Les chemins de l’humanisation

Pédiatre en protection maternelle et infantile (PMI) et président du Syndicat national des médecins de PMI, Pierre Suesser est un inlassable avocat de ce dispositif de promotion de la santé de la famille et de l’enfant, né au lendemain de la guerre pour lutter contre la morbidité et la mortalité infantiles. Et un tout aussi inlassable pourfendeur d’une PMI qui verrait ses ambitions universalistes et son approche globale de la prévention réduites à peau de chagrin. Sous couvert de rationalisation de l’action publique, faudrait-il « sélectionner des populations d’enfants et de familles désignées par les risques statistiquement établis qui les affectent et leur consacrer prioritairement les actions de prévention ? » Ce questionnement récurrent sur le ciblage de la prévention précoce est méthodiquement contesté par le cofondateur du collectif « Pas de zéro de conduite », constitué il y a sept ans en réponse aux recommandations de l’Inserm sur le dépistage prédictif des graines de ­crapule. Prenant le contre-pied des conceptions déterministes et anxiogènes du développement de l’enfant, qui génèrent l’inquiétude des parents et entravent la socialisation des tout-petits, Pierre Suesser plaide pour une autre prévention, une « prévention prévenante » qui accompagne les enfants « sur les chemins de l’humanisation ». Multidimensionnel, pluridisciplinaire et cohérent, ce prendre-soin requiert des politiques publiques qui redonnent souffle et confiance aux acteurs de santé, de la petite enfance et de l’éducation. Il s’agit de faire advenir « une culture du tendre souci envers la tendre enfance ».