Une étude pose des chiffres sur ce que les associations ressentaient depuis plusieurs années sans pouvoir en apporter la preuve formelle : une grande partie de leurs financements publics prend désormais, bel et bien, la forme de commandes (appels d’offre, appels à projet…), tandis que la part des subventions est en baisse. Dévoilée par Viviane Tchernonog, économiste et chercheure au Centre d’économie de la Sorbonne (CNRS) le 27 juin, lors d’une conférence organisée à Paris par le ministère de la Vie associative (1), elle dresse un état des lieux inédit de l’évolution des financements publics des associations. Elle a été, qui plus est, très bien accueillie par la ministre de la Vie associative, Valérie Fourneyron, qui y voit un encouragement à poursuivre son action pour redonner une marge de manœuvre aux associations à travers notamment sa contribution au projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, la préparation de la révision de la circulaire Fillon de janvier 2010 sur les relations entre pouvoirs publics et associations, ou la charte entre l’Etat, les collectivités et les associations.
L’enquête de Viviane Tchernonog est sans appel. Entre 2005 et 2011, les subventions publiques ont diminué de 17 %, soit une baisse annuelle de 3 %, tandis que les commandes publiques ont augmenté de 73 % (soit 10 % en moyenne annuelle). Sur la même période, la part des commandes publiques dans l’ensemble des ressources des associations s’est accrue de 17 % à 25 % tandis que celle des subventions s’est réduite de 34 % à 24 %. Alors qu’en 2005, les subventions représentaient plus du tiers du financement total et pesaient deux fois plus que les commandes publiques, toutes deux ont désormais un poids comparable dans le budget du secteur.
Qu’est-ce que cela change pour les associations ? La différence est « essentielle », explique Viviane Tchernonog. Alors que, dans la subvention, l’association est à l’initiative du projet et peut innover et expérimenter, dans la commande publique, elle agit comme un simple prestataire pour réaliser ou gérer une action formatée par les acteurs publics.
Comment expliquer une telle évolution ? « Un changement de philosophie dans le financement public des associations, les incertitudes pesant sur le statut juridique de la subvention au regard des réglementations européenne et nationale – surtout l’absence de définition légale de celle-ci [2] – conduisent les collectivités publiques à développer les commandes publiques pour éviter les risques de requalification des subventions en commandes publiques », explique Viviane Tchernonog. « La montée en charge des collectivités territoriales dans le financement du secteur associatif » – 12,3 % en 2011 contre 10 % en 2005 – contribue également à la nouvelle donne, « les régions et les conseils généraux ayant tendance à préférer les financements de type “commandes” aux subventions pour des motifs variés (formatage des actions des associations en fonction des politiques locales, meilleure visibilité des acteurs publics) ».
« Le profil des financements et la part respective des subventions et des commandes varient bien sûr selon le secteur d’activité des associations », souligne encore Viviane Tchernonog. On voit ainsi que les champs de l’action humanitaire, de l’action sociale et de la santé se taillent la part du lion dans les subventions publiques : ils perçoivent 45 % de celles versées aux associations, ce qui s’explique « par la taille du secteur et la nature des fonctions remplies par ces associations, dont les publics sont souvent en situation de difficulté et qui sont fortement employeuses de professionnels salariés ». Mais, dans le même temps, ils concentrent à eux seuls 74 % des commandes publiques.
(1) L’étude de Viviane Tchernonog paraîtra fin 2013. En attendant, l’ensemble des documents liés à la conférence (synthèse de l’étude, chiffres clés, etc.) est disponible sur
(2) Rappelons que le projet de loi portant reconnaissance et développement de l’économie sociale et solidaire, qui devrait être présenté en conseil des ministres courant juillet, introduira une définition législative et non plus seulement jurisprudentielle de la subvention.