Voilà un sujet rarement abordé et traité ici avec une grande finesse : il s’agit de la prise en compte par les travailleurs sociaux de la parentalité d’usagers de drogue. Sociologue et assistante de service social ayant elle-même quinze années d’expérience dans une structure de soins dédiée à ce public, Christiane Saliba Sfeir a mené des entretiens avec 21 professionnels (18 femmes et 3 hommes) : des travailleurs sociaux qui exercent au sein de services spécialisés dans la toxicomanie ou les problématiques associées (VIH, prostitution, errance), ou bien dans un cadre plus généraliste (maternités, polyvalence de secteur, aide sociale à l’enfance). La loi de 2007 sur la protection de l’enfance privilégie la prévention, mais la pratique montre les « difficultés d’objectivation de l’angoisse auxquelles le travailleur social doit se confronter pour effectuer une évaluation des éléments du danger par rapport à un enfant vivant dans “sa famille à risques” », note Christiane Saliba Sfeir. La professionnalité des intervenants est-elle mise en échec par des a priori qu’ils partagent avec l’imaginaire social dominant, notamment en ce qui concerne la figure de la bonne ou de la mauvaise mère ? Les travailleurs sociaux rencontrés ont en tout cas une appréciation « genrée » des compétences parentales des usagers de drogue et manifestent une plus grande intolérance vis-à-vis de toute défaillance maternelle. « Si le père est toxicomane, un substitut sécurisant sera décrit dans la présence de la mère auprès de l’enfant, mais si la mère est toxicomane, l’inverse ne sera pas imaginable et toute sa crédibilité de mère responsable est mise en doute. »
Parentalité, addiction et travail social
Christiane Saliba Sfeir – Ed. L’Harmattan – 22,50 €