Mettre en place un « panier de soins solidaire » pris en charge à quasiment 100 % et « accessible à tous sans barrière financière ». Tel est la préconisation phare émise par le Conseil d’analyse économique (CAE) dans une note présentée le 2 juillet aux services du Premier ministre (1), à l’heure où, rappelons-le, s’élaborent les grandes orientations de la future stratégie nationale de santé (2) et où le gouvernement prépare une loi de santé publique. Comme d’autres instances avant lui, le CAE relève que, « avec une dépense de santé plus élevée que dans nombre de pays développés, les performances françaises en matière de santé sont plutôt bonnes, mais avec des inégalités sociales de santé particulièrement marquées ». Aussi propose-t-il « trois voies de refonte » pour améliorer l’efficacité du système de santé dans son ensemble.
La première de ses propositions consiste donc en la définition d’un panier de soins solidaire pris en charge par la collectivité. Ce panier regrouperait l’ensemble des produits de santé et des actes curatifs ou préventifs, pratiqués en médecine ambulatoire ou à l’hôpital, jugés utiles et qui bénéficieraient donc d’une prise en charge financière pour des indications clairement identifiées. Pour le CAE, le principe retenu est « simple : si un soin est utile, il faut le prendre en charge intégralement ; s’il ne l’est pas, il ne faut pas le rembourser ». Le périmètre du panier de soins serait donc « défini et actualisé de façon systématique et transparente sur la base d’un classement des traitements disponibles selon leurs gains respectifs rapportés à leurs coûts ». Le panier de soins serait ajusté au budget consacré aux dépenses de soins décidé en amont et les pouvoirs publics ne pourraient plus utiliser la réduction du taux de remboursement comme outil de régulation budgétaire. Les traitements extérieurs au panier n’auraient pas vocation à être pris en charge, même partiellement, par la collectivité et seraient « laissés à d’éventuelles assurances supplémentaires ».
Pour la mise en œuvre du panier de soins, le Conseil d’analyse économique estime que trois organisations différentes sont possibles : un système national de soins, comme au Royaume-Uni ou en Norvège ; une assurance-maladie universelle couvrant l’intégralité du panier de soins ; un système combinant sécurité sociale et complémentaires obligatoires. « Cette troisième option, la plus proche du système français actuel, nécessiterait une évolution profonde, puisque l’accessibilité pour tous impose de rendre obligatoire l’adhésion à une assurance complémentaire couvrant la part du coût du panier de soins solidaire non prise en charge par l’assurance maladie publique », explique le CAE.
En deuxième lieu, « afin d’allouer la dépense en fonction des besoins et d’améliorer l’efficacité des parcours de soins », le Conseil d’analyse économique estime nécessaire de doter les agences régionales de santé (ARS) d’une enveloppe financière globale, basée sur les besoins estimés des populations dont elles ont la charge. Les ARS auraient la faculté de répartir au mieux cette enveloppe entre la médecine ambulatoire, l’hôpital et le médico-social. Elles auraient aussi la maîtrise des conventionnements et des modalités de rémunération des professionnels de santé. Objectif : rompre avec la situation actuelle, où les remboursements de la sécurité sociale entérinent a posteriori « la surconsommation associée à de la demande induite dans les régions surdotées en médecins, et la sous-consommation due à des difficultés d’accès aux soins dans les régions sous-dotées. D’une allocation des moyens fondée sur la consommation, on passerait à une allocation fondée sur les besoins », explique le CAE.
Selon l’instance, les technologies numériques, « désormais matures », permettent de constituer « des outils puissants et sûrs au service de la performance du système de soins ». Elle demande donc de faire de façon urgente les investissements nécessaires pour convaincre tous les acteurs du système de santé d’adopter le dossier médical personnel qui, bien que relancé en 2010, n’a été ouvert que pour 300 000 personnes environ, « avec des informations très lacunaires ». Le CAE prône aussi une diffusion publique de l’information sur la qualité des soins dispensés par les établissements hospitaliers, les maisons de santé ou les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes afin notamment d’orienter les patients. En effet, selon lui, « le défaut d’information constitue souvent, bien plus que la barrière financière, un facteur d’inégalités ».
(1) Pour un système de santé plus efficace – Note n° 8 – Juillet 2013 – Disp. sur