C’est la grande loi-cadre promise depuis des mois par la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement. Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dit « ALUR »), présenté le 26 juin dernier par Cécile Duflot en conseil des ministres, illustre la volonté du gouvernement d’agir sur plusieurs leviers pour faire face à la crise du logement (sur les réactions des acteurs de terrain, voir ce numéro, page 20). L’ambition de ce texte, affichée dans l’exposé des motifs, est de « mettre en œuvre une stratégie globale, cohérente et de grande ampleur destinée à réguler les dysfonctionnements du marché [immobilier], à protéger les propriétaires et les locataires » et, à travers son volet urbanisme, « à permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires ».
Le volet logement se taille la part du lion dans ce projet de loi volumineux de 84 articles et 243 pages. Il comprend des mesures visant à « réguler les excès du parc privé » et touchant, au premier chef, les propriétaires bailleurs et les agences immobilières. Avec notamment, parmi elles, les deux plus symboliques : la création d’un nouveau mécanisme d’encadrement des loyers dans les zones tendues et la définition du cadre de la future garantie universelle des loyers, censée rassurer les bailleurs contre le risque d’impayés.
Comme annoncé, le texte pose également les premiers jalons de la réforme du système d’attribution des logements sociaux à travers la simplification de la demande et la consécration du droit à l’information des demandeurs.
Un pan du projet de loi est encore consacré à l’amélioration du parc existant, avec en particulier des mesures ciblant les marchands de sommeil ou bien encore à enrayer le phénomène des copropriétés dégradées. Le texte propose par ailleurs d’introduire une trentaine d’articles dans le code de la construction et de l’habitation afin de mettre en place un cadre juridique pour l’habitat participatif qui, pour Cécile Duflot, « représente une alternative viable entre le logement individuel et le logement collectif ».
Au-delà de toutes ces mesures, deux chapitres du projet de loi en particulier intéressent directement les acteurs de l’insertion par le logement. Le premier vise à « faciliter les parcours de l’hébergement au logement », avec au menu des évolutions législatives concernant tant les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) que le droit au logement opposable (DALO) ou les règles de domiciliation des personnes sans domicile. Le second à renforcer les dispositifs de prévention des expulsions locatives. Coup de projecteur sur ces dispositions, qui concrétisent des engagements pris par le gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013 (1).
Le projet de loi entend notamment renforcer les outils de régulation et de gouvernance qui régissent le secteur de l’hébergement. Il consacre ainsi juridiquement les SIAO, acteurs centraux du rapprochement de l’offre et de la demande d’hébergement et de logement.
Il propose également d’élargir le champ de compétence des comités régionaux de l’habitat et de fusionner les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PDAHI) avec les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD).
Il prévoit par ailleurs de développer la participation des personnes prises en charge à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation de la politique d’hébergement, d’améliorer les dispositifs relatifs au DALO et de simplifier les règles de domiciliation.
Créé par une circulaire du 8 avril 2010, le SIAO « ne dispose pas à ce jour d’un cadre juridique adapté à l’affirmation de son rôle et à l’accomplissement de ses missions », explique l’exposé des motifs. Le projet de loi propose donc de créer ce cadre juridique « afin de renforcer sa légitimité et d’améliorer son action ». L’objectif, c’est que le SIAO devienne ainsi l’instance de coordination départementale incontournable en matière d’hébergement et de logement des personnes sans domicile.
Concrètement, le texte pose le principe de l’existence, dans chaque département, d’un SIAO exerçant ses missions sous l’autorité du préfet et dans le cadre d’une convention entre l’Etat et une personne morale.
Un SIAO a pour objectifs de garantir un traitement équitable des demandes d’hébergement et de logement formées par les personnes ou familles sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières, en raison de l’inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence, pour accéder par leurs propres moyens à un logement, indique le projet de loi. Il doit également « améliorer la fluidité entre l’hébergement et le logement » ainsi que, ajoute l’exposé des motifs, « la connaissance des personnes et de leurs besoins ».
Le projet de loi énumère toutes les missions assignées aux SIAO :
→ recenser toutes les places d’hébergement, les logements en résidences sociales ainsi que les logements des organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative ;
→ gérer le service d’appel téléphonique d’urgence dénommé « 115 » ;
→ veiller à la réalisation d’une évaluation sociale, médicale et psychique des personnes sans domicile ou éprouvant des difficultés à se loger en raison de leurs ressources, traiter équitablement leurs demandes et leur faire des propositions d’orientation adaptées à leurs besoins transmises aux organismes susceptibles d’y satisfaire ;
→ suivre le parcours des personnes ou familles prises en charge, jusqu’à la stabilisation de leur situation ;
→ contribuer à l’identification des personnes prêtes à accéder à un logement, si besoin avec un accompagnement ;
→ assurer la coordination des personnes concourant au dispositif de veille sociale ;
→ produire les données statistiques d’activité, de suivi et de pilotage du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ;
→ participer à l’observation sociale.
Selon le projet de texte, la convention signée avec l’Etat comporte notamment :
→ les engagements de la personne morale gérant le SIAO en matière d’objectifs et d’information du représentant de l’Etat et de coopération avec les services intégrés d’accueil et d’orientation d’autres départements ;
→ les modalités de suivi de l’activité du service ;
→ les modalités de participation à la gouvernance du service des personnes prises en charge ou ayant été prises en charge dans le cadre du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ;
→ le cas échéant, les modalités d’organisation spécifiques du service eu égard aux caractéristiques et contraintes particulières propres au département ;
→ les financements accordés par l’Etat.
Pour assurer ses missions, le SIAO peut également conclure des conventions avec un certain nombre d’acteurs locaux, publics et privés :
→ ceux assurant l’accueil, l’hébergement et le logement des personnes sans domicile (acteurs du dispositif de veille sociale, personnes morales assurant une mission d’hébergement et les missions d’accueil, d’évaluation sociale et d’accès aux droits, organismes exerçant des activités d’intermédiation locative, résidences sociales et résidences hôtelières à vocation sociale) ;
→ les bailleurs sociaux ;
→ les dispositifs spécialisés d’hébergement et d’accompagnement (dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, service pénitentiaire d’insertion et de probation) ;
→ les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ;
→ les agences régionales de santé, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux.
Le projet de loi indique que, lorsqu’elles bénéficient d’un financement de l’Etat, les personnes morales assurant un hébergement – « y compris celles gérant des places financées par l’allocation de logement temporaire », indique l’exposé des motifs – et les pensions de famille financées par l’Etat ont pour obligation de :
→ mettre à disposition du SIAO leurs places d’hébergement et de l’informer de toutes les places vacantes ou susceptibles de l’être ;
→ mettre en oeuvre les propositions d’orientation du SIAO et, si elles refusent l’admission proposée, en informer le service en justifiant les motifs retenus.
(A noter) Afin de tenir compte des règles spécifiques du code de la construction et de l’habitation qui les régissent, le projet de loi aménage les obligations des personnes morales gérant des places de logement accompagné, à l’exception des pensions de famille, financées par l’Etat. Ces personnes doivent ainsi informer le SIAO de leurs places vacantes ou susceptibles de l’être. Elles doivent également examiner les propositions d’orientations faites par le service et les mettre en œuvre selon les procédures qui leur sont propres.
La mise en place souple des SIAO a conduit, dans un certain nombre de départements, à des organisations « très hétérogènes », indique le ministère du Logement dans le dossier de presse de présentation du texte. L’idée est donc, avec le projet de loi, de converger vers une organisation commune à l’ensemble des départements qui prend la forme d’un SIAO unique couvrant l’urgence et l’insertion, « ce qui permettra un pilotage unifié et une plus grande fluidité entre l’urgence et l’insertion ». « Afin de tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières de chaque département », le SIAO « peut être organisé en antennes infra-départementales, sous l’égide d’une structure départementale unique », précise l’exposé des motifs.
(A noter) Le projet de loi prévoit qu’une coordination régionale des SIAO est organisée par le préfet de région.
Plusieurs mesures du projet de loi ont pour objectif de renforcer la gouvernance au niveau régional et l’articulation logement/hébergement.
Le texte propose en premier lieu d’étendre les attributions du comité régional de l’habitat (CRH) au domaine de l’hébergement, pour l’associer à la concertation des partenaires positionnés dans le champ de l’hébergement. « Les dispositions actuelles [se limitent] à une consultation préalable des membres du CRH avant approbation d’un plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées qui, depuis la loi du 25 mars 2009 [inclut] le plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion », explique l’exposé des motifs. Etendu à l’hébergement, le CRH deviendrait ainsi comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH).
Le projet de loi prévoit par ailleurs de procéder à la fusion du plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PDAHI) avec le plan départemental pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), pour devenir le « plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées » (PDALHPD). L’idée étant, avec cette fusion, « d’assurer dans les territoires, la cohérence des réponses en matière de logement et d’hébergement et de faciliter les parcours de l’hébergement vers le logement ». « En effet », explique l’exposé des motifs, comme « la loi du 25 mars 2009 [a] acté l’obligation d’inclure le PDAHI dans le PDALPD, sans toutefois supprimer la distinction entre les deux plans », il en résulte « des difficultés dans le pilotage et les modes de production de ces deux documents ». Ce nouveau plan aurait ainsi pour fonction de « définir, de manière territorialisée, les mesures destinées à répondre aux besoins en logement et en hébergement des personnes prises en charge par le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ».
Le comité chargé de la mise en œuvre du PDALHPD resterait co-présidé par le préfet et le président du conseil général. Ces nouveaux plans – d’une durée maximale de 6 ans – devraient être élaborés, au plus tard, dans les 3 ans suivant la promulgation de la loi.
Plus globalement, plusieurs dispositions de la loi « Besson » du 31 mai 1990 relatives au PDALHPD devraient être réécrites « pour intégrer de façon cohérente et lisible les dispositions relatives au secteur de l’accueil, de l’hébergement, de l’accompagnement vers l’insertion et le logement », résume l’exposé des motifs.
Le projet de loi précise également les modalités de fonctionnement des fonds de solidarité pour le logement (FSL). L’article 6 de la loi « Besson » devrait ainsi être modifié afin que les règlements intérieurs des FSL prévoient plus systématiquement des aides au titre des dettes de loyer et de facture d’énergie, d’eau et de téléphone, y compris dans le cadre de l’accès à un nouveau logement.
En outre, une précision est apportée s’agissant des mesures d’accompagnement social que le FSL peut prendre en charge. Rappelons en effet que le fonds peut prendre en charge des mesures d’accompagnement social individuelles ou collectives lorsqu’elles sont nécessaires à l’installation ou au maintien dans un logement des personnes et des familles bénéficiant du plan départemental, qu’elles soient locataires, sous-locataires, propriétaires de leur logement ou à la recherche d’un logement. Le projet de texte propose d’ajouter dans la loi que ces mesures d’accompagnement « comprennent notamment l’accompagnement des ménages dans la recherche d’un logement et les diagnostics sociaux menés sur les ménages menacés d’expulsion ».
Enfin, l’article 6 de la loi « Besson » devrait aussi être légèrement modifié pour renforcer la capacité des FSL à soutenir les associations, les centres communaux et intercommunaux d’action sociale et les autres organismes qui pratiquent l’intermédiation locative à travers une aide au supplément de dépenses de gestion.
Après 6 ans d’application du droit au logement opposable, le gouvernement estime nécessaire « de prendre certaines dispositions pour renforcer son effectivité ». Le projet de loi prévoit ainsi de permettre aux préfets de proposer des logements sociaux en bail glissant à des ménages bénéficiant du DALO.
Il propose également de donner au préfet la possibilité de faire appel au SIAO pour orienter un bénéficiaire du DALO vers une structure d’hébergement ou un gestionnaire de logements de transition, logements-foyers ou résidences hôtelières à vocation sociale.
Enfin, il prévoit la possibilité pour la commission de médiation « DALO » de requalifier un « recours hébergement » en « recours logement ».
Le bail glissant a vocation à permettre l’accès des ménages en difficulté au statut de locataire en titre au terme du bail glissant, après une première période durant laquelle le ménage est sous-locataire du logement. Un ménage qui connaît des difficultés particulières peut ainsi être, non pas accompagné vers le logement, mais accompagné vers le statut de locataire, ce qui deviendra effectif dès lors qu’il aura acquis la capacité à assumer les obligations résultant d’un bail à son nom. Actuellement, le code de la construction et de l’habitation ne prévoit pas la possibilité pour le préfet de proposer ce type de dispositif aux demandeurs reconnus prioritaires et à loger en urgence par la commission de médiation. Il peut pourtant « s’avérer pertinent pour ce type de public », indique l’exposé des motifs. Le projet de loi propose en conséquence de modifier le code afin de permettre au préfet, dans le cadre de son obligation de relogement d’un demandeur prioritaire, de proposer un logement social en bail glissant à des ménages bénéficiant du DALO.
Au passage, il prévoit d’encadrer davantage ce dispositif. Aujourd’hui, explique l’exposé des motifs, le dispositif du bail glissant est utilisé sans être suffisamment encadré par les textes, le code de la construction et de l’habitation se limitant à prévoir un examen périodique de la situation du sous-locataire destiné à évaluer sa capacité à assumer les obligations résultant d’un bail à son nom. Aussi le projet de loi prévoit-il de l’encadrer davantage, d’une part, en précisant les engagements que doit prendre le sous-locataire, d’autre part, en fixant les conditions qui permettent la sortie du bail glissant au profit du sous-locataire.
Actuellement, lorsqu’un demandeur d’hébergement, de logement de transition, de logement foyer ou de résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS) est déclaré prioritaire par la commission de médiation, le préfet doit « proposer » un accueil dans l’une de ces formules. En pratique, il oriente la personne vers un gestionnaire de structures d’hébergement en vue de son hébergement ou à un gestionnaire de logements de transition ou de logements-foyers ou de résidences hôtelières à vocation sociale en vue de son relogement, sans que le caractère obligatoire de l’accueil de la personne figure dans la loi.
Le projet de texte propose de permettre au préfet de désigner les personnes bénéficiant d’une décision favorable au titre du DALO en vue d’un hébergement (ou de l’une des autres formules prévues par la loi) au SIAO, afin que celui-ci les oriente vers une structure d’hébergement ou un gestionnaire de logements de transition, logements-foyers ou RHVS disposant de places ou de logements pouvant répondre à leurs besoins.
« La mesure tend à améliorer l’efficacité de la procédure et à clarifier les obligations qui résultent de la reconnaissance du DALO, ainsi qu’à donner au préfet des pouvoirs analogues à ceux qu’il détient vis-à-vis des bailleurs sociaux pour les bénéficiaires du DALO logement », explique l’exposé des motifs.
Le projet de loi prévoit de donner aux commissions de médiation le pouvoir de requalifier un recours destiné à obtenir un hébergement, un logement de transition ou un logement dans logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale en recours en vue de l’obtention d’un logement ordinaire. « Aujourd’hui, explique l’exposé des motifs, lorsqu’un demandeur d’hébergement dépose un recours devant la commission de médiation afin de se voir reconnaître une priorité pour l’accès à un hébergement, un logement de transition ou un logement dans un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, la commission est liée par l’objet de la saisine. »
« Pourtant, la situation de certains demandeurs justifierait la reconnaissance d’une priorité pour un logement plutôt que pour un hébergement (ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale). » Or, à l’heure actuelle, le demandeur n’a que la possibilité de saisir à nouveau la commission de médiation, afin de faire reconnaître son droit au logement. Une procédure jugée « chronophage » et qui place la commission de médiation qui requalifierait aujourd’hui d’elle-même un recours « dans une situation d’insécurité juridique ». Le projet de loi propose donc de permettre à la commission de médiation d’opérer une telle requalification de la saisine, lorsque le dossier le justifie et que le requérant remplit les conditions de reconnaissance du DALO stricto sensu. L’idée étant, in fine, de rendre la procédure plus fluide.
Dans le prolongement de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, qui a initié l’association des personnes prises en charge aux projets des établissements sociaux et médico-sociaux autorisés en créant les conseils de vie sociale, le projet de loi « ALUR » étend la participation des personnes à l’ensemble du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile.
Concrètement, il pose, en premier lieu, le principe de la participation des personnes accueillies ou ayant été prises en charge à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile. Renvoyant toutefois le soin à un décret de préciser les instances de concertation retenues pour assurer cette participation ainsi que les modalités d’organisation de ces instances. « Il s’agira de prévoir cette participation au niveau national comme au niveau local, et de s’appuyer sur les outils existants », indique l’exposé des motifs.
Le texte étend par ailleurs les règles de participation existantes dans les établissements sociaux et médico-sociaux autorisés aux structures du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ne relevant pas du régime de ces établissements.
Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a prévu que des mesures de simplification des procédures de domiciliation seraient mises en œuvre en 2013. « Cette simplification est attendue tant pour les bénéficiaires que pour les structures qui leur viennent en aide (centres communaux d’action sociale, associations…) », explique l’exposé des motifs. Car les règles relatives à la domiciliation des personnes sans domicile stable sont diverses : domiciliation de droit commun, domiciliation des demandeurs d’asile, domiciliation liée à la commune de rattachement des gens du voyage, domiciliation dans le cadre de l’aide médicale de l’Etat (AME).
Le projet de loi propose en conséquence d’aligner sur les règles de droit commun – définies à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) – les dispositions relatives aux bénéficiaires de l’AME ainsi que celles relatives aux demandeurs d’asile. Au passage, il aligne l’exercice des droits civils sur le droit commun.
En clair, la nouvelle formulation proposée de l’article L. 264-1 du CASF est la suivante : « pour prétendre au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles » – dont l’AME, donc (première nouveauté) –, « à l’exercice des droits civils » (deuxième nouveauté), « à l’admission au séjour au titre de l’asile » (troisième nouveauté), « ainsi qu’à la délivrance d’un titre national d’identité, à l’inscription sur les listes électorales ou à l’aide juridique, les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet ».
Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a identifié deux axes d’amélioration de la prévention des expulsions locatives. Il s’agit, d’une part, de traiter les impayés le plus en amont possible et, d’autre part, de renforcer le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) et d’assurer une meilleure articulation avec les fonds de solidarité pour le logement. Le projet de loi « ALUR » propose plusieurs évolutions législatives pour répondre à ces objectifs.
Le projet de loi prévoit l’obligation, pour les bailleurs personnes morales (hors sociétés civiles immobilières familiales) confrontés à des impayés de loyers de saisir la CCAPEX pour signaler ces impayés au moins deux mois avant de délivrer une « assignation aux fins de constat de résiliation du bail », sous peine d’irrecevabilité de celle-ci. « Cette disposition, déjà à l’œuvre pour les locataires du parc social bénéficiant d’allocations logement, doit permettre d’accompagner le ménage au plus tôt et d’éviter que sa dette de loyer augmente », explique le ministère du Logement.
Le texte complète par ailleurs les mentions obligatoires que doivent faire apparaître les commandements de payer, proposant que ceux-ci indiquent la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement.
Enfin, il prévoit de désigner la CCAPEX parmi les instances pouvant transmettre au juge le diagnostic social et financier prévu au stade de l’assignation. La CCAPEX serait également destinataire de ce diagnostic s’il n’a pas été produit par elle.
Le projet de loi crée un nouvel article dans la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement afin de préciser et de renforcer le rôle des CCAPEX.
La disposition proposée définit ainsi leur double mission d’instances de coordination, d’évaluation et de pilotage du dispositif départemental de prévention des expulsions locatives, d’une part, et d’instances d’examen des situations individuelles, d’autre part.
Le texte précise par ailleurs les conditions de leur saisine. Enfin, « afin de faciliter et sécuriser les échanges d’information », il prévoit que les membres de la commission et les personnes chargées de l’instruction soient soumises au secret professionnel.
Le projet de texte propose d’inscrire dans la loi les missions des CCAPEX. A savoir :
→ coordonner, évaluer et orienter le dispositif de prévention des expulsions locatives défini par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et la charte pour la prévention des expulsions (voir ci-dessous) ;
→ délivrer des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion.
Pour l’exercice de cette deuxième mission, précise le texte, la CCAPEX est informée par le préfet des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux qui lui ont été signalées.
Selon le projet de loi, la commission émet également des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions, et d’accompagnement social lié au logement suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention des expulsions locatives. Elle doit par ailleurs être informée par le préfet de toute demande de concours de la force publique en vue de procéder à une expulsion.
La CCAPEX « peut être saisie par un de ses membres, par le bailleur, par le locataire, et par toute institution ou personne y ayant intérêt ou vocation », indique le projet de loi. Elle est par ailleurs alertée :
→ par la commission de médiation « DALO », pour tout recours amiable fondé sur le motif de la menace d’expulsion sans relogement ;
→ par les organismes payeurs des aides au logement, en vue de prévenir leurs éventuelles suspensions par une mobilisation coordonnée des outils de prévention ;
→ par le fonds de solidarité pour le logement lorsque son aide ne pourrait pas à elle seule permettre le maintien dans les lieux ou le relogement du locataire.
Le projet de loi prévoit que les membres de la CCAPEX et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article 226-13 du code pénal. Un article qui, rappelons-le, punit de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ».
Par dérogation aux dispositions de ce même article, les professionnels de l’action sociale et médico-sociale doivent fournir aux services instructeurs de la commission les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion dont il fait l’objet.
Afin de renforcer la coordination départementale des actions de prévention des expulsions, le projet de loi réaffirme le rôle des « chartes pour la prévention de l’expulsion » créées par la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, tout en en précisant leurs modalités d’adoption et d’évaluation.
Le texte indique ainsi qu’une charte pour la prévention de l’expulsion doit être élaborée dans chaque département avec l’ensemble des partenaires concernés, « afin d’organiser le traitement coordonné des situations d’expulsions locatives ». Cette charte, indique-t-il, est approuvée par le comité responsable du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et fait l’objet d’une évaluation annuelle devant ce même comité, ainsi que devant la CCAPEX.
SIAO. Le projet de loi donne un statut législatif aux services intégrés d’accueil et d’orientation, acteurs centraux du rapprochement de l’offre et de la demande d’hébergement et de logement.
DALO. Les préfets devraient pouvoir proposer des logements sociaux en bail glissant à des ménages bénéficiant du droit au logement opposable.
Domiciliation. Les règles de domiciliation des personnes sans domicile stable sont simplifiées avec l’alignement des dispositions relatives aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat et de celles relatives aux demandeurs d’asile sur le droit commun.
Impayés de loyers. Le projet de loi crée une obligation pour les bailleurs de saisir la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives au moins 2 mois avant l’assignation du locataire défaillant.
Les travaux conduits au cours du processus de concertation sur les attributions de logements sociaux – qui s’est achevé le 22 mai dernier avec la présentation d’une trentaine de propositions (2) – portent leurs premiers fruits avec deux mesures du projet de loi « ALUR ».
La première pose le principe d’un droit à l’information pour toute personne susceptible de demander un logement social et pour tout demandeur de logement social. Pour la personne qui envisage de présenter une demande, il s’agirait d’une information sur les modalités de dépôt de la demande, sur les pièces justificatives qui peuvent être exigées, sur les caractéristiques du parc social et le niveau de satisfaction des demandes exprimées sur le territoire qui l’intéresse. Le demandeur de logement social aurait, quant à lui, droit à une information sur les données le concernant qui figurent dans le système national d’enregistrement et sur l’état d’avancement de sa demande.
Le projet de loi propose également une mesure visant à simplifier l’enregistrement de la demande de logement social. Il ouvre ainsi la possibilité pour les demandeurs de s’enregistrer directement dans le système national d’enregistrement par voie électronique et instaure le dossier unique de demande en permettant au demandeur de ne déposer qu’en un seul exemplaire les pièces justificatives associées à sa demande.
Après la publication, l’été dernier, d’un décret relatif à l’encadrement des loyers, qui ne visait qu’à répondre à l’urgence en limitant les hausses excessives (3), le projet de loi « ALUR » entend créer un dispositif plus ambitieux, dans certaines zones tendues dotées d’un observatoire des loyers. Selon le ministère du Logement, le nouveau mécanisme concernera 28 agglomérations de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements et soumises à ce titre à la taxe sur les logements vacants. Grâce aux données produites par les observatoires, un arrêté préfectoral fixerait chaque année, pour les territoires concernés et pour chaque catégorie de logement, un loyer médian de référence, un loyer médian de référence majoré et un loyer médian de référence minoré. S’agissant du renouvellement d’un bail en cours, un locataire avec un loyer au-dessus du loyer majoré pourrait introduire un recours en diminution auprès de la commission départementale de conciliation. En cas de loyer inférieur au loyer minoré, c’est le propriétaire qui pourrait introduire un recours en réévaluation. Pour les nouveaux contrats de bail, le loyer hors charges fixé dans le contrat pour les nouvelles locations ne pourrait excéder le loyer médian de référence majoré, correspondant aux caractéristiques du logement (surface et quartier). En deçà de ce plafond, le loyer serait fixé librement par les parties.
Cécile Duflot l’a dit à plusieurs reprises au cours des derniers mois : elle souhaite mettre en place un mécanisme de sécurisation des rapports locatifs généralisé. A cet égard, la garantie des risques locatifs (4) constituait à ses yeux « une première étape qui a ouvert la voie ». Mais elle souhaite aller plus loin aujourd’hui avec le projet de loi « ALUR ». Le texte pose ainsi les bases de la future « garantie universelle des loyers » (GUL) que le gouvernement entend mettre en place au plus tard le 1er janvier 2016 sur l’ensemble du parc privé (meublés compris), au bénéfice de tous les locataires et de tous les propriétaires bailleurs (personnes physiques ou morales). Le dispositif, explique l’exposé des motifs, « permettra d’indemniser les impayés de loyers de l’ensemble des bailleurs du parc locatif privé […], afin de sécuriser les relations entre bailleurs et locataires via une large mutualisation des risques, d’encourager la mise en location de logements vacants, de lutter contre les pratiques parfois excessives de sélection à l’entrée des logements locatifs, et de favoriser l’accès au logement locatif des populations fragiles ». Concrètement, « afin de préfigurer et mettre en place le dispositif de garantie », le projet de loi crée un nouvel établissement public administratif de l’Etat – l’Agence de la garantie universelle des loyers – qui sera chargé de mettre en place et d’administrer la GUL. Il lui reviendrait aussi de définir les modalités d’organisation de l’accompagnement social des ménages en impayés de loyers.