Dans le cadre de la préparation du projet de loi-cadre sur l’égalité entre les femmes et les hommes (1), la ministre des Droits des femmes avait demandé à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) de se pencher sur la question des mariages forcés notamment. Celle-ci lui a remis son avis le 8 juillet (2), à l’occasion d’une rencontre ministérielle consacrée aux droits des femmes étrangères en France, à la lutte contre le mariage forcé et à la lutte contre l’excision (3).
« Malgré [une] jurisprudence protectrice de leurs droits, le droit français ne parvient pas, aujourd’hui, de facto à garantir aux femmes étrangères le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes, constate la CNCDH. Tout simplement parce que les femmes, peu au fait de leurs droits, ne saisissent pas les juridictions pour les faire reconnaître. » Un constat, qui, pour elle, « renvoie à la question plus générale, récurrente et cruciale de l’accès au droit » et qui, bien souvent, se pose en matière de mariage. Par exemple, illustre la commission, dans certains droits étrangers, un simple consentement formel au mariage suffit. Il n’est pas nécessaire de prouver l’intention matrimoniale. Afin de protéger les femmes des mariages forcés, la CNCDH propose donc d’« insérer dans le code civil [français] une règle matérielle qui exigerait que l’intention matrimoniale soit une condition de validité du mariage ». La CNCDH suggère aussi de « créer une incrimination qui permette de sanctionner les parents qui résident en France et qui envoient leur fille dans l’Etat d’origine afin qu’elle se marie ». Une suggestion qui devrait bientôt se concrétiser puisqu’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France – en cours d’examen au Parlement – punit ces agissements de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Afin de prévenir et de rendre nuls les mariages forcés, la CNCDH recommande que les magistrats puissent utiliser l’ordonnance de protection pour empêcher de sortir du territoire une femme qui craindrait d’être mariée de force à l’étranger. Elle préconise également la création d’un fichier national afin de centraliser toutes les demandes de mariage suspectes.
Autre proposition de la commission : « permettre le retour en France des femmes étrangères qui ont leur résidence habituelle en France et qui ont été victimes de mariage forcé dans leur pays d’origine en délivrant des visas de retour ».
(1) Sur le projet de loi-cadre, voir ASH n° 2817 du 5-07-13, p. 5.
(2) Avis relatif aux mariages forcés, aux répudiations, à la polygamie et aux successions inégalitaires – Disponible sur
(3) La CNCDH doit rendre un avis spécifique sur la lutte contre l’excision en janvier 2014.