« La réduction des inégalités de santé doit être l’un des objectifs principaux du troisième plan cancer », plaide Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie, dans un rapport remis le 30 août à Marisol Touraine et à Geneviève Fioraso. Quelques jours plus tôt, un rapport de la direction générale de la santé et de l’Institut national du cancer dressant le bilan final du plan précédent (2009-2013) a également été diffusé (1). Ces travaux vont servir à préparer le prochain plan « cancer » qui sera annoncé au début de l’année 2014, ont indiqué les ministres de la Santé et de la Recherche dans un communiqué commun.
Globalement, le prochain plan doit avoir pour objectif une « réduction sensible et objective en dix ans des inégalités face au cancer », estime Jean-Paul Vernant. Selon lui, il faut cibler en priorité les mesures de prévention sur les groupes à risque et les populations précaires. C’est plus particulièrement le cas en matière de lutte contre le tabac, l’alcool et la surcharge pondérale. Par ailleurs, « si les inégalités territoriales de santé ont davantage été prises en compte dans le deuxième plan cancer, l’objectif de réduction des inégalités sociales liées au cancer n’a pas été concrétisé par des mesures accompagnées d’objectifs opérationnels », constate-t-il. Ainsi, pour le professeur, « l’accès aux soins pose toujours problème dans notre système de santé, notamment à cause des dépassements d’honoraires et des restes à charge ». Ceux-ci sont source d’inégalités à la fois en termes de liberté de choix et de délais de prise en charge, dénonce-t-il. A l’hôpital, en cas d’activité libérale, les dépassements d’honoraires ne sont « pas exceptionnels » et s’appliquent tant pour le traitement chirurgical ou médical du cancer que pour les examens complémentaires, en particulier d’imagerie, requis pour ces traitements. Jean-Paul Vernant recommande donc d’imposer l’absence de reste à charge pour les patients pour l’ensemble des traitements du cancer et du post-cancer.
Selon le bilan final du plan « cancer » 2009-2013, la plupart des actions prévues ont été mises en œuvre. Toutefois, sur les 45 millions d’euros prévus pour l’axe « vivre pendant et après un cancer », un peu moins de 7 millions ont été mobilisés. Sur les 16 actions de cet axe, 12 ont été réalisées ou sont en cours de réalisation. Ainsi, par exemple, le programme personnalisé de l’après-cancer reste à déployer et les efforts doivent être poursuivis pour faire progresser l’insertion professionnelle et l’accès aux assurances et au crédit des patients. En matière d’accompagnement social des malades, les actions sont quant à elles « tenues pour réalisées », indique de son côté Jean-Paul Vernant. Il s’agit notamment, pour mémoire, de la généralisation des actions d’évaluation sociale dans le cadre du dispositif d’annonce et de l’intégration d’un volet social dans le programme personnalisé de soins. Pour le professeur, les actions concourant à l’accompagnement social doivent être « substantiellement » renforcées dans le prochain plan. Il recommande, entre autres, d’augmenter le nombre d’assistants sociaux dans les établissements de santé. S’agissant des besoins d’accompagnement des personnes les plus démunies, Jean-Paul Vernant estime que les intervenants sociaux, quel que soit leur métier (éducateur spécialisé…), devraient exercer une fonction de médiation avec les institutions de soins. Pour cela, il suggère par exemple d’étendre le module « santé » de la formation des assistants de service social à l’ensemble des filières de formation de ce secteur.
Il faut poursuivre les mesures visant à mieux prendre en compte les séquelles des traitements, prône également Jean-Paul Vernant. Les actions du deuxième plan « cancer » visant à améliorer les réponses aux possibles situations de handicap ou de perte d’autonomie transitoires ou définitives liées au cancer ont été réalisées (expérimentations sur l’accompagnement des personnes atteintes de cancer par les maisons départementales des personnes handicapées, notamment), rappelle-t-il. Il recommande donc de poursuivre la mise en œuvre des mesures visant à faire mieux connaître aux patients tous les dispositifs dont ils peuvent bénéficier, quelle que soit la législation à laquelle ils se rattachent.
Dans le domaine de l’accès aux crédits ou aux assurances, le professeur propose enfin plusieurs pistes d’amélioration : créer un observatoire des risques chargé de diffuser périodiquement les informations utiles à une juste détermination des surprimes d’assurance, faire évoluer le montant des surprimes pendant la durée du prêt pour tenir compte de la diminution du risque, faciliter le recours aux mesures substitutives à l’assurance (caution personnelle, notamment)…
(1) Rapports disponibles sur