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Vers une loi-cadre pour l’égalité entre les hommes et les femmes

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Le projet de texte, présenté en conseil des ministres le 3 juillet, considère, pour la première fois, ce sujet dans sa dimension transversale. Au menu notamment : la réforme du congé parental, la création d’une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires et la protection des femmes victimes de violences.

« Les inégalités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours et le devenir des femmes et des hommes : 80 % des tâches domestiques continuent d’être assurées par les femmes ; un écart de rémunération de 27 % sépare toujours aujourd’hui les hommes et les femmes, lesquelles constituent 80 % des salariés à temps partiel », rappelle l’exposé des motifs du projet de loi-cadre présenté le 3 juillet en conseil des ministres par Najat Vallaud-Belkacem. Annoncé lors du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes de novembre dernier (1), le texte tend « à aborder l’égalité dans toutes ses dimensions ». La future loi sera « toute entière tournée vers l’effectivité des droits, vers l’expérimentation et l’innovation sociale », précise encore l’exposé des motifs. Selon la ministre des Droits des femmes, ce texte s’inscrit en complément de nombreux autres textes qui portent en leur sein l’égalité, tels que la loi sur la refondation de l’école de la République (voir ce numéro, page 44), la loi relative à la sécurisation de l’emploi ou la loi relative au harcèlement sexuel (2). Concrètement, le projet de loi-cadre comprend plusieurs volets, notamment sur l’égalité hommes-femmes dans la vie professionnelle, sur la protection des femmes victimes de violences et sur la lutte contre la précarité des familles monoparentales.

Signalons que, s’il a été salué par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – qui présentera un avis définitif sur ce texte en septembre prochain –, le projet de loi-cadre a en revanche fait l’objet d’un avis défavorable de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (3).

Réforme du congé parental

Pour favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le gouvernement entend notamment réformer le congé parental (trois ans au maximum) et la prestation qui y est associée, le complément de libre choix d’activité (CLCA) de la prestation d’accueil du jeune enfant. Objectifs, selon l’exposé des motifs : « favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales et la conciliation de la vie personnelle et professionnelle », et ainsi « favoriser le retour des femmes vers l’emploi ». Inspirée d’un rapport du Haut Conseil de la famille présenté en juin dernier (4), la réforme prévoit que les parents pourront bénéficier du congé parental pendant une durée fixée par décret – en principe deux ans et demi – en fonction du rang de l’enfant. Une autre part, définie en nombre de mois, ne pourra être prise que par l’autre parent, le plus souvent le père. « Dans un premier temps, souligne l’exposé des motifs, une période de partage de six mois a été choisie. » Période qui sera « régulièrement évaluée par un comité d’experts indépendants » et définie « en fonction de la capacité de la réforme à atteindre le résultat [escompté] ». En effet, le gouvernement attend de cette réforme un « résultat équivalent » à celui obtenu en Allemagne qui a mis en œuvre une réforme similaire : « trois ans après, la proportion des pères prenant un congé parental y a été multipliée par sept (passant de 3 à 21 %) ». Autrement dit, si ce résultat est atteint, ce sont 100 000 pères qui auront pris un congé parental d’ici à 2017, indique Najat Vallaud-Belkacem. « Il y aura quand même de la souplesse, a assuré la ministre lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale le 27 juin, dans la mesure où les six mois pourront être pris à temps partiel, à un autre moment qu’à la fin de la première période ou ne pas être pris dans leur totalité. » A noter : « les familles monoparentales ne seront pas concernées par ce dispositif et leurs droits seront maintenus », indique l’exposé des motifs. La réforme devrait être applicable pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er juillet 2014.

Cette réforme sera aussi « indissociable des mesures qui seront mises en œuvre […] pour accompagner le retour à l’emploi des allocataires du CLCA, indique la ministre des Droits des femmes : entretien professionnel avant la reprise de poste, droit à la formation professionnelle renforcé, accès à la validation des acquis de l’expérience, priorité dans l’accès à un mode de garde ». Au final, précise-t-elle, les recettes dégagées par la réforme seront « prioritairement employées pour proposer aux ménages plus de services et serviront en particulier à financer le développement de places d’accueil de jeunes enfants ». L’ambition du gouvernement en la matière étant d’en créer 275 000 d’ici à 2017, dont 100 000 en crèches et 75 000 en maternelle.

Création d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires

Au-delà de la revalorisation exceptionnelle de 25 % de l’allocation de soutien familial (ASF) sur le quinquennat, le gouvernement veut aussi « mieux protéger les femmes seules confrontées à des impayés de pensions alimentaires ». Le projet de loi-cadre prévoit ainsi d’expérimenter un mécanisme de renforcement des garanties contre les impayés en faveur des bénéficiaires de l’ASF relevant de dix départements désignés par arrêté. Seront dans le collimateur les débiteurs de créances qui se soustraient au paiement de la pension alimentaire et ceux considérés comme hors d’état – notion que le gouvernement souhaite réviser – de subvenir à leur obligation d’entretien (titulaires du revenu de solidarité active, bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés à taux plein ou à taux réduit en complément d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité, personnes incarcérées…). Dans le cadre de cette expérimentation, la caisse d’allocations familiales (CAF) devrait pouvoir, en vue de faciliter la fixation de la pension alimentaire par le juge aux affaires familiales (JAF), transmettre au parent bénéficiaire de l’ASF les renseignements dont elle dispose concernant l’adresse et la solvabilité du parent débiteur. La CAF pourrait également communiquer directement ces renseignements au juge après en avoir informé le bénéficiaire de l’allocation et, le cas échéant, à sa demande. Rappelons en effet que les CAF sont aujourd’hui autorisées à croiser les fichiers fiscaux, bancaires et de prestations. Signalons aussi que la ministre des Droits des femmes souhaite « développer la médiation familiale en substitution aux procédures judiciaires qui sont souvent coûteuses ».

En outre, à l’heure actuelle, lorsque le parent débiteur se soustrait partiellement au versement de la pension alimentaire fixée par le JAF, la caisse d’allocations familiales verse au parent assumant la charge de l’enfant une allocation différentielle à titre d’avance. Celle-ci complète alors le versement partiel effectué par le débiteur, jusqu’au niveau du montant de l’ASF. Dans le cadre de l’expérimentation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, le projet de loi-cadre devrait ouvrir automatiquement un droit à l’ASF différentielle au parent dont la créance alimentaire est inférieure au montant de l’ASF (90,40 € depuis le 1er avril), même lorsque le parent débiteur s’acquitte intégralement du paiement de sa dette. Et cette allocation différentielle devrait rester acquise à l’allocataire.

Toujours dans le cadre de l’expérimentation, l’exposé des motifs indique que les titulaires de l’ASF pourront aussi bénéficier de mesures de soutien et de conseil, « comme, par exemple, une information ciblée sur les familles monoparentales pour lutter contre le non-recours ou la création de simulateurs en ligne permettant de calculer le montant de la pension alimentaire de référence ».

Enfin, pour la mise en œuvre de l’expérimentation, la procédure de recouvrement des pensions alimentaires impayées devrait être améliorée. Le projet de loi-cadre autorise en effet la CAF non seulement à mettre en œuvre la procédure de paiement direct sur les 24 derniers mois impayés (contre les six derniers aujourd’hui), mais aussi à effectuer des prélèvements directs du terme mensuel courant et des 24 derniers mois impayés de la pension alimentaire sur les autres prestations sociales que perçoit le parent débiteur. Cette disposition doit permettre à la CNAF de récupérer un manque à gagner important car, aujourd’hui, elle ne recouvre en moyenne que 15 millions d’euros sur un total de 75 millions de créances.

Selon le projet de loi-cadre, l’expérimentation sera menée pendant trois ans dès que les territoires devant l’accueillir seront désignés et, au plus tard, le 1er juillet 2014.

Renforcement des outils de lutte contre les violences faites aux femmes

D’après l’exposé des motifs, au 1er juin 2011, une ordonnance de protection se déclenchait en moyenne 21,27 jours après avoir été demandée, alors que ses initiateurs la voulaient prise sous 48 heures. Afin de réactiver ce dispositif, qui garantit la protection de la victime de violences conjugales (5), le projet de loi-cadre affirme donc l’objectif d’une délivrance « dans les meilleurs délais », qui seront fixés par décret – sous une semaine, selon Najat Vallaud-Belkacem. Le texte porte en outre la durée maximum de validité de l’ordonnance de quatre à six mois, une durée qui courra à compter de la date de sa délivrance et non plus de sa notification.

En outre, le projet de loi-cadre met fin au recours systématique à la médiation pénale dans le cadre des procédures de violences conjugales. Elle ne pourra être à l’avenir déclenchée qu’à la demande de la victime. Et, en cas de réussite de la médiation, l’auteur des violences fera aussi l’objet d’un rappel à la loi.

Le texte modifie également les codes pénal et de procédure pénale pour affirmer le principe de l’éviction du conjoint ou de l’ex-conjoint violent du domicile conjugal lorsque les violences sont susceptibles de se reproduire et, sauf circonstances particulières, le maintien dans les lieux de la victime si elle le souhaite (6). Le procureur de la République pourra préciser les modalités de la prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qui ne pourra excéder six mois. Cette disposition pourra être prise lorsque l’auteur des violences fera l’objet d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire ou d’une mise à l’épreuve. Le projet de loi-cadre aménage en conséquence la loi du 1er septembre 1948 relative aux rapports des bailleurs et locataires pour garantir à la victime le transfert du bail de location.

Autre disposition pour assurer la protection des victimes de violences conjugales : la généralisation à partir du 1er janvier 2014 du téléphone grand danger permettant leur géolocalisation en cas de danger et l’intervention de la police. Un dispositif qui ne pourra être délivré à la victime qu’en l’absence de cohabitation avec l’auteur des faits.

S’agissant des auteurs de violences conjugales, le gouvernement entend mettre l’accent sur leur suivi afin de prévenir la récidive. Le projet de loi-cadre prévoit donc de donner la possibilité au procureur de la République, au juge de l’application des peines et à la juridiction de jugement de leur imposer, à titre de peine principale ou complémentaire, de suivre à leurs frais un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes.

Notes

(1) Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 10.

(2) Voir respectivement ASH n° 2815 du 21-06-13, p. 43, n° 2816 du 28-06-13, p. 47 et n° 2771 du 24-08-12, p. 16.

(3) Lors de la présentation du texte au conseil d’administration de la caisse le 18 juin dernier, les administrateurs ont émis 22 voix contre, 4 voix pour, 4 prises d’acte (considérées comme des abstentions) et 3 abstentions. Ils regrettent non seulement « l’imprécision sur les contours exacts [de la réforme du congé parental] et l’impossibilité d’en estimer les impacts financiers », mais aussi la « complexité du dispositif ». En revanche, la CNAF a salué le projet d’expérimentation d’une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires.

(4) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 5.

(5) Elle vise à stabiliser temporairement, pour une durée de quatre mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation d’avec l’auteur des violences.

(6) Selon l’exposé des motifs, du deuxième trimestre 2006 à la fin 2011, seules 25 190 mesures d’éviction ont été ordonnées sur les 169 754 affaires dans lesquelles une telle mesure aurait pu être prononcée.

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