« Je ne suis pas qu’une “tordue” mais une jeune fille. » Alors que Nathalie Heirani Salmon-Hudry est « née morte » – à la suite d’une erreur médicale, elle a été privée d’oxygène à la naissance –, le pédiatre prédit à sa mère que son bébé restera « un légume » et lui suggère de la placer. Aujourd’hui, pourtant, Nathalie Heirani, infirme moteur cérébrale, a 29 ans et témoigne elle-même du fil de sa vie. La jeune femme ne marche pas, n’a que peu de contrôle sur ses membres supérieurs, a des difficultés pour parler, mais son intellect fonctionne bien. Dans ce livre qu’elle a rédigé sur son ordinateur au moyen d’une licorne (appareil qui permet de taper les lettres d’un clavier par des mouvements de la tête), elle affirme haut et fort : « Oui je suis handicapée, mais je pense n’être ni légume, ni navet, ni pomme, ni poire ! » Sans chercher un quelconque sentiment de pitié, elle dévoile ses souffrances intérieures, ses apprentissages, la recherche de l’autonomie et l’acceptation de la dépendance. Elle raconte les années passées en centre de rééducation et les amitiés qu’elle y a nouées ainsi que les études qu’elle a pu entreprendre grâce au CNED. Tantôt gaie et optimiste, tantôt grave et réaliste, elle confie comment, à l’adolescence, elle a « signé un traité de paix avec son corps ». Cette Tahitienne raconte aussi ce que signifie être handicapé en Polynésie : faire appel à des guérisseurs, trouver des solutions pour rouler en fauteuil sur la plage, la chaleur et la générosité de la culture ma’ohi (le livre est d’ailleurs parsemé de termes tahitiens et muni d’un lexique pour les comprendre !).
Enfin, Nathalie Heirani fait preuve d’une grande lucidité quant à l’incidence de son handicap sur ses parents et ses frères et sœurs. Elle se demande si elle ne leur a pas « volé une partie de leur vie » ? « Elever un enfant handicapé, c’est accepter de tout changer, accepter qu’il y ait un avant et un après, accepter de tout gommer pour tout refaire, accepter d’être désormais en marge de la société […]. Le fondement même de votre rôle est secoué : normalement vous élevez un enfant qui, petit à petit, sera autonome. Mais un enfant handicapé vous “restera sur les bras”. Il aura besoin de vous pour les mêmes gestes quel que soit son âge. » A travers ces chapitres pleins d’émotions, elle soulève des questions sur son devenir après le décès de ses parents et s’interroge plus généralement sur la place des personnes handicapées dans la société.
Je suis née morte
Nathalie Heirani Salmon-Hudry – Ed. Au vent des îles (