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Le partage d’informations : pas une fin mais un levier au service de l’usager, rappelle le CSTS

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Outre ses recommandations sur la « posture » des professionnels au regard de la finalité du travail social, l’instance appelle, dans son 24e rapport, à un renforcement des formations sur cette question. Et interpelle les pouvoirs publics sur leur responsabilité.

Elaborer une analyse et des propositions pour lever les obstacles aux pratiques de partage d’informations en vue d’apporter, dans le respect de l’éthique et du droit, « des réponses permettant de mieux traiter les problématiques sociales tels l’accès au logement, la protection de l’enfance et des personnes vulnérables, notamment les personnes âgées et les femmes victimes de violences ». Telle était, en septembre 2010, la commande passée par Eric Woerth, alors ministre de la Solidarité, au Conseil supérieur du travail social (CSTS). Dans un contexte où les réformes, la multiplication des dispositifs et la montée en puissance de l’outil informatique accroissent les tensions sur le sujet, l’instance consultative a rendu public, le 28 juin, lors d’une journée de « valorisation » de ses travaux, un copieux rapport sur « le partage d’informations dans l’action sociale et le travail social », rédigé sous la houlette de la sociologue Brigitte Bouquet.

Outil stratégique

Sur le sujet, la position du CSTS n’a pas varié depuis son avis sur les « remontées d’informations nominatives » de décembre 2011, ou encore celui de 2010 sur les dispositions de la loi de 2007 sur la prévention de la délinquance (1). « Le partage doit être seulement un outil stratégique dans le respect et l’intérêt de l’usager, il ne doit pas être un but en soi et ne doit pas briser la relation de confiance avec ce dernier », indissociable du respect de la confidentialité, résume l’ancienne vice-présidente de l’instance. Dans le 24e opus du conseil, pas d’a priori négatif sur le partage ni de recette prête à l’emploi, mais l’affirmation de cette posture professionnelle, au regard des enjeux politiques et sociaux soulevés, pour en déterminer le bon usage et éviter les dérives. Un travail dense qui fournit en 15 chapitres « une doctrine très bien étayée sur le respect de la stricte proportionnalité » entre l’objectif de l’amélioration des réponses et les moyens pour y parvenir, se félicite Michel Thierry, vice-président du CSTS. Car le partage, tient-il à souligner, « n’est pas le contraire du secret ».

Les positions éthique et juridique étant « extrêmement liées », l’instance revient sur les approches historique, philosophique et sociologique du secret, de l’intime, de la transparence et sur l’encadrement par le droit du partage de l’information. Révélation, diffusion, confidentialité, discrétion ? Elle s’attarde également sur l’éclairage sémantique nécessaire pour lever les ambiguïtés. Puis étudie à travers l’application des politiques publiques dans neuf domaines de l’action sociale et médico-sociale (dont la mise en œuvre de « diagnostics partagés » dans les territoires), l’organisation du partage de l’information, ses avantages et ses risques, ainsi que les marges de manœuvre possibles.

Les marges de manœuvre

Est ainsi étudié le champ de la prévention de la délinquance, mais aussi celui de la protection de l’enfance, où, en attendant sa définition par voie réglementaire, l’information préoccupante suscite toujours de vifs débats. Le CSTS attire aussi l’attention, dans le domaine du logement, sur le fonctionnement des institutions partenariales comme les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), dont les membres ont des intérêts divergents, et les conditions de centralisation des données individuelles par les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) sous la responsabilité de l’Etat. Le rapport revient encore sur les risques de friction entre « les politiques de l’immigration et les finalités éthiques et sociales du travail social » ou bien entre les logiques d’aide et de contrôle dans le domaine de l’insertion. La nécessité d’accroître les interventions pluridisciplinaires pour la prise en charge des personnes handicapées, des personnes âgées et la prévention des violences intrafamiliales n’en appelle pas moins des réflexions sur les risques d’atteinte à la vie privée, même si, dans ces domaines, les effets pervers sont encore mal mesurés. Un inventaire qui rappelle, comme le souligne Brigitte Bouquet, que « la place du travail social est toujours en intermédiaire ».

Partager avec qui, au service de qui et dans quelle limite ? Pour répondre à ces questions « fil rouge », le CSTS invite le travailleur social à ne jamais perdre de vue l’objectif du partage, sa plus-value, à préciser la nature des informations qu’il détient, les champs de compétence de chacun ainsi que l’espace et les règles de circulation avant de transmettre, en accord avec l’usager, l’information strictement nécessaire à sa situation. ll appartient au travail social d’exercer un droit de veille sur cette transmission. Information partagée ne signifie pas transparence. Et, pour éviter les confusions, l’instance, qui distingue le partage entre travailleurs sociaux, entre le professionnel et l’institution employeur ou entre institutions, appelle au respect d’un certain nombre de conditions préalables : d’une part, l’équité et le consensus entre les partenaires, d’autre part, le refus de décloisonnements dans une logique purement administrative, sans projet pour le bénéficiaire ou sans continuité dans les choix d’intervention. Le rapport rappelle aussi le droit pour l’usager d’accéder à toute information relative à sa situation.

Intelligence collective

Dans ses préconisations, le Conseil supérieur du travail social appelle à resituer le partage de l’information dans « la finalité du travail social » et à veiller « à ce que l’information soit pertinente, opportune, de source fiable, utile et efficace » dans l’objectif d’une « intelligence collective » au service d’un projet commun. Son partage, non systématique, « doit être maîtrisé ». Si le travailleur social assume une double responsabilité – « individuelle et sociale » –, le conseil interpelle aussi ses responsables hiérarchiques, garants des missions, et les institutions, « invitées à développer des instances de réflexion sur l’éthique afin d’apporter un appui aux intervenants sociaux ». Le CSTS appelle, par ailleurs, les pouvoirs publics à le solliciter pour avis « pour tout projet de loi ou décret comportant des dispositions relatives au partage d’informations dans le champ du travail social ». L’instance souhaite aussi que « les savoirs et réflexions » sur le sujet soient développés dans les formations initiales et continues. La mutualisation des compétences étant de plus en plus nécessaire pour permettre une évaluation pluriprofessionnelle et des pratiques coordonnées, « il est recommandé de mettre en place des formations communes afin d’articuler l’action des professionnels et des institutions entre eux pour élaborer la meilleure réponse aux problèmes sociaux dans le respect des usagers ». Lors de la présentation du rapport, Jean-Marie Poujol, président adjoint d’Unifaf, a d’ores et déjà souligné que l’organisme paritaire collecteur agréé « soutiendra nationalement et régionalement les initiatives de formations interdisciplinaires ».

Le rapport a été adressé à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et à cinq autres membres du gouvernement. Le Conseil supérieur du travail social a déjà été sollicité pour des « demandes d’intervention par les départements et les associations », a précisé Brigitte Bouquet. Signe que les attentes sont grandes sur un sujet qui continue de cristalliser les craintes liées aux injonctions contradictoires et à l’instrumentalisation du travail social.

LES AUTRES CHANTIERS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DU TRAVAIL SOCIAL

A ceux qui en douteraient, le Conseil supérieur du travail social (CSTS), certes discret, « n’est pas mort ou endormi », a rassuré le 28 juin son vice-président, Michel Thierry. « Il est important qu’il soit une chambre d’écho pour l’action sociale, au-delà des avis qu’il peut rendre. » Le conseil devrait ainsi se mobiliser dans les mois qui viennent sur :

• Les « états généraux du travail social » qui démarreront par des assises territoriales à l’automne pour s’achever mi-2014. La sous-commission « veille » du CSTS, présidée par Vincent Meyer, professeur à l’Université de Lorraine, sera chargée de travailler sur les thématiques relevées sur un site Internet « participatif » qui doit être créé par la direction générale de la cohésion sociale pour faire remonter les attentes et les bonnes pratiques du terrain.

• La participation des usagers, sujet du deuxième rapport de sa septième mandature. Marcel Jaeger, titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale du Conservatoire national des arts et métiers, devrait bientôt recevoir une lettre de mission de Marisol Touraine sur le sujet. La sous-commission « veille » s’attèle actuellement à une note de contribution sur la question. Après avoir produit deux notes de problématique sur l’impact des politiques sociales sur les 18-25 ans et la performance en travail social, elle devrait également plancher sur la violence liée aux prises en charge dans les institutions, la notion de référent unique ou encore « les bénévoles et salariés dans le travail social ».

• Les références éthiques. La commission « éthique et déontologie » oriente ses travaux dans trois directions. Tout d’abord la promotion de références « fondamentales, communes et pluri-professionnelles », dans l’idée de « pousser vers un socle commun de références éthiques en travail social », indique son coordinateur, François Roche. Dans cette perspective, la commission envisage des diffusions communes avec le Comité national des avis déontologiques. Deuxième axe : favoriser le développement d’instances éthiques, notamment dans les conseils généraux et les structures sociales et médico-sociales, en valorisant les initiatives sur une base de données et en créant un réseau d’échanges sur le sujet (1). La commission souhaite, enfin, produire un avis sur le « consentement éclairé », et requalifier dans ce cadre la relation d’aide et le respect de l’usager.

Notes

(1) Voir ASH n° 2741 du 13-01-12, p. 15 et n° 2664 du 18-06-10, p. 5.

(2) Contact : DGCS-CSTS@social.gouv.fr ou comethiqueCSTS@gmail.com.

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