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Jean-Marc Ayrault lève le voile sur le contenu de la réforme pénale

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L’avant-projet de loi prévoit de supprimer les peines plancher, de réviser le dispositif de libération conditionnelle et de créer une « contrainte pénale », nouvelle peine qui s’ajouterait à l’arsenal de mesures non privatives de liberté. Parallèlement, les moyens des SPIP seraient renforcés.

La « malencontreuse » diffusion dans la presse, en août dernier, de la note de Manuel Valls sur le contenu de la future réforme pénale a mis le feu aux poudres entre son ministère de l’Intérieur et la chancellerie, qui porte le projet. Le chef du gouvernement a donc décidé d’intervenir en rendant publics le 30 août ses arbitrages sur un texte qui devrait être présenté le 2 octobre en conseil des ministres et dont la date de discussion au Parlement – avant ou après les élections municipales de mars 2014 – fait encore débat.

Suppression des peines plancher

Pour Christiane Taubira, les peines plancher mises en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy (1) n’ont pas montré leur efficacité en matière de lutte contre la récidive. Dans une interview accordée au journal Le Monde des 1er et 2 septembre, elle estime qu’« il est urgent de réintroduire le principe de l’individualisation des peines et de réduire les peines automatiques ». Sur ses recommandations et celles de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive de février dernier (2), Jean-Marc Ayrault a donc décidé de supprimer les peines plancher. Avec cette réforme – qui reçoit un accueil mitigé de la part du secteur (voir ce numéro, page 13) –, « le juge retrouve toute la liberté d’appréciation de l’infraction, de la personnalité de l’auteur, de son comportement envers les victimes », explique la garde des Sceaux.

Révision des modalités de la libération conditionnelle

Le Premier ministre a également affirmé qu’il n’y aurait pas de libération conditionnelle automatique, contrairement à ce que préconisaient le rapport « Raimbourg » (3) et la conférence de consensus pour lutter contre la surpopulation carcérale. En revanche, a-t-il précisé, le futur projet de loi mettra en place un « nouveau dispositif de libération sous contrainte pour un retour progressif et encadré à la liberté ». L’objectif étant d’éviter les sorties sèches qui aggravent la récidive. Actuellement, sauf dans quelques cas particuliers, une libération conditionnelle ne peut intervenir qu’à la moitié de la peine, à la demande du condamné. Selon l’avant-projet de loi, serait prévu un examen systématique aux deux tiers de la peine de la situation des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans afin d’envisager ou non leur libération anticipée sous contrainte (semi-liberté, bracelet électronique, placement à l’extérieur…). Pour les personnes condamnées à des peines de plus de cinq ans, leur situation sera obligatoirement examinée aux deux tiers de leur peine par le juge ou le tribunal de l’application des peines lors d’un débat contradictoire, même en l’absence de demande des intéressés. En cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, ce débat interviendrait à l’issue de la 18e année de détention.

Autre mesure prévue, cette fois moins favorable au condamné : la possibilité qui était donnée aux juges d’aménager les peines inférieures ou égales à deux ans – une disposition prévue par la loi pénitentiaire de 2009 – ne devrait, à l’avenir, concerner que des peines de un an au maximum pour les primo-délinquants et de moins de six mois pour les récidivistes (au lieu de un an).

Création de la « contrainte pénale »

Par ailleurs, le futur projet de loi créera une nouvelle peine – « sans en supprimer aucune autre », a assuré le Premier ministre : la « contrainte pénale » (également appelée « peine de probation »), qui participera à la fois à la réinsertion du condamné et à la diminution du risque de récidive. Rappelons que, dans la version proposée par le jury de la conférence de consensus, la « peine de probation » devait fusionner les différentes peines et mesures non privatives de liberté existantes. Une idée que le gouvernement n’a donc pas retenue.

En l’état actuel du texte, la contrainte pénale devrait s’appliquer :

→ aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans ;

→ et si la personnalité de l’auteur de ce délit et les circonstances de la commission des faits justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé.

Cette nouvelle peine devrait consister dans l’obligation pour la personne condamnée d’être soumise, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par le juge, à des mesures d’assistance, de contrôle et de suivi adaptées à sa personnalité. C’est le juge de l’application des peines (JAP) qui définirait les mesures – un stage ou un travail d’intérêt général ou la réparation du préjudice causé à la victime –, après une évaluation de la personnalité de l’intéressé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Sa situation devrait être réévaluée par le SPIP et le JAP à « intervalles réguliers » et « au moins une fois par an », énonce l’avant-projet de loi. En fonction, le juge pourrait modifier ou compléter les mesures, ou encore mettre fin à la contrainte pénale. Celle-ci sera « exécutoire immédiatement, contrairement aux peines de prison avec sursis, dont l’exécution est souvent retardée de plusieurs mois », a assuré Christiane Taubira. Le texte précise aussi que, en cas d’inobservation des obligations et interdictions imposées au condamné ou de nouvelle condamnation pour crime ou délit, le JAP pourrait, d’office ou à la demande du procureur de la République, renforcer l’intensité du suivi ou compléter ces mesures. Si cela s’avérait insuffisant, pour assurer l’effectivité de la peine, le juge pourrait ordonner l’incarcération du condamné selon certaines modalités.

A noter : la contrainte pénale ne devrait pas être applicable aux mineurs.

Renforcement des SPIP

Pour accompagner la mise en œuvre de la réforme pénale, le gouvernement entend renforcer les effectifs des SPIP. Ainsi, 300 postes de conseillers d’insertion et de probation devraient être créés en 2014 et 150 en 2015. L’objectif de la chancellerie étant que chacun ait la charge de 60 dossiers de condamnés – voire 40, selon Jean-Marc Ayrault –, contre environ 100 aujourd’hui. Parallèlement, le recrutement de magistrats de l’application des peines et de l’exécution des peines ainsi que de personnels de l’administration pénitentiaire, se poursuivra.

Notes

(1) Les peines plancher ont été instaurées par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs – Voir notamment ASH n° 2512 du 15-06-07, p. 5 et n° 2522 du 14-09-07, p. 11.

(2) Voir ASH n° 2799 du 1-03-13, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2795 du 1-02-13, p. 17.

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