« ça ne se fera plus sans nous. » C’est ce que clament Marie-Hélène Bacqué, professeure de sociologie et d’urbanisme à l’université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, et Mohamed Mechmache, président du collectif AC Le Feu, dès le titre du rapport sur la participation des habitants dans la politique de la ville qu’ils ont rendu le 8 juillet à François Lamy (1).
Ce travail était une commande du ministre délégué chargé de la ville. Souhaitant associer les habitants au développement de leurs quartiers et au processus de décision qui doit, au final, aboutir à une loi refondant la politique de la ville, François Lamy leur avait demandé d’inventer des « outils » pour créer « une concertation permanente ». Dans le cadre de leur mission, Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache ont auditionné plus de 300 personnes, puis organisé une conférence citoyenne, les 29 et 30 juin dernier, réunissant une centaine de responsables associatifs, élus, militants et chercheurs.
Parmi les 30 propositions dégagées par les auteurs, plusieurs ont d’ores et déjà reçu un écho positif de la part de François Lamy. Ainsi en est-il de la proposition de créer des lieux de concertation – le rapport parle d’« espaces citoyens » – reconnus et soutenus par la puissance publique : des tables locales de concertation ou « tables de quartiers », d’une part, et une plateforme associative nationale, d’autre part. Les « tables de quartiers » réuniraient les associations et les collectifs organisés à l’échelle du quartier. Elles auraient à charge « la coordination et la transversalité de l’action associative » et pourraient « nourrir la discussion et la représentation citoyenne des groupes de pilotage ». Elles permettraient également de « mobiliser les acteurs associatifs, de faciliter la discussion entre différents segments du milieu associatif, de développer des actions et un projet commun ». Elles seraient financées par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances dans le cadre des contrats de ville, financement qui permettrait le recrutement d’un coordinateur ou développeur rattaché à l’une des structures qui composent la table. François Lamy en a d’ores et déjà repris l’idée, annonçant qu’il en proposera l’expérimentation « dès la rentrée » dans les 12 sites expérimentaux des contrats de ville.
La plateforme associative nationale serait quant à elle composée de collectifs et des représentants associatifs qui agissent dans les quartiers. Il s’agirait d’une « plateforme d’échanges d’expériences entre associations et collectifs citoyens favorisant la diffusion des pratiques innovantes en France et à l’étranger et la formation des acteurs associatifs ». Elle participerait en particulier à l’évaluation de la politique de la ville pour y intégrer le point de vue des habitants. Là encore, le ministre a bien accueilli la proposition, s’engageant à soutenir le projet de création d’une telle plateforme (2).
Autre proposition phare du rapport Bacqué-Mechmache : la création d’un « fonds de dotation pour la démocratie d’interpellation citoyenne », dont le financement représenterait « 1 % prélevé sur le financement public des partis politiques et 10 % sur les réserves parlementaires ». Géré par une « autorité administrative indépendante », composée pour au moins un tiers de responsables associatifs, ce fonds pourrait « financer toute initiative citoyenne contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun (et non sur la base d’intérêt d’un groupe), posés à l’échelle locale comme nationale ». François Lamy a salué une « idée nouvelle et très intéressante », qui a l’« avantage de ne pas créer de financement supplémentaire », mais a précisé qu’il fallait l’« expertiser ». « Je ne rejette pas l’idée a priori mais elle ne dépend pas que de moi », a-t-il précisé lors de la remise de ce rapport.
« A l’automne », a-t-il encore indiqué dans un communiqué, « un point d’étape sera fait avec toutes les personnes qui ont participé au rapport et à la conférence citoyenne ». Et, a-t-il promis, « un rendez-vous annuel sera mis en place sous forme de “conférence citoyenne” ».
(1) Rapport disp. sur
(2) Le collectif « Pouvoir d’Agir », qui dit partager l’analyse et les propositions du rapport, a indiqué de son côté, dans un communiqué du 8 juillet, qu’il proposait aux acteurs réunis lors de la conférence citoyenne ainsi que, plus largement, à « tous ceux qui agissent dans les quartiers populaires », de fonder à la fin du mois de septembre les bases de la plateforme.