Adoptée définitivement le 18 juillet par le Parlement, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires comporte plusieurs mesures destinées à protéger les clients les plus fragiles des banques. Au menu : le plafonnement de certains frais bancaires, le renforcement du droit au compte et l’amélioration de l’accès aux services bancaires. De nouvelles règles sont également instituées sur le front de la lutte contre le surendettement, afin notamment d’accélérer le traitement des dossiers et d’assurer le maintien du débiteur dans son logement.
Jusqu’à présent, si les frais perçus par les banques à l’occasion du rejet d’un chèque, d’un virement ou d’un prélèvement étaient déjà plafonnés, les commissions d’intervention, qui sont débitées à chaque émission de créance depuis un compte non provisionné (1), ne l’étaient pas. Elles le sont désormais, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des raisons professionnelles.
La question aura fait l’objet d’un bras de fer entre les députés et les sénateurs socialistes. Les premiers souhaitaient en effet que soit mis en place un plafond unique tandis que les seconds plaidaient pour un double plafond, une position soutenue par le gouvernement et les banques. Au final, les sénateurs l’ont emporté. La loi prévoit ainsi, d’une part, un plafond pour les populations défavorisées qui bénéficient d’un droit au compte de la Banque de France ou de moyens de paiement alternatifs au chèque (voir ci-dessous) et, d’autre part, un plafond (supérieur) pour le reste de la population. Bercy a d’ores et déjà indiqué qu’un décret fixera ces plafonds respectivement à 8 € par opération et 80 € par mois pour l’ensemble des clients et à 4 € et 20 € pour les clients les plus fragiles.
En complément du plafonnement des commissions d’intervention, la loi impose aux banques de proposer à cette clientèle fragile « une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident ».
Le gouvernement a également voulu faciliter la mise en œuvre du droit au compte par le biais de plusieurs mesures de simplification. Comme auparavant, en cas de refus de l’établissement de crédit auquel le demandeur s’est adressé initialement pour obtenir l’ouverture d’un compte de dépôt, la mise en œuvre du droit au compte s’effectue par la saisine de la Banque de France, qui désigne un établissement de crédit qui a obligation d’ouvrir un compte. La nouveauté, c’est qu’une contrainte temporelle pèse dorénavant sur les établissements de crédit désignés par la Banque de France : ils doivent ouvrir un compte dans les trois jours. Dans l’esprit du législateur, ce délai doit permettre d’assurer l’effectivité du droit au compte et de limiter le recours au juge lorsqu’une banque ne répond pas, dans des délais raisonnables, à la demande de la Banque de France.
Il est par ailleurs désormais inscrit dans la loi – et non plus seulement au niveau de la charte d’accessibilité bancaire élaborée en 2008 – l’obligation pour les établissements de crédit de fournir « systématiquement et sans délai » au demandeur une attestation de refus d’ouverture de compte. Un « document obligatoire pour saisir la Banque de France et qui n’est pas toujours remis systématiquement », explique l’exposé des motifs.
Enfin, toujours dans le souci de faciliter la procédure, le projet de loi prévoit que, à la demande de l’intéressé, le département, la caisse d’allocations familiales ou le centre communal ou intercommunal d’action sociale dont il dépend, ainsi qu’une association ou une fondation à but non lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles ou bien encore une association de consommateurs agréée peut, en son nom, saisir la Banque de France, « notamment afin de permettre la domiciliation des prestations sociales lorsqu’il est constaté que le demandeur ne dispose pas de compte de dépôt », précise l’exposé des motifs. Un décret devra déterminer les conditions dans lesquelles les associations et fondations peuvent agir dans ce cadre.
A noter : la loi prévoit également l’adoption, par l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, d’une charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement, homologuée par Bercy. Applicable à tout établissement de crédit, cette charte définira notamment les conditions dans lesquelles chaque banque « se dote d’un dispositif de détection précoce des situations de fragilité financière de ses clients et apporte à ces situations des réponses adaptées, en concertation avec le client concerné ».
Les commissions de surendettement pourront, à compter du 1er janvier 2014, imposer des mesures aux parties ou recommander des mesures au juge sans passer préalablement par la phase de conciliation – qui allonge la durée de la procédure de plusieurs mois –, dès lors que la situation du débiteur, sans qu’elle soit irrémédiablement compromise au sens de l’article L. 330-1 du code de la consommation, ne permet pas de régler la totalité de ses dettes.
Par ailleurs, alors qu’actuellement la commission de surendettement réexamine systématiquement la situation du débiteur à l’issue de la période de suspension des créances, ce réexamen sera, à partir du 1er janvier prochain, requis uniquement si le débiteur saisit à nouveau la commission. La loi prévoit également que, en cas de recours contre les mesures imposées ou recommandées par la commission, le juge d’instance pourra décider l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire, avec l’accord du débiteur, sans avoir à attendre une recommandation de la commission.
Autre nouveauté : toujours à partir du 1er janvier 2014 et conformément à l’une des préconisations du rapport « Escoffier-Dini » de juin 2012 (2), la loi prévoit que les créances figurant dans l’état d’endettement du débiteur dressé par la commission ne pourront plus produire d’intérêts ou générer de pénalités de retard à compter de la date de recevabilité de son dossier et jusqu’à la mise en œuvre de mesures de redressement ou d’effacement des dettes.
Le législateur a cherché également à préserver le droit au logement des personnes faisant l’objet d’une procédure de surendettement. Le fait qu’un débiteur soit propriétaire de sa résidence principale ne fait pas obstacle actuellement à ce qu’il soit considéré comme surendetté – lui permettant ainsi de bénéficier de la procédure devant la commission de surendettement, tendant à restructurer son passif dans de bonnes conditions. La loi précise que, à compter du 1er janvier 2014, le fait que la valeur de sa résidence principale soit supérieure à celle de ses dettes ne constituera pas non plus un obstacle à une telle qualification. L’objectif poursuivi est d’éviter au débiteur de devoir céder sa résidence principale pour faire face à ses dettes. Par ailleurs, par dérogation au code du travail, qui prévoit qu’une fraction de la rémunération d’un salarié est insaisissable, il sera possible que le montant des remboursements fixé par la commission de surendettement soit, avec l’accord du débiteur et « dans des limites raisonnables », fixé à un niveau conduisant à ce que les revenus de la personne soient inférieurs à cette fraction, afin d’éviter la cession de la résidence principale. S’agissant des débiteurs surendettés locataires, le rétablissement des aides au logement à la suite de la déclaration de recevabilité de la demande devant la commission de surendettement concerne dorénavant les allocations de logement, et non plus la seule aide personnalisée au logement.
Enfin, à partir du 1er janvier 2014 et dans l’hypothèse où le locataire a conclu avec le bailleur un « protocole de cohésion sociale » prévoyant certaines modalités de règlement d’arriérés de loyers, ce protocole sera suspendu à compter de la date de recevabilité de la demande faite par le débiteur à la commission de surendettement et, le cas échéant, les modalités de règlement d’arriérés de loyers prévues par ce protocole seront remplacées par les modalités imposées par la commission ou par le juge.
Deux mesures, adoptées à l’initiative du Sénat, portent sur l’accompagnement des personnes surendettées. La première a pour objet d’assurer une meilleure coordination entre les commissions de surendettement, d’une part, et les conseils départementaux et les caisses d’allocations familiales, d’autre part. La loi prévoit ainsi que ces deux derniers organismes doivent désigner chacun un correspondant. Leur mission : faciliter la mise en place des mesures d’accompagnement social ou budgétaire des personnes surendettées pouvant être décidées par les commissions de surendettement.
La seconde mesure ouvre à la commission de surendettement confrontée à un débiteur ayant déjà bénéficié d’une mesure de rétablissement personnel qui la saisit de nouveau, et dont elle estime la situation encore irrémédiablement compromise, la possibilité de recommander au juge – après avis du membre de la commission justifiant d’une expérience dans le domaine de l’économie sociale et familiale – la mise en place d’un suivi budgétaire ou social, qui accompagnerait la mesure d’effacement des dettes.
(1) Il s’agit autrement dit des frais que prélève une banque lorsqu’elle accepte de laisser passer une opération plaçant un compte dans une situation irrégulière, comme un dépassement de découvert autorisé. Les commissions d’intervention rémunèrent l’analyse par la banque de la situation individuelle du compte du client et sont prélevées en plus des intérêts débiteurs.
(2) Voir ASH n° 2766 du 29-06-12, p. 11.