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Soins psychiatriques sans consentement : première étape vers une réforme

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Une proposition de loi visant à modifier certaines dispositions de la loi du 5 juillet 2011 qui a réformé les soins psychiatriques sans consentement (1) a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 25 juillet dernier. Principal objectif de ce texte : revenir sur des dispositions abrogées par le Conseil constitutionnel à compter du 1er octobre prochain (2). Pour mémoire, il s’agit du régime renforcé de sortie pour les personnes admises en unités pour malades difficiles (UMD) et de l’admission des malades pénalement irresponsables. La proposition de loi, qui apporte plusieurs autres améliorations au dispositif des soins psychiatriques sans consentement, est largement inspirée du rapport de la mission d’information sur la santé mentale et la psychiatrie de l’Assemblée nationale, présenté le 29 mai dernier par le député (PS) Denys Robiliard (3).

Suppression du régime renforcé de sortie pour les malades en UMD

La loi du 5 juillet 2011 a prévu des conditions plus strictes de levée de l’hospitalisation sans consentement pour les personnes qui ont été admises en UMD ou qui ont commis des infractions pénales en état de trouble mental, à savoir : le recueil de l’avis d’un collège de soignants et la réalisation de deux expertises par des psychiatres. Or, pour ce qui concerne les patients en UMD, ces dispositions ont été annulées parce que les conditions de leur admission dans ces unités n’étaient pas fixées par la loi mais par un décret. Par conséquent, sans intervention du législateur, ces personnes seront soumises à compter du 1er octobre au dispositif de sortie de droit commun moins rigoureux (4).

Rappelons que le rapport « Robiliard » a considéré qu’il n’était « pas nécessaire » de maintenir des conditions plus strictes de levée de l’hospitalisation pour les patients admis en unités pour malades difficiles. En effet, à l’issue de son séjour en UMD, « le patient n’est pas livré à lui-même et la mesure de soins sans consentement dont il fait l’objet n’est pas levée : ses soins se poursuivent, hors de l’UMD, soit dans un établissement spécialisé, soit dans un service de psychiatrie d’un centre hospitalier général, soit en milieu carcéral ». C’est pourquoi, sans attendre la date butoir du 1er octobre, la proposition de loi supprime le régime renforcé de sortie pour ces malades.

Quant aux conditions d’admission dans ces unités, plutôt que de réécrire l’article L. 3222-3 du code de la santé publique pour y intégrer certaines dispositions prévues aux articles R. 3222-1 à R. 3222-9 du même code – plus précises –, les parlementaires l’ont supprimé, jugeant inutile de conserver une base légale pour les UMD.

Malades pénalement irresponsables : une procédure d’admission mieux encadrée

S’agissant des personnes déclarées pénalement irresponsables en raison de troubles mentaux, la censure du Conseil constitutionnel a été motivée par une procédure inadaptée d’admission en soins sans consentement. En effet, d’une part, l’information du préfet par l’autorité judiciaire en vue d’une admission en soins psychiatriques est actuellement possible quelles que soient la gravité et la nature de l’infraction commise en état de trouble mental et, d’autre part, la procédure ne prévoit pas l’information préalable de la personne malade (5). Par conséquent, les personnes concernées retomberont elles aussi dans le régime de droit commun à compter du 1er octobre prochain à défaut de correction du dispositif par le législateur.

La proposition de loi prévoit donc que l’admission en soins psychiatriques sans consentement des irresponsables pénaux ne peut être ordonnée que lorsque des faits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux personnes ou d’au moins dix ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux biens ont été commis (6). De plus, la personne concernée devra être informée par l’autorité judiciaire de l’avis dont elle fait l’objet lorsque son état le permet. Le texte prévoit également que le régime plus strict de levée des soins n’est applicable qu’aux personnes qui font l’objet d’une mesure ordonnée à la suite de la déclaration d’irresponsabilité pénale au moment où le juge statue ou au moment où le préfet de département envisage de mettre fin à la mesure. Les personnes qui, par le passé, ont fait l’objet d’une mesure de soins sans consentement à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale et qui font à nouveau l’objet d’une mesure de soins sans consentement ne seront donc plus concernées par le régime plus strict de levée de la mesure.

Amélioration du contrôle par le juge

La proposition de loi ramène le délai dans lequel le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention doit s’exercer de 15 à 12 jours à compter de l’admission en hospitalisation complète. Rappelons que le rapport de la mission « santé mentale et psychiatrie » préconisait de réduire ce délai à cinq jours. Une mesure finalement jugée « irréaliste » compte tenu « des impératifs liés à l’administration de la justice qui nécessitent, notamment, de pouvoir disposer d’un délai suffisant pour rassembler les pièces des dossiers de saisine, les faire transiter, le cas échéant, par les agences régionales de santé et les préfectures (dans le cadre d’une admission en soins sur décision du représentant de l’Etat), faire vérifier leur contenu par les greffes et, in fine, en prendre connaissance avant de statuer, éventuellement après avoir ordonné des expertises supplémentaires », a expliqué Denys Robiliard (7).

Par ailleurs, comme le recommandait la mission, la proposition de loi pose le principe de la tenue de l’audience à l’hôpital dans une salle assurant la clarté, la sécurité, la sincérité des débats et l’accès du public. Ce n’est que lorsque ces conditions ne sont pas remplies que l’audience peut avoir lieu au tribunal de grande instance. Le texte encadre en outre plus strictement le recours à la visioconférence et rend la présence de l’avocat à l’audience obligatoire. Il renforce la possibilité pour le juge de décider de tenir l’audience hors de la présence du public et prévoit la production obligatoire d’un avis médical en cas d’appel, tout en rationalisant le nombre de certificats médicaux (suppression du certificat dit « de huitaine »).

Rétablissement des sorties d’essai

Les sorties d’essai, supprimées par la loi du 5 juillet 2011, sont rétablies par la proposition de loi. Plus précisément, il s’agit de redonner aux malades la possibilité de bénéficier d’autorisations de sorties non accompagnées de courte durée (48 heures au maximum) dans un but thérapeutique. Le texte conserve la possibilité des sorties accompagnées de moins de 12 heures. Par ailleurs, la proposition de loi précise qu’aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète. Enfin, d’autres dispositions concernent les personnes détenues atteintes de troubles mentaux afin, notamment, de faciliter le passage d’une prise en charge en soins sans consentement à une prise en charge en soins libres dans une unité hospitalière spécialement aménagée.

Notes

(1) Pour une présentation détaillée de la réforme, voir le numéro juridique des ASH intitulé « Les soins psychiatriques sans consentement » – Mars 2012.

(2) Voir ASH n° 2757 du 27-04-12, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 11.

(4) A savoir : un avis conjoint de deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient, se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.

(5) Plus précisément, la loi du 5 juillet 2011 a prévu que, lorsque les autorités judiciaires estiment que l’état mental d’une personne qui a bénéficié d’un classement sans suite ou d’une déclaration d’irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, elles avisent immédiatement le préfet qui peut prononcer une mesure d’admission en soins psychiatriques après avoir ordonné la production d’un certificat médical sur l’état du malade.

(6) Par exemple, les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours commises avec une circonstance aggravante (réunion, arme, préméditation, etc.), les agressions sexuelles, le vol commis avec circonstances aggravantes (réunion, arme, dégradations) ou la destruction par incendie – Rap. AN n° 1284, Robiliard, juillet 2013, p. 64 et 65.

(7) Rap. AN n° 1284, Robiliard, juillet 2013, p. 67.

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