Recevoir la newsletter

Accompagnement des évacuations des campements de Roms : la circulaire d’août 2012 est insuffisamment appliquée

Article réservé aux abonnés

Après la polémique suscitée par la multiplication des démantèlements de camps de Roms durant l’été 2012 et les inquiétudes exprimées à l’époque par la Commission européenne sur le sort réservé par la France à cette population, le gouvernement avait adressé aux préfets une circulaire leur indiquant la marche à suivre pour mieux préparer et accompagner les opérations d’évacuation des campements illicites (1). Il leur était demandé notamment d’établir chaque fois que possible et aussi rapidement que possible un diagnostic de la situation des personnes présentes dans les campements puis de rechercher des solutions d’accompagnement dans les différents domaines concourant à leur insertion (scolarisation, santé, emploi, logement/mise à l’abri…) en mobilisant les moyens de droit commun. Plus de neuf mois après la publication du texte, quatre corps d’inspection de l’Etat constatent, dans un rapport rendu public le 26 juin dernier, que la circulaire est appliquée de manière insuffisante ou hétérogène.

Missionnés par Matignon, l’inspection générale de l’administration, l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche et le conseil général de l’environnement et du développement durable ont, entre janvier et mars 2013, analysé sur le terrain les situations de 14 départements et recueilli les retours d’expérience des principaux acteurs impliqués dans la gestion des dossiers locaux. Selon les informations recueillies par la mission, environ 20 000 Roms sont installées actuellement, en France, dans des campements illicites ou des squats.

Des disparités sur le terrain

La circulaire du 26 août 2012 demande aux préfets, dans les situations où une évacuation d’urgence n’est pas engagée, de « mobiliser les services de l’Etat et les acteurs locaux concernés » et de mener un travail coopératif avec leurs partenaires « afin de dégager pour les personnes présentes dans les campements des solutions alternatives ». Selon le rapport, ce travail de coordination opéré par l’Etat pour mobiliser les acteurs apparaît inégal en raison de la disparité des moyens mis en œuvre par les administrations et de l’adhésion plus ou moins affirmée des collectivités locales à la conduite de projets d’insertion (« l’implication des élus n’est pas égale »). Par ailleurs, dans certains départements, « on relève un déficit de connaissance des publics rom à l’origine d’une forme de passivité ou d’un sentiment de blocage devant les actions à entreprendre ». Les inspections estiment à cet égard que le développement des enquêtes et études pour recueillir des données sur ces populations doit être considéré comme une priorité.

L’étape des diagnostics – diagnostic sur la sécurité des lieux, diagnostic sur la santé des occupants et diagnostic social – est elle aussi « diversement appréhendée ». Dans la majorité des départements où la mission s’est rendue, ils étaient en cours pour les campements identifiés par les pouvoirs publics. Mais, si ceux relatifs à la santé « ne semblent pas poser de difficulté majeure », les inspections relèvent que le diagnostic social – confié sur le terrain à des intervenants disparates – implique une « solide expérience des populations en grande précarité ». Et estiment par conséquent les associations d’insertion mieux armées pour effectuer ce travail que les services de l’Etat ou des collectivités locales « qui ne disposent ni des moyens ni du savoir-faire inhérent au travail social nécessaires au diagnostic ».

Des dispositifs de droit commun inadaptés

La plupart des acteurs, y compris ceux de l’Etat, estiment ne pas disposer d’outils opérationnels pour la prise en charge des populations évacuées, souligne encore le rapport. « Les mesures prévues, notamment l’accès aux dispositifs de droit commun, se heurtent aux difficultés intrinsèques de personnes qui ont, souvent, besoin de temps pour se reconstruire et se structurer en raison de la vie passée dans les campements et en errance ».

La mission note une grande hétérogénéité dans le recours effectif aux dispositifs existants. Elle relève ainsi, s’agissant du droit à la santé, que l’accès effectif au système de soins demeure complexe et long, même avec un accompagnement social structuré. Dans le domaine de la scolarisation, la situation peut être considérée comme mieux appréhendée par les services compétents, notamment pour ce qui concerne l’accès à l’instruction dans le primaire, mais avec de fortes disparités selon les communes. S’agissant du marché de l’emploi, « l’accès effectif de ces publics est très inégal », ce qui s’explique par le niveau de compétences assez faible par rapport aux exigences des employeurs. La difficulté à obtenir une autorisation de séjour, nécessaire pour la délivrance de l’autorisation de travail, « est également caractéristique ». Le rapport signale à cet égard le faible positionnement des services du travail et de l’emploi sur le public rom, ainsi que la réticence de ces services à délivrer des autorisations de travail pour ces publics dans certains départements. Enfin, la mission observe que, à l’issue de l’évacuation des campements, les dispositifs d’accueil d’urgence sont « peu adaptés à la structure des familles ». Elle pointe également les difficultés des structures classiques, qui « ne permettent pas de trouver, dans la plupart des cas, un hébergement au-delà de quelques jours ». « Il arrive également qu’aucune solution de relogement ne soit proposée en raison de la saturation des dispositifs. »

Le rapport remarque toutefois que plusieurs initiatives locales « ont permis d’apporter une réponse pragmatique pour sortir de la simple “addition” de dispositifs de droit commun et mettre en œuvre une approche intégrée, depuis le diagnostic jusqu’à l’accès à l’emploi et au logement, à travers un accompagnement social dans la durée ».

LE DÉFENSEUR DES DROITS DÉNONCE UN « NOMADISME FORCÉ »

Le défenseur des droits a lui aussi dressé un bilan de l’application de la circulaire du 26 août 2012 et estime également que le texte a été pour l’instant insuffisamment appliqué (2). Il relève par ailleurs « les difficultés rencontrées par certains départements où se sont installés un nombre élevé de campements illicites » et « constate la situation des collectivités locales qui n’ont pas la capacité de trouver des solutions d’hébergement provisoires et/ou pérennes à toutes les personnes expulsées des campements et de mettre en place un dispositif d’accompagnement en vue de leur garantir l’accès au logement et à l’emploi ». On notera encore que, « bien que sensible aux arguments du gouvernement et des élus quant à l’impossibilité de laisser perdurer des situations de fait inacceptables du point de vue de la loi et des nécessités de l’ordre public », Dominique Baudis « dénonce fermement le “nomadisme forcé” qui résulte des pratiques trop fréquemment observées sur le territoire national, situation qui ne fait que déplacer le problème géographiquement et précariser davantage la situation de ces familles, brisant ainsi toute perspective d’intégration sociale ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20.

(2) Rapport disp. sur www.defenseurdesdroits.fr.

Côté cour

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur