Dans une enquête menée auprès de plus de 3 000 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 259 unités de soins longue durée (USLD), la Fondation Médéric Alzheimer dresse un bilan du respect des droits des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Une question difficile à aborder dès lors que l’on parle de troubles cognitifs, mais d’autant plus importante à traiter que les droits des usagers (1) « sont encore trop largement méconnus des équipes. Il faut donc encourager les directeurs et les cadres à proposer chaque année des formations sur les droits et libertés des personnes accueillies au sein de leur établissement et service », juge Karine Lefeuvre, docteure en droit privé et droit de la protection des majeurs, citée dans l’enquête de la fondation.
Au moment de l’admission d’une personne malade, 73 % des EHPAD et 68 % des USLD recherchent son assentiment (accord qui repose sur une compréhension seulement partielle de la situation) lorsque son consentement se révèle difficile à recueillir. Pour les autres établissements, le consentement de la famille ou du représentant légal suffit. Ces chiffres traduisent une amélioration, puisque seuls 60 % des EHPAD affirmaient recueillir l’assentiment de la personne lors de la précédente enquête, en 2009 (2).
La majorité des établissements d’hébergement et de soins (75 %) déclare avoir formalisé un projet personnalisé pour toutes les personnes atteintes. En 2009, seuls 47 % des EHPAD le faisaient. « Il y a une difficulté de communication [avec les personnes malades], mais en allant à la recherche d’une parole, on peut faire émerger des préférences et des souhaits. C’est crucial si l’on veut respecter la dignité et l’autonomie de la personne », plaide Fabrice Gzil, responsable du pôle « études et recherche » de la Fondation Médéric Alzheimer. La quasi-totalité des répondants recueille par écrit des éléments concernant les habitudes de vie des résidents, leurs préférences alimentaires, convictions et pratiques religieuses et souhaits de fin de vie. « Cela nécessite une grande vigilance, afin que des informations que la personne souhaite garder privées ne soient pas divulguées aux professionnels ou à la famille », avertit Fabrice Gzil. Les directeurs ont surtout accès aux informations sur les ressources financières des individus, alors que les professionnels sont principalement informés des habitudes de vie, préférences alimentaires, convictions et pratiques religieuses et éventuels conflits familiaux.
90 % des EHPAD et 87 % des USLD déclarent mettre en place des mesures de restriction à la sortie de la structure, pour les personnes malades. Le moyen le plus utilisé est le digicode, suivi par la géolocalisation avec bracelet. 55 % des EHPAD et 66 % des USLD restreignent la liberté de circuler à l’intérieur de la structure. « Il ne faut pas avoir de position idéologique sur le sujet. [La légitimité des dispositifs de restriction de liberté] dépend du stade de la maladie et de la mise en œuvre. Mais il faut garder une grande vigilance », estime Fabrice Gzil.
Les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont tenus, au nom de l’article 10 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie, de faciliter l’exercice effectif des droits civiques. Dans les faits, 52 % des EHPAD et 65 % des USLD déclarent avoir mis en place des mesures facilitant l’exercice du droit de vote des personnes, que ce soit par le moyen de la procuration ou en organisant des déplacements au bureau de vote (moins fréquents).
Enfin, les deux tiers des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer résidant en EHPAD et 60 % de celles accueillies en USLD ne font pas l’objet d’une mesure de protection juridique. La moitié des structures estiment qu’elles accueillent des personnes non protégées qui devraient l’être.
(1) Garantis par les lois du 2 janvier et du 4 mars 2002.
(2) Cette enquête ne portait pas sur les USLD.