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AVS : les annonces ne peuvent constituer qu’« un premier pas »

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Soulagées de voir enfin créé un statut pérenne pour les auxiliaires de vie scolaire (AVS), les associations restent néanmoins mitigées sur le dispositif qu’envisage le gouvernement.

En jachère depuis plusieurs années, la question de l’accompagnement des enfants handicapés à l’école vient de franchir un pas important. Les an­nonces gouvernementales – recrutement en contrat à durée indéterminée de 28 000 auxiliaires de vie scolaire en fin de contrat, création d’un diplôme d’Etat d’accompagnant en 2015, renforcement de la formation des enseignants (voir ce numéro, page 5) – « marquent un tournant dans la politique du handicap », se réjouit l’Association des paralysés de France (APF). Elles répondent au combat des asso­ciations en faveur de la création d’un cadre d’emploi pérenne pour les AVS. L’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) y voit « une étape importante et un message politique fort, attendu depuis très longtemps ». La reconnaissance du métier d’AVS traduit « une volonté politique en adéquation avec la construction d’une école véritablement inclusive » se réjouit la Fédération générale des PEP. Comme l’APF, la Fédération des APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés) se félicite en outre du choix qu’a fait le gouvernement de conserver le dispositif d’accompagnement au sein de l’Education nationale.

Les associations modèrent néanmoins leur enthousiasme. L’embauche en CDI sera réservée aux auxiliaires recrutés comme assistants d’éducation, « ce qui ne concerne que la moitié des AVS », pointe Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei. Les 34 480 AVS embauchés en contrat aidé sont exclus du dispositif (1). « Une famille sur deux ne sera donc pas concernée ! », s’indigne la Fnaseph (Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap). De nombreux enfants resteront accompagnés par des personnes dont les contrats aidés ne peuvent excéder deux ans, « ce qui entraîne beaucoup de turnover », déplore Bénédicte Kail, conseillère « éducation » à l’APF. Au final, deux statuts de professionnels vont coexister, « d’un côté des personnels ayant une formation qualifiante en CDI, et de l’autre des personnels insuffisamment formés et toujours en situation de grande précarité », déplore l’Unaïsse (Union nationale pour l’avenir de l’inclusion scolaire, sociale et éducative). Un accompagnement à deux vitesses ?

Un travailleur précaire

En outre, ce passage en CDI ne suffira pas à sortir les AVS de la précarité puisque le temps de travail de l’accompagnant est limité au temps scolaire. Les 28 000 personnes concernées correspondent en fait à 16 400 équivalents temps plein. L’AVS restera « un travailleur à temps partiel, précaire, qui ne peut pas vivre de son salaire », déplore la Fnaseph. « Ces postes, peu attractifs financièrement, continueront d’être délaissés pour des emplois à temps plein », souligne l’Unaïsse. Par ailleurs, le gouvernement prévoit une embauche en CDI progressive sur six ans, ce qui « implique une inégalité de traitement entre les personnels pour de nombreuses années », poursuit-elle.

Autre insatisfaction : le diplôme d’accompagnant prévu pour 2015 sera homologué au niveau V. Or les AVS sont souvent beaucoup plus diplômés. Se basant sur une étude réalisée en 2012 au sein de son réseau, la Fédération générale des PEP relève que plus de 50 % d’entre eux ont au moins un bac + 2. Un niveau « qui permet aux professionnels de guider ces élèves, de permettre leur concentration dans un travail scolaire – y compris dans des études supérieures », estime-t-elle. « Au regard des compétences requises pour le métier d’AVS », la qualification de niveau V « représente un net recul », affirme aussi l’Unaïsse. La connaissance des techniques et méthodes du secteur médico-social est pourtant nécessaire « pour assurer une cohérence de l’accompagnement et favoriser l’autonomie du jeune ».

Mais surtout, les décisions du gouvernement ne répondent pas à une revendication ancienne des associations et des familles : l’accompagnement des enfants handicapés hors du temps scolaire. Elles sont donc très en deçà du rapport de Pénélope Komitès (2) qui préconisait la mise en place d’un accompagnement global dans la vie scolaire, périscolaire et sociale. Les temps de transports, de déjeuner et de loisirs resteront à la charge des familles. Déçue, la Fnaseph réclame un plan d’action à trois ans pour créer « un véritable service d’accompagnement sur tous les lieux et temps de vie ».

De son côté, George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, veut rassurer les associations : « Les possibilités d’accompagnement au-delà du temps scolaire restent un objectif à atteindre, plaide-t-elle dans une tribune sur le site du Huffington Post (3). Tous les dispositifs favorisant une mutualisation des moyens disponibles doivent être, à terme, étudiés. » Dominique Leboiteux, chef de projet social et médico-social à la Fédération des PEP veut voir dans ces annonces « un premier pas ». D’autant que sur le terrain, les associations ont déjà mis en place des expériences positives (4). En 2009, certaines avaient pu réemployer des AVS en fin de contrat en CDI de droit privé pour accompagner les enfants sur tous les temps de vie. « Dans notre réseau, nous avons des accompagnants qui soutiennent les enfants handicapés à l’école mais également au centre de loisirs et pendant les vacances. Sur l’année, leur métier leur permet de travailler à temps plein », explique Dominique Leboiteux. Leurs salaires sont en partie financés par l’Education nationale pour l’accompagnement du temps scolaire, pour le reste « la CAF et la prestation de compensation du handicap complètent », précise-t-il. « Nous avons une expérience d’accompagnement global des jeunes handicapés et nous allons proposer au gouvernement de s’appuyer sur ces expérimentations pour créer de réels services départementaux. »

Les mesures du gouvernement font l’impasse également sur la coordination des acteurs. Pour Thierry Nouvel, « il n’y a aucune réponse en faveur du décloisonnement du secteur médico-social et de l’Education nationale. Des échanges sont pourtant attendus pour que les établissements puissent être sollicités plus facilement par l’école, qu’il y ait un partage de pratiques entre professionnels médico-sociaux et enseignants. On espérait que l’AVS pourrait être un agent naturel de liaison entre l’école et les établissements, rôle qui reste à la charge des familles », regrette-t-il (5). Elément toutefois positif, relevé par Bénédicte Kail, la création d’un module obligatoire sur les besoins spécifiques des enfants handicapés dans la formation initiale des enseignants.

Notes

(1) En plus des 26 000 AVS actuellement en poste, le gouvernement prévoit d’embaucher 8 000 contrats aidés pour la rentrée 2013.

(2) Voir ASH n° 2816 du 28-06-13, p. 5 et 20.

(3) Voir http://goo.gl/n5v3Kl.

(4) Voir aussi le décryptage sur l’accompagnement des élèves handicapés, ASH n° 2737 du 16-12-11, p. 32.

(5) Le renforcement de la coopération entre le secteur médico-social et l’Education nationale devrait figurer au menu du prochain comité interministériel du handicap, qui doit se tenir avant la fin de l’année (voir ce numéro, p. 14).

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