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Egalité hommes-femmes : les propositions du Haut Conseil à l’égalité pour améliorer le projet de loi

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Quelques jours avant que les sénateurs n’adoptent, en première lecture, le projet de loi-cadre pour l’égalité entre les hommes et les femmes (1), le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) a, le 13 septembre, rendu publiques ses recommandations pour améliorer ce texte et, plus globalement, la politique d’égalité entre les hommes et les femmes (2). Si l’instance se réjouit de l’existence de ce projet de loi-cadre, elle en appelle toutefois à « davantage de cohérence, d’ambition et de moyens budgétaires ». En effet, regrette-t-elle, « avec 23,3 millions d’euros, le ministère des Droits des femmes demeure toujours et sans conteste le plus petit budget de l’Etat ». Elle souhaite donc « que le projet de loi de finances pour 2014 soit en toute cohérence l’acte 2 qui vienne consolider ce projet de loi par une mise en adéquation des moyens consacrés à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes avec les missions qui lui sont assignées » et demande au gouvernement « a minima un doublement du budget du ministère ».

Favoriser l’égalité professionnelle

Si, pour le HCEFH, la réforme annoncée du congé parental « va dans le bon sens » (3), le gouvernement doit, selon lui, « afficher son intention à plus long terme ». Il lui recommande donc d’instaurer un « congé de parentalité partagée, à horizon 2017, plus court, mieux rémunéré et partagé à égalité ». Il s’agirait de mettre en place un droit à un congé de six mois pour chacun des parents, donnant lieu à une indemnisation indexée sur le salaire (4), comme pour le congé de maternité. Cette réforme du congé parental ne peut en tout cas faire l’économie d’une augmentation de l’offre d’accueil des enfants de moins de 3 ans, estime le Haut Conseil. Certes le gouvernement s’est engagé à créer 275 000 places nouvelles (5), mais une étude du Sénat estime les besoins en modes de garde à 390 000 places. Aussi insiste-t-il sur la « nécessité de développer les infrastructures dans le cadre d’un véritable service public de la petite enfance – appuyé en priorité sur les collectivités territoriales – aux côtés d’autres initiatives : secteur privé avec la création de crèches inter-entreprises par exemple, crèches familiales… ».

Le Haut Conseil suggère également de réformer le congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 11 jours, désormais ouvert à la personne mariée ou vivant maritalement avec la mère de l’enfant, indépendamment de son lien de filiation avec ce dernier (6). Ce congé devait en effet permettre de « créer un lien et une responsabilisation précoce des pères auprès du bébé », de « redéfinir et redistribuer les tâches domestiques et parentales très tôt et d’avoir un impact fort en faveur de l’égalité professionnelle », estime l’instance. Or, déplore-t-elle, « la persistance de stéréotypes et les obstacles économiques – tels que des revenus et un investissement professionnel élevés, un emploi instable ou précaire, l’implication et les contraintes professionnelles – limitent de façon toujours significative le recours au dispositif ». Pour l’instance, il faut donc adopter un dispositif en deux temps : « un socle obligatoire pour favoriser le lien parent-enfant dès la naissance et la possibilité d’avoir un congé supplémentaire jusqu’à quatre semaines ». Une proposition « redoutable pour faire reculer les inégalités entre les sexes », selon lui, mais qui « a un coût » : 1,5 milliard d’euros selon le rapport « Grésy » de 2011 sur l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et familiales dans le monde du travail (7).

Autre mesure préconisée par le Haut Conseil : « réformer le quotient conjugal » pour une « véritable approche intégrée de l’égalité ». Pour mémoire, ce quotient est un outil de la politique fiscale qui repose sur le principe de la mise en commun totale des ressources dans le couple, un dispositif qui n’est pas plafonné, contrairement au quotient familial. Le barème de l’impôt s’applique ainsi à la moyenne des deux revenus du couple. En pratique, explique l’instance, « plus les revenus entre les deux membres du couple sont inégaux, plus l’imposition conjointe apporte un avantage fiscal par rapport à l’imposition séparée ». De plus, « le quotient conjugal pénalise les couples dont les deux membres travaillent comparativement aux couples dont un seul des membres travaille – l’homme dans la majorité des cas ». Selon l’économiste Hélène Périvier, auditionnée par le HCEFH, un tel dispositif « est dans ses fondements défavorable à l’émancipation économique des femmes ». Il conviendrait donc, estime le Haut Conseil, de plafonner à 3 000 € le quotient conjugal (8), l’objectif étant de « contribuer à la déconstruction d’un schéma familial dépassé ». Cela constituerait, en outre, « une source de financement significative de la réforme de la parentalité » engagée par le gouvernement (9).

Mieux lutter contre les violences de genre

Le HCEFH se félicite que le projet de loi-cadre prévoie de porter de quatre à six mois la durée de validité de l’ordonnance de protection, qui tend à garantir la protection de la victime de violences conjugales, notamment en organisant sa séparation d’avec l’auteur des violences. Il appelle toutefois à « ne pas aller trop loin puisque ce dispositif doit demeurer temporaire du fait qu’il ne constitue pas une phase juridictionnelle ». En outre, l’instance insiste sur la nécessité de poursuivre la formation des juges aux affaires familiales (JAF) qui délivrent ces ordonnances de protection et de développer l’articulation entre le civil – le JAF – et le pénal – le ministère public –, une articulation prévue par la loi du 9 juillet 2010 ayant mis en place l’ordonnance de protection mais qui « n’est pas encore appliquée dans la plupart des juridictions », déplore-t-elle. Toujours dans ce cadre, le HCEFH préconise d’allonger le délai de dissimulation de l’adresse de la victime après la fin de l’ordonnance, en particulier lorsque l’auteur des violences détient toujours l’autorité parentale. Ou encore d’autoriser la domiciliation de la victime auprès d’associations agréées « pour les affaires de la vie quotidienne » pendant la durée de l’ordonnance et en cas de prolongation de la mesure.

Autre point de vigilance : la possibilité offerte par le projet de loi-cadre au procureur de la République, au juge de l’application des peines ou à la juridiction de jugement d’imposer à l’auteur des violences un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes. Dans la mesure où ce stage peut être décidé « très en amont de la procédure judiciaire, avant toute condamnation », le HCEFH estime qu’il conviendrait de « veiller à ne pas remplacer par ces stages les mesures judiciaires permettant d’assurer la protection des victimes ». Il préconise aussi de changer la dénomination de ces stages, pour les intituler « stages de responsabilisation » au motif que le terme de « sensibilisation » « minimise les faits avérés et invisibilise le statut de coupable ».

L’instance recommande également d’étendre le dispositif de téléprotection aux femmes victimes de viol, en particulier lorsque l’auteur est en attente de jugement dans la mesure où celui-ci est bien souvent un proche de la victime.

Plus généralement, le HCEFH suggère d’insérer dans le code pénal un article prévoyant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale lorsque le père et la mère sont condamnés pour un crime ou un délit commis sur l’autre parent.

Développer l’hébergement d’urgence pour les femmes

Le Haut Conseil appelle par ailleurs de ses vœux à créer un « véritable service d’accueil et d’hébergement spécifique pour l’ensemble des femmes victimes de violences dont la coordination nationale, le contrôle de la qualité et le financement sont assurés par l’Etat ». Rappelons que, lors du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes de novembre 2012 (10), le gouvernement s’est engagé, sur les 5 000 places d’hébergement d’urgence qui doivent être créées durant le quinquennat, à en réserver près d’un tiers pour les femmes victimes de violences. Dans ce cadre, le HCEFH suggère aussi de réserver des places aux femmes âgées de 18 à 25 ans au sein des dispositifs d’hébergement d’urgence prévus pour les victimes de violences conjugales. En effet, du fait de leur âge, celles-ci se retrouvent souvent à la rue car elles ne sont actuellement éligibles ni au logement social ni aux minima sociaux.

Notes

(1) Voir ASH n° 2817 du 5-07-13, p. 5.

(2) 60 recommandations pour une politique d’égalité entre les femmes et les hommes cohérente et ambitieuse – Disponible sur www.haut-conseil-egalite.gouv.fr.

(3) Rappelons en effet que le projet de loi-cadre envisage de rénover le congé parental, en prévoyant un premier congé de deux ans et demi pour le premier parent, les six mois restant ne pouvant être pris que par l’autre parent.

(4) Par exemple, rapporte le Haut Conseil, en Suède, le congé parental, qui peut durer jusqu’à 15 mois, comprend 12 mois compensés à 80 % du salaire, la période restante étant rémunérée de façon forfaitaire.

(5) C’est la caisse nationale des allocations familiales qui doit mettre en œuvre cet engagement dans le cadre de sa convention d’objectifs et de gestion 2013-2017 – Voir ASH n° 2819-2820 du 19-07-13, p. 9.

(6) Voir ASH n° 2798 du 22-02-03, p. 41.

(7) Voir ASH n° 2713 du 10-06-11, p. 9.

(8) Selon Hélène Périvier, « avec un plafond de 3 000 €, cette réforme toucherait les 20 % des ménages les plus aisés ».

(9) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 5.

(10) Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 10.

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