Le troisième plan « Alzheimer » 2008-2012 était un plan « ambitieux, bien conçu » et doté d’un financement « à la hauteur » des enjeux, selon le rapport d’évaluation remis le 26 juin dernier aux ministres chargées de la santé, des personnes âgées et de la recherche (1). Mais ses auteurs, les professeurs Joël Ankri et Christine Van Broeckhoven, jugent également « impossible en l’absence d’études rigoureuses de démontrer l’impact direct des mesures de ce plan sur la population des patients et de leur famille ». Actuellement, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus atteintes de la maladie d’Alzheimer est estimé à 860 000 en France et pourrait atteindre deux millions dans les 20 à 30 ans à venir, soulignent-ils. Le rapport formule 56 recommandations en vue du prochain plan, dont le financement devra être « adéquat », et qui pourrait être élargi aux « maladies cérébrales chroniques invalidantes et touchant préférentiellement la cognition ».
Dans le domaine médico-social, la mesure 16 du plan prévoyant la création de pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) et d’unités d’hébergement renforcées (UHR) en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) n’a été réalisée qu’à 36 %, faisant chuter le taux de réalisation global du plan de 86 à 64 %. Principale raison : le cahier des charges, et en particulier les normes architecturales, que doivent respecter ces unités a été jugé trop contraignant par de nombreux directeurs d’établissement (2). La direction générale de la cohésion sociale a donc d’ores et déjà décidé d’assouplir le cahier des charges en distinguant ce qui relève d’un guide de bonnes pratiques, indique le rapport. Autre difficulté constatée : des financements considérés comme insuffisants pour couvrir la totalité des frais de création des unités.
Sans remettre en cause la pertinence des PASA, le rapport souligne qu’ils n’apportent qu’une réponse ponctuelle et séquentielle à la prise en charge des résidents et que les EHPAD ont, dans le même temps, conservé des projets d’animation « manifestement peu adaptés à des personnes souffrant en grande majorité de troubles cognitifs ». Il juge donc que les EHPAD qui créent un PASA doivent revoir leur projet d’établissement. La nécessité d’UHR en EHPAD ou en unités de soins de longue durée ne fait pas de doute si la prise en charge s’effectue par un personnel qualifié dans le cadre d’un programme et d’un lieu adaptés, estiment également Joël Ankri et Christine Van Broeckhoven. Les deux professeurs recommandent donc de donner la priorité aux aspects psycho-relationnels et d’assurer, le cas échéant, une fin de vie digne au sein des UHR afin d’améliorer la qualité de la prise en charge.
Selon le rapport, les PASA et les UHR ne relèvent plus d’un pilotage national dans le cadre d’un plan. Leur déploiement et le suivi de leur mise en place devraient donc être confiés aux agences régionales de santé, préconise-t-il.
« La réalisation des MAIA [maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer] sur l’ensemble du territoire ne s’achèvera pas sans un accompagnement et des crédits dédiés », avertit le rapport (3). Il recommande ainsi de les doter, « dans les meilleurs délais », d’un outil d’évaluation multidimensionnel « scientifiquement et internationalement reconnu ». A ce jour, c’est le guide d’évaluation « GEVA-A » qui a été retenu. Or, déplorent les auteurs, il n’en existe qu’une version « Word », accompagnée d’un manuel d’utilisation, en attente d’une informatisation prévue en milieu d’année 2014. Le rapport préconise aussi de donner aux MAIA un cadre juridique sécurisant le partage de données personnelles, notamment médicales, entre les professionnels de ces dispositifs. Il considère également que les agences régionales de santé devraient associer « très étroitement » les conseils généraux dès la phase de lancement d’une MAIA. Les deux professeurs conseillent par ailleurs d’« affiner » la fonction de gestionnaire de cas pour ce qui concerne les durées des interventions et la prise en charge des urgences afin d’éviter les chevauchements de compétences (voir notre « décryptage » sur la fonction de gestionnaire de cas, dans ce numéro, page 30). Préalablement à l’ouverture d’une MAIA, il faudrait prévoir une phase d’échange sur les missions des différents acteurs locaux, plaident-ils encore.
Le rapport appelle à poursuivre l’implantation des unités cognitivo-comportementales (UCC) dans les services de soins de suite et de réadaptation et à améliorer la collaboration entre les UCC et les EHPAD. Il faut aussi inscrire les accueils de jour et les hébergements temporaires dans les filières gérontologiques locales, prône-t-il. Il suggère également de donner aux services de soins infirmiers à domicile volontaires la possibilité de disposer de prestations d’ergothérapeutes ou de psychomotriciens. L’octroi de dérogations pour l’admission de malades « jeunes » en EHPAD devrait en outre être facilité, estime-t-il.
(1) Evaluation du plan « Alzheimer » 2008-2012 – Juin 2013 – Disp. sur
(2) Le cahier des charges des PASA et des UHR a été fixé en 2009 – Voir ASH n° 2608 du 8-05-09, p. 13.
(3) Sur les modalités de déploiement des MAIA en 2013, voir ASH n° 2796 du 8-02-13, p. 42.