs d’asile ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 23.

(2) L’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile – Alban Hautier, Arnaud Teyssier, Christine d’Autume, Jean-Philippe de Saint-Martin, Jean-Pierre Battesti, Laurent Vachey, Florian Valat – Avril 2013 – Disp. sur www.interieur.gouv.fr.

(3) Rappelons que la demande d’asile déposée en France peut relever de la compétence d’un autre Etat européen, en application du règlement européen n° 343/2003 du 18 février 2003, dit « Dublin II ». En vertu de ce texte, la demande est examinée par un seul pays européen. Pour savoir quel pays est responsable, plusieurs critères sont appliqués. Si la France n’est pas responsable, l’étranger est transféré vers le pays concerné, après accord sur sa prise en charge.

(4) Voir ASH n° 2713 du 10-06-11, p. 12.

(5) Pour mémoire, la capacité globale de places de CADA d’ores et déjà programmée pour 2014 est de 25 410 places.

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