Le gouvernement s’était, jusqu’à présent, montré assez peu loquace sur ses intentions en matière de prévention de la délinquance. On en sait désormais plus après la mise en ligne d’un document présentant la nouvelle « stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017 » (1). Validée fin mai par Matignon, cette « stratégie nationale » succède au plan national élaboré par le précédent gouvernement et, « dans une logique de concentration des moyens et de ciblage sur les publics concernés », repose sur « trois programmes d’action ». Le premier vise les jeunes exposés à la délinquance. Le second concerne « la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales, et l’aide aux victimes ». Le troisième a pour objectif d’« améliorer la tranquillité publique ».
Les programmes seront financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) lequel sera « mobilisé quasi exclusivement » en leur direction. On notera à cet égard que la nouvelle stratégie marque une inversion des priorités du financement du FIPD par rapport au plan précédent. Alors que la vidéoprotection absorbait 58 % des crédits du fonds sur la période 2010-2012, elle ne correspond plus qu’à un tiers du FIPD. La priorité est ainsi désormais accordée à la prévention de la délinquance des jeunes et de la récidive, qui a vocation à concentrer près de la moitié du fonds. Le financement de l’aide aux victimes et de la lutte contre les violences intrafamiliales et faites aux femmes est, quant à lui, stabilisé à hauteur de 10 millions d’euros (soit près d’un cinquième du FIPD).
La nouvelle stratégie nationale sera déclinée dans les nouveaux plans départementaux de prévention de la délinquance, qui « entreront en vigueur avant la fin de l’année 2013 ».
Le premier programme se fonde sur « une approche ciblée, individualisée, tournée vers les publics jeunes particulièrement exposés à un premier passage à l’acte délinquant » ainsi que « vers ceux ayant déjà fait l’objet d’une ou plusieurs condamnations, pour éviter leur récidive ».
Il se fixe tout d’abord comme objectif de « prévenir le premier passage à l’acte délinquant ». Public visé : les « jeunes au comportement particulièrement perturbateur », jamais condamnés mais connus des services de police. Les actions proposées cibleront « l’éducation à la citoyenneté, le respect mutuel dans le sport tant chez les pratiquants que chez les supporters, la médiation dans le champ scolaire, l’amélioration des relations jeunes-police, la sensibilisation aux conséquences judiciaires des actes de délinquance ».
Des actions de remobilisation plus complètes devront surtout être développées à l’égard des jeunes perturbateurs en grave difficulté et nécessitant un soutien inscrit dans la durée : « parcours citoyen », chantiers éducatifs (proposant une expérience de travail en amont de l’insertion professionnelle encadrée par un éducateur référent), inscription dans une structure de type pôle d’accueil préventif, espace de socialisation ou plateforme de réinsertion…
Deuxième axe de ce programme : la prévention de la récidive. Pour les primo-délinquants, les actions à privilégier devront se déployer dans les champs de l’apprentissage de la citoyenneté, de la gestion du rapport à l’autorité ou encore de la réalisation de travaux de réparation. Pour les récidivistes, les actions devront avant tout être ciblées sur leur insertion sociale et professionnelle. Et notamment s’appuyer sur le développement du partenariat entre le service pénitentiaire d’insertion et de probation, la protection judiciaire de la jeunesse, les missions locales, les collectivités territoriales et le secteur associatif. D’autres actions « méritent » encore d’être « favorisées », indique le document. « Elles entrent dans les champs de l’accès au logement et aux soins, du maintien des relations sociales et familiales, du sport et de la culture dans le cadre de projets d’insertion globaux. »
Le deuxième programme prolonge et amplifie les dispositifs mis en œuvre par le précédent plan national, qui ont notamment permis le développement des bureaux d’aide aux victimes et de permanences d’aide aux victimes ainsi que la multiplication du nombre d’intervenants sociaux dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie (2). Une fiche thématique annexée au document détaille plusieurs types d’actions concrètes qui peuvent être envisagés.
Parce qu’il est « souvent constaté un enchevêtrement peu clair des interventions et un ancrage local insuffisant », le programme prévoit la constitution de groupes de travail et d’échanges d’informations opérationnels spécialement dédiés aux thématiques des violences intrafamiliales et faites aux femmes et de l’aide aux victimes. « Participeront à ces instances des représentants de la commune et/ou de l’intercommunalité, de la police ou de la gendarmerie, de la justice, les équipes territoriales aux droits des femmes et à l’égalité, les référents pour les femmes victimes de violences au sein du couple, les travailleurs sociaux du conseil général, les associations d’aide aux victimes et les intervenants sociaux en commissariat ou en gendarmerie, là où ces structures existent. » Les professionnels de santé pourront également y être associés.
Ces groupes auront notamment pour objectifs « d’articuler et de mutualiser les dispositifs en place ». En leur sein, les intervenants sociaux – dont le déploiement sera « poursuivi » – « auront un rôle renforcé dans le cadre de l’accompagnement aux victimes », indique le document, annonçant au passage une modification de la doctrine d’emploi de ceux intervenant dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie « afin de renforcer et compléter leurs missions en direction des auteurs d’actes de délinquance ».
Le troisième programme instaure des « schémas locaux de tranquillité publique », ciblant en particulier les territoires prioritaires (zones de sécurité prioritaires et quartiers retenus par la politique de la ville). Ils devront être élaborés dans le cadre des instances territoriales existantes et reposeront sur un « diagnostic partagé » (Etat, collectivités, bailleurs sociaux, transporteurs, associations, centres sociaux, commerçants…).
Chaque schéma détaillera les mesures prises en matière d’équipement en vidéoprotection et de médiation dans les espaces publics, à proximité des établissements scolaires et des logements (correspondants de nuit), ainsi que les actions de prévention spécialisée conduites par les départements. Les schémas devront également englober des « plans d’actions adaptés aux champs du logement social et des transports publics de voyageurs ».
(1) Disp. sur
(2) Dans le domaine des violences faites aux femmes, le programme décline en particulier les orientations du plan global pour la protection des femmes contre la violence arrêté par le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 – Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 10.