La loi du 26 juillet dernier relative à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat clarifie les modalités de recours en justice contre cet arrêté. Pour mémoire, ce texte intervient après que le Conseil constitutionnel a abrogé le premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles (CASF) qui fixe un délai de 30 jours pour contester l’arrêté d’admission sans prévoir ni la publication de ce dernier, ni sa notification aux personnes ayant qualité pour agir (1). La Haute Juridiction a reporté l’effet de sa décision au 1er janvier 2014 car une abrogation immédiate aurait supprimé le droit de contester l’arrêté. Or la principale conséquence du statut de pupille de l’Etat est, pour l’enfant, d’être adoptable, c’est-à-dire de pouvoir à tout moment être placé en vue de l’adoption, placement qui empêche toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. La loi réécrit donc l’article L. 224-8 et prévoit qu’il entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2014 (2).
Sans modifier le droit existant, la loi précise tout d’abord que l’admission en qualité de pupille de l’Etat par un arrêté du président du conseil général ne peut avoir lieu :
→ qu’après l’expiration des délais prévus par l’article L. 224-4 du CASF – selon le cas, deux ou six mois à compter du recueil de l’enfant par le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ;
→ ou qu’après que le jugement soit « passé en force de chose jugée » (3) en cas de déclaration judiciaire d’abandon ou de retrait total de l’autorité parentale.
Cette mesure vise à établir clairement la distinction entre le recueil de l’enfant par le service de l’ASE et son admission en qualité de pupille de l’Etat et à mettre fin à une pratique de certains conseils généraux qui édictent deux arrêtés, l’un provisoire, l’autre définitif, ou un arrêté provisoire ne devenant définitif qu’à l’issue du délai de deux ou six mois. Autrement dit, il s’agit d’éviter des incertitudes quant à la date d’adoption régulière de l’arrêté qui pourraient nuire à l’effectivité du recours.
L’arrêté du président du conseil général peut être contesté par :
→ sans changement, les parents de l’enfant, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale ;
→ les « membres de la famille de l’enfant », au lieu des « alliés de l’enfant » ;
→ le père de naissance ou les membres de la famille de la mère ou du père de naissance, lorsque l’enfant est né sous X. L’ouverture du recours contre l’arrêté d’admission au père de naissance doit lui permettre de faire échec au placement en vue de l’adoption et de se voir confier l’enfant en évitant que les délais de l’action en reconnaissance de paternité, en particulier lorsqu’il ne détient pas d’éléments d’information suffisants (date et lieu de naissance de l’enfant…), l’empêchent de faire effectivement valoir ses droits ;
→ toute personne « ayant assuré la garde de droit ou de fait de l’enfant », et non plus toute personne « justifiant d’un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait ».
La loi maintient par ailleurs la règle selon laquelle le recours contre l’arrêté n’est recevable que si la personne demande à assurer la charge de l’enfant.
En l’absence de déclaration judiciaire d’abandon ou de retrait total de l’autorité parentale, la loi prévoit que l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat est obligatoirement notifié aux parents de l’enfant. Cet arrêté doit également être notifié aux autres personnes autorisées à former un recours et qui ont manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service de l’aide sociale à l’enfance avant la date de l’arrêté. Cette notification est faite par tout moyen permettant d’établir une date certaine de réception. Elle doit mentionner les voies et délais de recours ainsi que la juridiction compétente. Elle doit aussi préciser que l’action n’est recevable que si le requérant demande à assumer la charge de l’enfant.
Le recours contre l’arrêté doit être formé devant le tribunal de grande instance dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception de la notification, et non plus dans les 30 jours suivant la date de l’arrêté. Précisons que ce délai de 30 jours n’est donc opposable qu’aux personnes ayant reçu une notification. A contrario, les personnes ayant un intérêt à agir et auxquelles l’arrêté n’a pas été notifié (éligibles ou non à cette notification) peuvent déposer un recours contre l’arrêté même au-delà du délai de 30 jours. Ce, tant que le placement de l’enfant en vue de son adoption n’est pas intervenu (4).
(1) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 14.
(2) De son côté, la Cour de cassation a jugé en avril dernier qu’un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat peut être contesté au-delà du délai de 30 jours à compter de la date de l’arrêté lorsque les personnes admises à former un recours en justice n’ont pas été informées de l’arrêté – Voir ASH n° 2812 du 31-05-13, p. 34.
(3) Se dit d’un jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution, soit parce que les délais de recours ont expiré, soit parce que les recours ont été exercés, et qui peut par conséquent être mis à exécution.
(4) Selon l’étude d’impact du projet de loi, « aucun placement en vue d’adoption ne pourra être effectué avant un délai d’au moins trois mois à compter du recueil de l’enfant, afin de garantir le droit au recours de ses proches et notamment des membres de sa famille de naissance : au délai de rétractation de deux mois devra s’ajouter celui de 30 jours contre l’arrêté d’admission ». Reste que, selon l’article 351 du code civil, le placement en vue de l’adoption est possible dès l’admission au statut de pupille de l’Etat. Soit, lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, à l’expiration du délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant.