A peine installé le comité de suivi du nouveau dispositif de prise en charge des mineurs étrangers isolés (voir ce numéro, page 11), une décision du président du conseil général et sénateur de la Mayenne a remis le feu aux poudres. Jean Arthuis (UDI), qui avait déjà rendu publiques ses réticences sur la responsabilité financière des départements en la matière, a, le 24 juillet, signé un arrêté mettant « fin à tout nouvel accueil de jeunes étrangers isolés par le service de l’aide sociale à l’enfance ». Le texte indique que « depuis le 1er juin 2013, le département de la Mayenne a accueilli neuf [de ces jeunes], après en avoir accueilli cinq depuis le début de l’année 2013 ». Ce qui porte leur nombre à 57, sur un total de 700 mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance. Autre argument : les dispositions de la circulaire du 31 mai dernier sur le dispositif national, issues d’un protocole signé entre l’Etat et l’Assemblée des départements de France (ADF), « ne permettent pas à ce jour d’endiguer et de réguler l’augmentation des prises en charge des jeunes étrangers isolés confiés au service de l’aide sociale à l’enfance ». Durant l’été, le conseil général a refusé d’accueillir deux jeunes Congolaises dans le cadre de la circulaire.
Dans un communiqué du 6 août, la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur déplorent cette décision contraire à la loi, puisque le département exerce une compétence obligatoire de protection de l’enfance et qu’il doit appliquer la décision de l’autorité judiciaire lui confiant ces mineurs. Qui plus est, la mesure est discriminatoire. « Le préfet a demandé le retrait de cet acte illégal, précisent-ils. A défaut, il sera déféré devant la juridiction administrative. » Pour sa part, France terre d’asile n’a pas attendu et a introduit un référé suspension de l’arrêté devant le tribunal administratif de Nantes. L’audience doit avoir lieu le 27 août. D’ici là, le président du conseil général, qui devait être reçu à la chancellerie le 22 août, aura probablement retiré le texte. « J’ai toujours dit que c’était un arrêté provisoire et qu’il visait à tirer un signal d’alarme », explique en effet Jean Arthuis. Un coup politique fustigé par Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile : « L’opposition veut alimenter le débat sur l’immigration à travers les mineurs isolés étrangers. Le département de la Mayenne avait lancé un appel à projets pour créer une structure de 30 places dédiés à ces jeunes, dont le résultat devait être connu en juin. Il l’a suspendu quand la circulaire est sortie… »
Au-delà de leur condamnation de l’attitude du conseil général de la Mayenne, les ministres soulignent que le nouveau dispositif « a déjà permis en presque deux mois, dans un esprit de solidarité nationale et dans le respect des compétences de chacun, une meilleure répartition entre les différents départements de France, en fonction de leurs possibilités réelles d’accueil, de 400 jeunes mineurs étrangers arrivés sans attaches familiales sur notre territoire ». Pas si simple, nuance toutefois Pierre Henry, selon qui tous les conseils généraux ne sont pas enclins à jouer le jeu. L’Assemblée des départements de France, de son côté, prend acte de « la manière globalement satisfaisante dont fonctionne ce dispositif », qui doit être évalué au bout de un an. Estimant que « le nombre de mineurs étrangers isolés, sur l’année 2013, ne sera pas de 1 500 comme annoncé initialement, mais plus proche de 2 500 », elle réaffirme « l’urgence d’une négociation avec l’Etat » afin de créer, au sein du fonds national de protection de l’enfance, un Fonds d’intervention destiné aux départements particulièrement confrontés au phénomène. Une proposition qu’avait également émise le défenseur des droits.