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Vers une « prime d’activité » pour soutenir les travailleurs pauvres

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Le député Christophe Sirugue opte, dans son rapport, pour la disparition du RSA « activité » et de la PPE, au profit d’une prestation unifiée ouverte aux travailleurs modestes, y compris les jeunes de moins de 25 ans, et calculée à partir des revenus individuels du bénéficiaire.

La réforme des « dispositifs de soutien financier aux revenus d’activité des travailleurs modestes » est l’une des mesures du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier dernier (1). Un chantier d’ampleur, très attendu dans un contexte de massification de l’exclusion, que devait éclairer un rapport confié en mars dernier par le Premier ministre à Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire. L’objet de sa mission : « trouver le juste équilibre entre redistribution financière envers les travailleurs pauvres et accompagnement du retour à l’emploi », en tenant compte des « écueils du non-recours » et des complexités administratives, dans un objectif de simplification. Après cinq mois de réflexion et d’auditions menées par un groupe de travail réunissant experts, associations, opérateurs et bénéficiaires, le député privilégie, dans son rapport remis à Jean-Marc Ayrault le 15 juillet (2), un scénario « de rupture » qu’il juge le plus « efficace » et « équitable », dont le ciblage serait « resserré ». Il propose de créer une « prime d’activité » fusionnant le revenu de solidarité active (RSA) « activité » et la prime pour l’emploi (PPE), un dispositif « plus clair et lisible » que le premier, « plus réactif » que la seconde, et « reposant sur des modalités de déclaration extrêmement simples ».

Quatre scénarios

Le constat était connu : les deux principaux dispositifs d’aide aux travailleurs pauvres, répartis entre près de 8 millions de personnes (plus de 4 milliards d’euros de dépenses), sont sous le feu des critiques. La PPE, crédit d’impôt qui bénéficie à 6,3 millions de foyers fiscaux (2,5 milliards d’euros), est distribuée largement, « ce qui aboutit à un saupoudrage de la dépense publique et à un ciblage insuffisant des publics bénéficiaires ». Sans compter que le gel de son barème, depuis 2008, diminue les montants individuels attribués de façon importante. De plus, son versement, en une seule fois avec un décalage de un an, ne permet pas une réactivité suffisante. Quant au RSA « activité », qui concernait 700 000 foyers en 2012 (1,6 milliard d’euros), il n’a pas rempli ses promesses : résultat d’un phénomène de stigmatisation, de la complexité des modes de calcul et de la gestion administrative du dispositif, seul un tiers des bénéficiaires potentiels y recourt. Au final, le recoupement partiel des deux dispositifs et de leurs publics nuit à leur lisibilité, avec une dispersion des moyens engagés.

Une réforme de fond s’impose donc même s’« il serait illusoire d’espérer concevoir un dispositif “miracle” qui permettrait d’atteindre de multiples objectifs dans le même temps », prévient le député. Quatre scénarios ont néanmoins été mis sur la table, chacun présentant « des avantages et des inconvénients au regard des principes dégagés par le groupe de travail » en termes de conditions d’accès et de fonctionnement. Première piste : la fusion de la PPE et du RSA « activité » dans une PPE rénovée. Celle-ci présenterait l’avantage de l’automaticité de l’aide, mais ferait des perdants parmi les plus modestes et ne serait pas assez réactive. Deuxième piste : le maintien du RSA « activité » existant, en y intégrant la PPE. Plus réactive et mieux ciblée, cette mesure ne lèverait toutefois pas les obstacles actuels au non-recours. Une troisième option consiste en une exonération ciblée de cotisations sociales salariales. Ce qui comporterait des « risques sérieux », dont la prise en compte de cette aide de l’Etat dans les salaires à l’embauche et la communication aux employeurs d’informations personnelles sur leurs salariés.

Compenser les effets sur les « perdants »

La mission s’est finalement fondée sur un quatrième scénario – la fusion du RSA « activité » et de la PPE au sein d’une prestation liée aux revenus d’activité individuels –, qu’elle complète de « paramètres qui doivent compenser ses effets non souhaitables, notamment en termes de redistribution ». En effet, l’individualisation du dispositif ferait l’impasse sur les configurations familiales, ce qui poserait des problèmes d’équité et pénaliserait les familles monoparentales. Cette « prime d’activité » versée tous les mois par les caisses d’allocations familiales, à laquelle 7,3 millions de bénéficiaires seraient éligibles, serait donc ouverte à toute personne âgée d’au moins 18 ans exerçant une activité rémunérée, dont les revenus mensuels sont inférieurs à 1,2 SMIC, avec une prime maximale (215 €) à hauteur de 0,7 SMIC. Son fonctionnement reposerait sur une vérification annuelle de l’éligibilité du foyer (en fonction des revenus collectifs), sur le modèle des aides au logement. Une fois entré dans le dispositif, chaque adulte devrait renseigner trimestriellement une déclaration de ses revenus d’activité perçus au cours des trois derniers mois. Cependant, le montant versé au cours de la période pour laquelle les droits sont ouverts ne pourrait être revu ni à la baisse, ni à la hausse. Un système de « droits figés » qui aurait pour effet de résoudre une grande partie des « indus » versés pour le RSA « activité ».

Enveloppe constante ?

Pour compenser les effets de l’individualisation du dispositif, le rapport envisage l’intégration au barème de la « prime d’activité » d’une majoration tenant compte de la composition de la famille, sous la forme d’un « complément enfant ». Ou encore, par le biais des prestations familiales, la création d’une majoration de l’allocation de rentrée scolaire. « Si des travaux complémentaires pourront s’avérer nécessaires pour calibrer techniquement le dispositif, les simulations disponibles donnent l’assurance que l’économie générale de la réforme sera équilibrée », assure Christophe Sirugue. Des simulations qui respectent « la condition de l’enveloppe constante », souligne-t-il, tout en jugeant « très souhaitable » un renforcement de l’enveloppe budgétaire (3). Alors que la mission table sur un taux de recours de 60 % au bout de trois ans, elle estime que la réforme réduirait la pauvreté de 0,5 point si seulement la moitié des personnes éligibles demandaient la prime.

Répondre à l’urgence sociale impose, plaide Christophe Sirugue, d’inclure la réforme dans le projet de loi de finances pour 2014, conformément à ce que prévoyait le Premier ministre dans sa lettre de mission. Un délai néanmoins jugé trop court par la ministre déléguée à la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti. La conseillère générale des Bouches-du-Rhône estime la piste proposée « la mieux ciblée sur l’accompagnement des travailleurs aux revenus modestes », même si elle doit à ses yeux être « précisée, retravaillée » avant les arbitrages de l’exécutif. La réforme, sur laquelle les débats vont donc s’engager, ne devrait au final pas être mise en œuvre avant 2015.

Notes

(1) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.

(2) Disponible sur www.gouvernement.fr.

(3) Si elles saluent les propositions du rapport, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) et Emmaüs demandent également la hausse du budget consacré au dispositif, afin de tenir compte de la baisse espérée du non-recours. Faute de quoi la réforme aboutirait à « une redistribution des prestations entre allocataires ». Une revendication partagée par l’Uniopss, qui doute cependant de la pertinence du terme « prime d’activité », qu’elle juge trop stigmatisant. Le rapport propose d’ailleurs d’y réfléchir, en accord avec les bénéficiaires.

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