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« La protection des majeurs n’a pas entraîné de prise de conscience politique »

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Les présidents de tribunaux de grande instance (TGI) affirment rencontrer de « graves difficultés » pour renouveler les mesures de protection des majeurs, depuis l’entrée en vigueur, début 2009, de la réforme des tutelles (1). Paul-André Breton, président du TGI de Lyon et de la Conférence nationale des présidents de TGI, assure que les 800 000 dossiers de renouvellement ne pourront pas être traités d’ici au 31 décembre prochain. Il demande un assouplissement de la loi.
Quels problèmes la loi du 5 mars 2007 a-t-elle créés ?

Il s’agit d’une loi dont les professionnels s’accordent à dire qu’elle marque un progrès dans le domaine de la protection des majeurs. Mais la difficulté est qu’à aucun moment on n’a apporté des ressources humaines pour permettre aux juges de faire face à l’activité supplémentaire. Auparavant, le système de tutelle ou de curatelle reposait sur une analyse faite par le juge d’une situation à un instant donné, à partir d’un certificat médical. Avec la loi de 2007, on a estimé que le fait de ne pas fixer de limite de temps était dangereux, et qu’il fallait assurer une protection plus forte aux individus contre les abus de placements sous tutelle ou curatelle. Désormais, la décision du juge n’est valable que cinq ans, à l’issue desquels le dossier doit faire l’objet d’une révision : il faut reconvoquer la famille, refaire une audience complète, pour tous les dossiers. Sinon, la mesure est caduque, et la personne n’est plus sous protection. Nous avons décidé de renouveler 20 % des dossiers la première année, d’arriver à 40 % la deuxième, etc., afin d’avoir terminé au 31 décembre 2013, comme l’impose la loi. Mais nous avons vu, au fur et à mesure, que nous n’y arriverions pas dans les grosses juridictions, où il y a beaucoup de dossiers et où il manque du personnel.

C’est notamment le cas de votre tribunal, à Lyon…

Il y a eu un poste vacant au tribunal d’instance tout au long de l’année, car un magistrat est parti et n’a jamais été remplacé. Résultat, à la fin mai, nous avions traité 70 % des dossiers de renouvellement, ce qui veut dire que nous avons un petit trimestre de retard. Si nous continuons au rythme qui est le nôtre, il va nous rester 14 % de dossiers à examiner au 31 décembre. Nous faisons un effort pour régler la totalité, puisque nous dégageons de la ressource supplémentaire en interne : un juge, qui n’est pas juge des tutelles, vient aider les collègues pour permettre au service de tenir son objectif. Mais cela se fait au détriment du reste : il y a un accroissement du délai de traitement de toutes les autres procédures de la compétence du tribunal d’instance – de surendettement, notamment. Quant aux personnes sous tutelle ou curatelle, si elles perdent leur protection, elles risquent de voir suspendu le paiement de leurs pensions, allocations ou des intérêts de leurs placements. Il existe aussi le risque qu’un margoulin bafoue leurs droits et les escroque. Nous aurions pu éviter de nous retrouver dans cette situation si nous avions pris la mesure de la chose à temps – les professionnels ont alerté sur le sujet dès le début – et si la loi avait prévu les moyens de faire ce qu’elle demande. Cette question de la protection des majeurs n’a pas entraîné de mobilisation et de prise de conscience politique. Il est vrai que les papys-mamies qui ne vont pas bien, ce n’est pas très vendeur.

Que proposez-vous pour sortir de cette situation ?

Nous demandons, de façon provisoire, un report de la date limite de renouvellement des dossiers. Mais cela ne réglera pas le problème puisque, de toute façon, les dossiers anciens vont revenir dans la boucle : l’année prochaine, nous devrons de nouveau traiter tous les dossiers que nous avons traités en 2009, plus tous ceux que nous n’aurons pas eu le temps de régler entre-temps. Nous voulons donc une modification de la loi, qui permette au juge d’établir des délais variables selon les pathologies, au lieu de prévoir un délai unique de cinq ans. Quand vous êtes face à un malade Alzheimer de 80 ans, vous pouvez vous dire que la situation ne va pas s’arranger dans les cinq ans…

Notes

(1) Voir en dernier lieu ASH n° 2756 du 20-04-12, p. 24.

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