A la suite d’un comité interministériel organisé le 19 septembre, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) devait rendre public son plan de lutte 2013-2015 (1). Un plan en grande partie orienté sur la prévention car les politiques précédentes ont montré leurs limites, estime Danièle Jourdain Menninger, présidente de la mission. En effet, précise-t-elle, « si elles ont permis de contenir les consommations de la population générale, elles se sont révélées inefficaces, parfois contre-productives, pour les consommations les plus à risque : celles des jeunes, des femmes ou des buveurs chroniques ». Il faut donc avoir aujourd’hui une « vision à long terme », selon la présidente, et « prendre en compte les populations les plus exposées pour réduire les risques et les dommages sanitaires et sociaux ».
Pour la MILDT, il faut encourager le développement des actions de prévention auprès des publics les plus exposés (prévention sélective) et des sujets vulnérables (prévention indiquée), à savoir les jeunes, les travailleurs pauvres, les chômeurs et les populations les plus précaires (personnes sans domicile fixe, migrants…) particulièrement difficiles à atteindre, les femmes ayant des conduites addictives et les femmes enceintes consommatrices d’alcool et/ou de tabac. S’agissant de ces dernières, la mission souhaite par exemple agir « très en amont du début des consommations dans le cadre d’une politique de promotion globale de la santé de l’enfant, non seulement en période périnatale mais aussi tout au long de la petite enfance et de l’enfance ». La MILDT veut aussi mettre en œuvre une « intervention précoce dans les consultations jeunes consommateurs » car, à 17 ans, seuls 6,6 % d’entre eux n’ont pas expérimenté l’alcool, le tabac ou le cannabis, ou encore informer et aider les familles au sein des maternités, des centres de protection maternelle et infantile…
Par ailleurs, la mission entend développer en faveur des personnes placées sous main de justice des groupes de parole sur les comportements addictifs, notamment « sur le lien entre, d’une part, consommation de stupéfiants et d’alcool, et, d’autre part, conduite délictuelle et passage à l’acte ». Des « outils opérationnels d’appui aux pratiques professionnelles » seront en outre mis à la disposition des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour prévenir l’alcoolisation des mineurs sous main de justice.
La MILDT estime qu’il faut adapter les offres de soins de premiers recours et spécialisés, et les rendre accessibles sur l’ensemble du territoire. Dans ce cadre, le recours aux dispositifs existants et le renforcement de leur efficacité sera privilégié. Ainsi, selon elle, il convient de faire en sorte que les consultations jeunes consommateurs deviennent des « structures pivots de la mise en œuvre de l’intervention précoce, en relais de tous les dispositifs qui accueillent des jeunes ». Autre axe de travail : faciliter les parcours de soins coordonnés et une organisation lisible sur les territoires, en s’appuyant sur les orientations développées dans le cadre de la stratégie nationale de santé, qui doit être présentée le 23 septembre prochain.
La mission souhaite aussi étendre les interventions des dispositifs de soins spécialisés. Il s’agit par exemple de poursuivre, avec l’appui des agences régionales de santé, le déploiement des équipes de liaison et de soins en addictologie dans les établissements de santé, notamment dans ceux autorisés en psychiatrie et en médecine d’urgence. Dans ce même ordre d’idées, Danièle Jourdain Menninger entend développer les dispositifs mobiles « Caarud » (centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) en milieu rural.
Par ailleurs, le plan souligne la nécessité d’adapter les stratégies thérapeutiques. Cela passera notamment par la diffusion de la thérapie familiale multidimensionnelle, qui s’adressera aux adolescents « les plus en difficulté avec leur consommation de cannabis, notamment ceux présentant des troubles psychiatriques ». Elle sera ainsi proposée dans quelques consultations jeunes consommateurs et dans les structures de la PJJ, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Autres mesures prévues : proposer des offres d’accompagnement et de prise en charge en ligne, favoriser le recours aux groupes d’entraide en améliorant leur visibilité auprès des professionnels et des personnes souffrant d’addictions et en développant des partenariats entre ces groupes et les structures de prévention et de soins…
Une approche collective de la réduction des risques sanitaires (grossesses non désirées, violences…) et sociaux (précarisation de la situation sociale, par exemple) doit s’accompagner d’une offre de réponses individualisées permettant de faire face aux besoins de chaque usager de drogues, explique la MILDT. Pour ce faire, elle entend accorder une « plus grande place » aux actions qui permettent d’aller à la rencontre des usagers les plus précaires. La mission confirme en outre qu’elle va expérimenter l’« ouverture d’une salle de consommation à moindre risque à Paris dans un premier temps, puis dans une ou deux autres villes, sur la durée du plan » (2). Elle entend également construire un « programme intégré de prévention et de prise en charge des troubles liés aux conséquences des conduites addictives sur les femmes enceintes et la périnatalité » pour l’expérimenter « dans une ou deux régions marquées par des indicateurs péjoratifs de consommation d’alcool des femmes ».
Enfin, la mission va promouvoir des « aides au logement durable » sur la base des outils préconisés par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (3). L’idée, pour elle, est de « parvenir à assurer un lieu de résidence stable aux personnes pour permettre la prise en charge du soin, soit par un hébergement, soit par un logement, en fonction de leurs besoins et capacités (contributives notamment) ». Elle souhaite également améliorer l’organisation de la prise en charge des addictions en détention, notamment au moment de la sortie.
(1) L’intégralité du plan est disponible sur
(2) Ce dispositif, qui s’appuiera sur la base de textes actuellement en cours de préparation, a trois objectifs : faire entrer les usagers de drogue dans un processus de soins et de réduction des risques, limiter les risques de surdose et d’infection, et réduire les nuisances et troubles à l’ordre public.