Le 25 juillet, les parlementaires ont définitivement adopté une loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France. Des dispositions qui visent notamment à renforcer la législation contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi qu’en matière de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains et les violences faites aux femmes. Tour d’horizon des mesures phares de la loi.
Afin de tenir compte de l’évolution de la législation européenne pour lutter contre la traite des êtres humains, la loi en modifie la définition actuelle énoncée à l’article 225-4-1 du code pénal. « Jusqu’à présent, seul l’échange de rémunération permettait de caractériser cette infraction », explique l’exposé des motifs du texte (1). La traite des êtres humains s’entend désormais comme le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes :
→ soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive (2) visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;
→ soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
→ soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;
→ soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.
Outre les infractions de proxénétisme, d’agressions ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité et de conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité, l’exploitation dont il est ici question englobe aussi dorénavant la réduction en esclavage, la soumission à du travail ou des services forcés (3) et le prélèvement d’organes. Sans changement, la traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Une peine aggravée dans certaines circonstances, par exemple lorsque l’infraction est commise par plusieurs personnes, par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l’ordre public…
Lorsque des mineurs sont concernés, cette infraction est aussi constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances décrites ci-dessus (menace, situation de vulnérabilité…), indique la loi, la minorité n’étant plus ici qu’une simple circonstance aggravante. Peine encourue : dix ans d’emprisonnement – 15 ans, lorsqu’elle est commise dans l’une de ces circonstances – et 1 500 000 € d’amende. Selon la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Marietta Karamanli, « la traite des mineurs sera [ainsi] plus efficacement réprimée puisque la recherche d’un profit ne sera plus exigée ». Cela permettra de « poursuivre des faits impliquant des mineurs dans des affaires de prostitution, d’atteintes ou d’agressions sexuelles, de mendicité, de vols en bande organisée sous le contrôle de bandes organisées, de travail dans des conditions de travail indignes ou insalubres » (Rap. A.N. n° 840, 2013, Karamanli, page 40).
A noter : le texte autorise les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet est de lutter contre la traite des êtres humains et l’esclavage à exercer les droits reconnus à la victime, partie civile, sous réserve de son accord.
Rappelons que le gouvernement a, en début d’année, mis en place une mission interministérielle pour la protection des femmes et la lutte contre la traite des êtres humains (4) qui, selon un communiqué du 25 juillet de la ministre des Droits des femmes, dévoilera « cet automne le premier plan gouvernemental de lutte contre la traite des êtres humains ».
« Malgré leur abolition en 1848, l’esclavage et la servitude existent en France comme ailleurs sous des formes nouvelles », a déploré la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale dans un communiqué du 25 juillet. Et ces faits ne pouvaient jusqu’alors être poursuivis qu’indirectement au motif d’abus de faiblesse ou de séquestration, par exemple. La loi change la donne en définissant la réduction en esclavage comme « le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété ». Une infraction punie de 20 ans de prison. Cette peine s’applique aussi en cas d’exploitation d’une personne réduite en esclavage qui s’entend comme le fait de commettre à l’encontre d’une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l’auteur une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé.
Lorsque ces infractions sont notamment commises à l’encontre d’un mineur, leurs auteurs encourent une peine de 30 ans de prison.
La loi crée une incrimination spécifique pour sanctionner le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers. Les peines encourues sont identiques à celles prévues pour le viol aux articles 222-23 à 222-30 du code pénal, à savoir 15 ans de prison, ou plus dans certaines circonstances (par exemple, 30 ans lorsque les faits ont entraîné la mort de la victime).
En outre, les agressions sexuelles autres que le viol commises sur un mineur de moins de 15 ans sont désormais punies de dix ans d’emprisonnement (au lieu de sept) et de 150 000 € d’amende (au lieu de 100 000 €).
Par ailleurs, auparavant, seuls l’enregistrement ou la transmission de l’image pornographique d’un mineur réalisés en vue de leur diffusion étaient pénalement répréhensibles. « En revanche, a expliqué le rapporteur (PS) de la loi au Sénat, l’acquisition d’une telle image, lorsqu’elle n’[était] pas susceptible de relever de l’infraction de corruption de mineurs, n’[était] pas illicite dès lors qu’elle n’[avait] pas pour but d’être diffusée » (Rap. Sén. n° 596, 2013, Richard, pages 58-59). Une lacune que les parlementaires ont donc corrigée en punissant de cinq ans de prison et de 75 000 € d’amende le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation à caractère pornographique d’un mineur de 15 ans même s’il n’a pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation. En outre, le code pénal ne sanctionnait jusqu’alors que la consultation habituelle de sites pédopornographiques. L’article 227-23, al. 5 du code pénal est aujourd’hui modifié pour permettre de réprimer la consultation y compris occasionnelle de tels sites dès lors que la preuve de cette consultation peut être apportée par l’existence d’un paiement.
La loi modifie le code pénal pour prendre en compte la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée le 11 mai 2011 (5). Et crée ainsi de nouvelles infractions. Dorénavant, « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de manœuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ». En outre, précise le texte, en cas de meurtre d’une personne en raison de son refus de se soumettre à un mariage forcé, la peine de réclusion criminelle à perpétuité peut maintenant être complétée d’une interdiction, pour une durée maximale de dix ans, de quitter le territoire français. Objectif, selon la rapporteure à l’Assemblée nationale : prévenir la récidive des infractions liées au mariage forcé (Rap. A.N. n° 840, 2013, Karamanli, page 147).
Par ailleurs, « le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d’user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu’il se soumette à une mutilation sexuelle est puni, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée, de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende ». Les mêmes peines sont encourues en cas d’incitation directe d’autrui, par l’un des moyens décrits ci-dessus, à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’un mineur, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée. Pour être indemnisées de leur préjudice, les victimes devaient jusqu’à présent soit être de nationalité française, soit séjourner de façon régulière sur le territoire français. Cette dernière condition est supprimée par la loi. Les victimes en situation irrégulière peuvent aujourd’hui être indemnisées dès lors que les faits ont été commis sur le territoire national.
Enfin, la loi érige en infraction la tentative d’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressée, désormais punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
(1) Jusqu’alors, la traite était en effet le fait pour une personne, en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’un avantage, de recruter des personnes, de les transporter, de les héberger pour les mettre à sa disposition ou à celle d’un tiers à des fins d’exploitation (prostitution, mendicité…).
(2) Une manœuvre dolosive est une tromperie commise en vue de décider une personne à conclure un acte juridique ou de l’amener à contracter à des conditions plus désavantageuses.
(3) La loi donne une définition des infractions de soumission à du travail ou des services forcés. Prises isolément, elles sont punies respectivement de sept ans de prison et de 200 000 € d’amende et de dix ans de prison et de 300 000 € d’amende.
(5) Voir ASH n° 2710 du 20-05-11, p. 18.