Dans un rapport adopté en juillet dernier (1), les députés Eric Ciotti (UMP) et Anne-Yvonne Le Dain (PS) déplorent que l’Etablissement public d’insertion de la défense (EPIDe) ait, faute de crédits suffisants, interrompu la mise en œuvre du service citoyen – mesure alternative à l’incarcération ou au placement en centre éducatif fermé créée par la loi du 26 décembre 2011. Constatant « des premiers pas intéressants », ils demandent donc au gouvernement d’assurer un budget à l’établissement afin qu’il puisse réamorcer le dispositif. Rappelons que celui-ci, mis en place sous l’ère « Sarkozy », consiste en l’accueil dans les centres EPIDe de mineurs délinquants âgés de 16 à 18 ans. Ils effectuent ce service citoyen dans le cadre de la composition pénale, de l’ajournement d’une mesure éducative, d’une sanction éducative ou d’une peine, ou en cas de condamnation à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve (2).
En 2012, seulement 85 mineurs, dont 8 filles, ont été effectivement accueillis dans les centres EPIDe (contre un objectif affiché de 200) (3). Selon ces derniers, plusieurs facteurs expliquent ce faible taux de recours : une « mobilisation faible des juges et des services territoriaux éducatifs de milieu ouvert », une « difficulté initiale à cerner la population pouvant effectivement profiter du dispositif », un « déficit de personnel dédié »… En outre, le taux de sorties prématurées des mineurs a été plus élevé que celui des jeunes majeurs accomplissant un contrat de volontariat pour l’insertion (4). Sur les 84 sorties du dispositif au 1er juillet 2013 (un seul demeurant encore en centre EPIDe), 21 étaient considérées comme positives, c’est-à-dire à échéance prévue ou pour reprendre une formation qualifiante, et 63 comme négatives, c’est-à-dire avant échéance. Sur ces 63 jeunes, 13 ont rompu leur contrat de façon unilatérale et 30 ont été exclus pour des problèmes de discipline.
Malgré tout, les députés soulignent que, « de l’avis unanime des personnes concernées, le bilan peut être considéré comme positif sur le plan de l’intérêt de la mesure pour les mineurs qui ont achevé leur contrat ». Une opinion partagée par le ministère de la Justice qui précise que, « si des difficultés existent, elles sont les mêmes que celles rencontrées dans les établissements de la protection judiciaire de la jeunesse ».
L’EPIDe a cessé de mettre en œuvre le service citoyen à la fin de l’année 2012 « en l’absence de renouvellement de son financement », pointe le rapporteur Eric Ciotti, également à l’origine de la loi créant le dispositif. De son côté, Anne-Yvonne Le Dain estime que c’est parce que la loi du 26 décembre 2011 « n’avait en réalité pas été budgétée de façon solide et pertinente pour l’année 2012 ». En pratique, huit millions d’euros devaient y être consacrés cette année-là, répartis à parts égales entre les ministères chargés de la défense, de l’emploi, de la justice et de la ville. Mais tous n’ont pas versé leur quote-part. En outre, les 41 équivalents temps plein supplémentaires réclamés par l’EPIDe pour la mise en œuvre du service citoyen ne lui ont pas été accordés. L’établissement s’est ainsi vu contraint d’interrompre la prise en charge des mineurs délinquants concernés. Au regard des « premiers mois encourageants » du service citoyen, les élus demandent donc au gouvernement qu’un financement adéquat « intervienne dans des délais aussi brefs que possible ».
Par ailleurs, le cadre juridique du service citoyen est « trop restrictif », estiment les rapporteurs, précisant que, sur les 56 demandes d’admission rejetées, 21 l’ont été en raison du fait que les mineurs concernés ne se trouvaient pas dans les hypothèses prévues par la loi pour ordonner la mesure. Un point également relevé, lors de leur audition par les députés, par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (5) et la chancellerie (6). Aussi, après que la question du financement du dispositif aura été résolue, les parlementaires proposent-ils que les possibilités d’y recourir soient élargies « afin de permettre aux juridictions pour mineurs de disposer de cette nouvelle solution éducative dans le plus grand nombre d’hypothèses possible ».
(1) Rapport d’information n° 1282, disponible sur
(3) Plus précisément, entre le 1er mars et le 31 décembre 2012, 189 demandes d’admission en centres EPIDe ont été présentées par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. 91 demandes ont abouti – mais seulement 85 mineurs ont donc été effectivement accueillis –, 56 ont été rejetées et 40 différées en raison d’évolutions attendues ou de compléments à apporter à la demande.
(4) Il s’agit du public initial pris en charge par les centres EPIDe.
(5) Elle suggère « que cette mesure devienne une mesure ou une sanction éducative autonome, susceptible d’être prononcée par toute juridiction pour mineurs indépendamment du cadre procédural des poursuites ».
(6) Le ministère de la Justice, lui, préconise que le service citoyen puisse être prononcé dans le cadre de mesures présentencielles, d’un contrôle judiciaire ou d’un aménagement de peine.