Après l’illettrisme en 2013, la santé mentale sera-t-elle la grande cause nationale de l’année 2014, comme le réclame un collectif d’associations soucieuses de mieux faire connaître le handicap psychique ? Si ces questions drainent encore beaucoup de préjugés au sein de la population, élus et professionnels de la psychiatrie ont pris conscience de la nécessité de travailler ensemble pour faire évoluer leurs regards et leurs pratiques. Vingt ans après la création des premiers conseils locaux de santé mentale (CLSM) à Givors (Rhône), à Paris (XVIIIe arrondissement) ou dans la banlieue est de Lille, ces instances partenariales sont de plus en plus nombreuses à éclore en France.
On en compterait aujourd’hui 72 en fonctionnement et une soixantaine en gestation, contre une vingtaine en 2005. Ces conseils sont définis comme une « plateforme de concertation et de coordination entre les élus locaux d’un territoire, la psychiatrie publique, les usagers et les aidants, la médecine de ville et les différents services concernés » (1). Objectif : définir des politiques locales et des actions permettant l’amélioration de la santé mentale de la population. Si, à ce jour, aucune loi n’est venue les encadrer, leur développement a été encouragé par plusieurs rapports et textes réglementaires : circulaire du 14 mars 1990 incitant à créer des instances de coordination de proximité, plans successifs de santé mentale, rapport Couty en 2009 consacré aux « missions et organisations de la santé mentale et de la psychiatrie » (2) et celui de la Cour des comptes de 2011 sur l’organisation des soins psychiatriques incitant à « généraliser » les CLSM (3)… En outre, depuis 2008, le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (CCOMS) pour la recherche et la formation sur la santé mentale propose un appui méthodologique à leur lancement (documentation, mise en contact, rencontres, conférences…) (4).
Ce développement s’inscrit dans un mouvement de fond : la volonté croissante des maires de prendre en charge les questions de santé, bien que ce champ ne relève pas de leurs compétences en dehors de l’hospitalisation sous contrainte. Dans le cadre de la politique de la ville, la démarche des ateliers santé ville conduite depuis 2000 a favorisé cette prise de conscience en mettant au jour l’importance de la souffrance psycho-sociale. « La santé mentale n’est pas seulement l’affaire de la psychiatrie mais celle de tous, comme la tranquillité publique n’est pas seulement l’apanage de la police », plaide Laurent El Ghozi, conseiller municipal à Nanterre et président de l’association « Elus, santé publique et territoires ». Pour Pauline Rhenter, chargée de mission au CCOMS entre 2008 et 2011 (5), « la santé mentale ne peut se réduire à la psychiatrie et les personnes concernées ne sont pas seulement des patients ». Autour de la prise en charge strictement médicale se greffent en effet des questions de logement, d’insertion professionnelle et d’inclusion sociale, qui sont autant de facteurs d’une bonne santé mentale. « Les CLSM permettent d’agir de manière transversale et de despécialiser la question du trouble psychique, poursuit-elle. Il ne s’agit pas de démédicaliser le problème, mais plutôt d’avoir une vue publique et collective sur la vie quotidienne des personnes dont la pathologie a un retentissement social. »
Cette évolution des municipalités s’est faite parallèlement à celle de la sectorisation de la psychiatrie. « A partir du moment où l’on a sorti la psychiatrie de ses murs et supprimé des lits à l’hôpital, les problèmes des relations des patients avec leur environnement se sont répandus, rappelle Jean Dybal, administrateur de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), qui milite de longue date en faveur des CLSM (6). Nous avons toujours plaidé pour que des structures permettent un dialogue entre les patients, leur famille, la psychiatrie et la cité. Il semblerait que, depuis les années 2000, cette demande soit enfin entendue. » Au fil des années, on a ainsi assisté à un déplacement du centre de gravité des instances de concertation de la psychiatrie vers les municipalités. « Les prémices des CLSM ont débuté, dans les années 1960, avec des conseils locaux de psychiatrie, puis, dans les années 1970, avec les conseils de santé mentale de secteur, poursuit Jean Dybal. Mais ces structures ont souffert de la prééminence de la psychiatrie et de l’absence de la société civile ou des familles de patients. Or les personnes souffrant de handicap psychique ont besoin d’un accompagnement pluridisciplinaire. L’intérêt des CLSM est de rassembler des acteurs aussi diversifiés que les soignants, les élus, les travailleurs sociaux, les associations, les usagers et leurs familles. »
Pour le docteur Pierre Murry, vice-président du CLSM de Grenoble et responsable de pôle psychiatrique au centre hospitalier Alpes-Isère (CHAI), « ce décloisonnement apparaît comme une nécessité » dans la mesure où la prise en charge des personnes en souffrance psychique concerne, au-delà des soins, une pluralité d’interlocuteurs (services médico-sociaux, maisons de retraite, police, centres sociaux…). Favorable à une « psychiatrie de secteur, de proximité et en réseau », ce médecin estime que ces instances sont le prolongement de cette philosophie, à rebours d’une prise en charge qui resterait centrée sur la consultation et le traitement du malade. « Même si les villes n’ont pas d’obligation légale en matière de santé, des dispositifs comme les CLSM seront de plus en plus nécessaires au regard des besoins de la population, que ce soient les adolescents en souffrance, les personnes sans domicile, âgées ou souffrant d’addictions. »
Pour aider les acteurs à y voir plus clair, le CCOMS a rédigé en novembre 2012 des recommandations pour faciliter leur création en lien avec l’association Elus, santé publique et territoires. « Il s’agit de proposer un cadre souple, car ces instances peuvent être très différentes d’un territoire à un autre », précise Pauline Guézennec, chargée de mission au CCOMS. Ce document passe en revue les objectifs stratégiques du CLSM : mettre en place une observation en santé mentale, développer une politique de prévention, permettre l’accès aux soins et leur continuité, favoriser l’inclusion sociale et la participation des usagers, participer aux actions de lutte contre la stigmatisation. Il fixe aussi des objectifs opérationnels, comme mettre en œuvre des actions pour répondre aux besoins, favoriser la création des structures nécessaires et développer un partenariat efficace à la réalisation des actions. En clair, ces conseils ne peuvent se réduire à des outils de concertation entre acteurs d’horizons différents. « Ils seraient des coquilles vides s’ils ne débouchaient sur rien de concret, avertit Pauline Rhenter. Ce sont des machines à créer des projets et des actions après une phase d’analyse des besoins. »
De Marseille à Reims en passant par Villeurbanne, les CLSM sont à l’origine de toutes sortes de projets favorisant la prévention mais aussi l’accès aux soins, au logement, à l’emploi ou à la vie sociale des personnes souffrant de troubles psychiques : conventions entre les bailleurs et les services de psychiatrie pour faciliter l’accès et le maintien dans le logement, création de services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) spécialisés dans le handicap psychique, groupes d’entraide mutuelle (GEM), formations entre professionnels de champs différents sur la santé mentale, formation des gardiens d’immeuble au repérage des troubles psychiques, création d’une maison des adolescents, présence d’un psychologue dans une maternité, etc. La mise en œuvre de ces projets passe généralement par l’organisation de groupes thématiques. Le CLSM de Grenoble, né en 2006 après une longue histoire dans le domaine de la santé mentale – la ville possède six lieux d’écoute et de parole tenus par des psychologues dans plusieurs quartiers –, réunit six groupes de travail. Les thématiques sont variées : travail sur les indicateurs de santé mentale, analyse croisée des situations complexes avec les secteurs hospitalier et associatif, liens entre santé mentale et précarité en relation avec les acteurs des champs sanitaire et social, préparation de temps forts comme la semaine d’information sur la santé mentale ou le mois de l’accessibilité et enfin géronto-psychiatrie. « Ces groupes favorisent les liens entre les acteurs, et peuvent donner l’opportunité de tricoter des projets opérationnels en dehors du CLSM », observe Isabelle Gamot, chef du service de promotion de la santé à la direction « santé publique et environnement » de la ville de Grenoble. Elle précise qu’un travail de coopération entre un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et l’hôpital a permis d’élaborer un projet de service d’accompagnement vers et dans le logement financé par la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS).
Autre fonction du CLSM, résoudre des situations individuelles complexes dans le cadre d’une cellule réunissant plusieurs professionnels. « Quand suffisamment d’acteurs sont capables de se parler, ils peuvent se saisir de situations individuelles particulièrement difficiles à résoudre, estime Laurent El Ghozi. Personne n’a de solution à lui tout seul. » A Nanterre, le conseil a été créé à la fin de l’année 2008, mais la mairie avait déjà expérimenté la concertation autour d’une situation délicate. « On avait une dame d’une soixantaine d’années, paranoïaque, en rupture de traitement, qui rendait la vie impossible à son voisinage, raconte-t-il. Après le dépôt de nombreuses plaintes et de pétitions en mairie, elle avait reçu un avis d’expulsion pour troubles répétés. C’était typiquement le genre de situation non gérée qui faisait que la dame allait perdre son logement et n’était pas prise en charge. » Une réunion des acteurs concernés (psychiatrie, travailleurs sociaux, commissariat…) a permis de mettre en place une hospitalisation sous contrainte, avec la garantie que la personne puisse conserver son logement. « Pour faciliter son retour, une réunion a été organisée avec les habitants, le bailleur et le gardien de l’immeuble afin de faire en sorte que les voisins soient bienveillants et vigilants avec elle. »
La cellule de veille du conseil de Nanterre, active depuis 2009, étudie une vingtaine de nouveaux cas par an. « C’est à la fois peu et beaucoup, relève Laurent El Ghozi. Il suffit parfois d’une personne pour perturber la vie d’une centaine d’autres et emboliser des services qui ne savent pas comment répondre. » Le premier objectif de cette cellule est d’éviter les hospitalisations sans consentement. « Elle n’émet que des préconisations, précise Lucie Ramboux, coordinatrice du CLSM de Nanterre. Ce n’est pas elle qui va décider d’une hospitalisation sans consentement. » Ses propositions sont aussi variées que les cas étudiés : prévoir la désinfection d’un logement pendant l’hospitalisation d’une personne ayant de gros soucis d’hygiène, orientation vers un SAVS, signalement auprès de la préfecture pour appuyer une mise sous tutelle ou curatelle d’une personne vulnérable, etc. Au sein du CLSM de Grenoble, la plateforme d’alerte et de prévention se réunit tous les 15 jours avec une infirmière et tous les deux mois avec un psychiatre pour étudier les cas les plus complexes, en présence des professionnels concernés (assistantes sociales, associations, bailleurs, médecins généralistes, services municipaux…). « Il s’agit généralement de personnes en grande difficulté qui ne recourent pas aux soins pour telle ou telle raison, indique Isabelle Gamot. Selon la nature du problème, on voit avec les acteurs du champ sanitaire et social comment les accompagner vers les soins. Cela finit rarement par une hospitalisation sous contrainte. »
L’existence de ces cellules soulève évidemment la question du secret professionnel et du partage des informations. « Il faut prendre le temps de se doter de règles communes, commente Laurent El Ghozi. La seule chose qui compte, c’est l’intérêt de la personne. Si des informations peuvent servir à son intérêt, les professionnels ont l’obligation de les partager. » A Nanterre, la charte de fonctionnement de la cellule est transmise à chaque prescripteur de la situation et à chaque membre invité. Elle prévoit la règle du secret sur les informations apportées au sein de la cellule (seules les informations utiles à la problématique sont évoquées) et sur celles rapportées à la personne concernée (les échanges entre professionnels ne lui sont pas retransmis). Pour Jean Dybal, qui rappelle l’existence des RESAD (Réseaux d’évaluation des situations d’adultes en difficulté) dans les villes ne disposant pas de CLSM, il « est impossible de traiter des questions de santé mentale sans évoquer de cas individuels. Certes les discussions et l’interconnaissance entre professionnels sont fondamentales, mais pour qu’un conseil soit efficace et efficient, son action doit être individualisée. »
Aux côtés des deux chefs de file (ville et psychiatrie), les usagers sont censés constituer le troisième grand pilier. « Sans eux, ces conseils n’auraient pas de légitimité et resteraient des lieux d’experts », tient à préciser Pauline Guézennec. A Grenoble, Isabelle Pot, membre de l’Unafam et proche d’une personne en situation de handicap psychique, fait partie du conseil depuis 2008. Elle avait été conviée à rejoindre le groupe thématique chargé d’organiser la semaine d’information sur la santé mentale, après avoir elle-même témoigné lors d’une précédente édition. Elle participe tous les mois à une réunion animée par un représentant de la ville mêlant psychiatres libéraux et hospitaliers, psychologue et secteur associatif. « Nous ne sommes pas seulement dans l’organisation mais aussi dans la réflexion, témoigne-t-elle. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer des sujets délicats comme l’annonce du diagnostic, l’accompagnement, la confidentialité. En parler permet de comprendre les points de vue de chacun. » Autre avantage selon elle, humaniser les structures intervenant dans la santé mentale. « On connaît mieux les interlocuteurs, on développe de la confiance. » Sur le plan personnel, Isabelle Pot a également eu le sentiment de « cheminer, prendre de la distance et élargir [ses] façons de voir ». Pour le psychiatre Pierre Murry, ces rencontres ne peuvent qu’être bénéfiques : « Les familles ont souvent le sentiment d’être mises à l’écart par le monde de la psychiatrie. Le CLSM permet d’avoir des échanges directs. On a, par exemple, invité l’Unafam à des réunions de pôle de psychiatrie pour mieux comprendre nos façons de travailler. »
Reste que si les proches se mobilisent, les usagers eux-mêmes sont moins enclins à participer au fonctionnement des conseils. A Grenoble, leurs représentants ont accès depuis 2011 au comité de pilotage, aux côtés des collectivités locales, des hôpitaux, de l’agence régionale de santé et de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS). Or, à ce jour, seule l’Unafam répond présente. « C’est difficile car les associations locales d’usagers se constituent et disparaissent rapidement, constate Isabelle Gamot. Quand les gens vont mieux, ils n’ont pas forcément envie de continuer à être dans des associations de malades. » A Nanterre, la coordinatrice du conseil reconnaît que la place des usagers demeure minimale. « On les sollicite et on les invite à tous les groupes de travail, précise Lucie Ramboux. Mais leur participation est aléatoire selon leur maladie. Or il n’est pas question pour nous d’aller choisir le bon usager. » Favoriser leur participation pourrait passer par des formations à la prise de parole en public, comme « cela se pratique beaucoup au Canada », suggère-t-elle.
Si la difficulté à représenter les usagers marque la principale limite des CLSM, il existe d’autres menaces – le manque de moyens de fonctionnement, par exemple. « Il faut de l’argent pour la coordination du conseil, souligne Laurent El Ghozi. C’est quasiment un poste à temps plein. » C’est la raison pour laquelle l’agence régionale de santé d’Ile-de-France a lancé un appel à projets destiné à co-financer des postes de coordinateur de conseil (voir encadré, page 27). « Certains CLSM sont animés par des psychiatres ou des élus mais ceux-ci n’ont pas le temps d’assurer cette mission », souligne Pauline Guézennec, qui évalue à environ 20 000 € par an le financement d’un mi-temps de coordination. Sa présence ne peut toutefois pas remplacer la mobilisation des partenaires. « Les CLSM portés entièrement par un chargé de mission santé ville ou le coordinateur de l’atelier santé ville, sans la présence des élus et de la psychiatrie pour les décisions stratégiques, ne peuvent pas durer. Un technicien ne peut à lui seul porter une politique locale de santé. » Autre difficulté : de possibles décalages entre le secteur de la psychiatrie et le périmètre des communes. « Il y a beaucoup d’endroits où une mairie correspond à plusieurs secteurs de psychiatrie et l’inverse. Qui porte alors le CLSM ? », se demande Laurent El Ghozi. Enfin, il faut aussi compter avec les barrières culturelles chez certains professionnels. « Derrière ces partenariats entre ville, psychiatrie et usagers se joue une mutation profonde du positionnement de la psychiatrie, analyse Pauline Rhenter. Il faut cesser de saucissonner les gens entre soins et social et accepter qu’ils relèvent de plein de choses à la fois. »
Après s’être fortement engagée en faveur des ateliers santé ville (ASV) dans la perspective de réduire les inégalités, l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France s’intéresse de près aux conseils locaux de santé mentale (CLSM). Elle est la première en France à avoir lancé un appel à projets pour faciliter la création ou la pérennité de ces instances (7). En novembre dernier, l’ARS proposait ainsi de co-financer 15 postes de coordinateurs de CLSM pour l’année 2013. « Nous défendons une vision transversale de la santé mentale, de la prévention à la réhabilitation, explique Pilar Arcella-Giraux, médecin référent sur la santé mentale et les addictions à l’ARS. Il ne s’agit pas d’avoir une vision sanitaire et aseptisée de la santé mentale mais de prendre en compte les conditions de vie, de travail et d’insertion sociale des personnes. Là-dessus, la psychiatrie ne peut pas travailler seule. »
L’ARS a donc élaboré son propre cahier des charges, co-construit avec des élus, des représentants de l’Unafam, des coordinateurs de CLSM et des psychiatres. Sur 12 dossiers reçus, huit municipalités ont été retenues (Nanterre, Saint-Denis, Aubervilliers, Nemours, Choisy-le-Roi, Tremblay-en-France, Montreuil et Bondy), dont la moitié possédait déjà un CLSM. Un autre appel d’offres, proposant à nouveau 15 postes en co-financement, devrait être lancé pour l’année 2014. Une évaluation sera ensuite conduite fin 2014 pour vérifier si les CLSM correspondent bien au cahier des charges. « Ce document donne un cadre et des missions claires mais chaque CLSM pourra travailler sur ses propres priorités. »
(7) Voir
(1) Définition utilisée dans le cahier des charges de l’appel à projet 2012 de l’ARS d’Ile-de-France.
(2) Voir ASH n° 2595 du 6-02-09, p. 16.
(3) Voir ASH n° 2738 du 23-12-11, p. 10.
(4) Le CCOMS envisage de créer un réseau national des CLSM et de mettre en place une newsletter –
(5) Et aujourd’hui chargée de l’évaluation du programme « Un chez-soi d’abord » au sein de la Fédération régionale de recherche en santé mentale du Nord-Pas-de-Calais.
(6) L’Unafam a consacré le premier numéro de l’année 2013 de sa revue trimestrielle Un autre regard aux CLSM –