Après deux ans de négociations, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) se sont finalement mis d’accord pour réformer le système « Schengen ». Le compromis, qui a été validé par le Parlement le 12 juin, maintient le caractère essentiellement national de la gestion des frontières au sein de l’espace Schengen (1), tout en impliquant davantage le Parlement dans le système d’évaluation.
Le paquet « gouvernance de Schengen », présenté en septembre 2011 par la Commission européenne (2), inclut deux règlements :
→ l’un modifie le code des frontières Schengen dans l’objectif de fixer des règles communes sur la réintroduction temporaire de contrôles aux frontières intérieures dans des cas exceptionnels ;
→ l’autre établit un nouveau mécanisme d’évaluation des règles « Schengen » afin de faire face aux situations critiques.
Ces textes n’ont plus qu’à être validés formellement par le Conseil des ministres pour être réputés adoptés, une validation qui devrait intervenir cet automne. Ils seront ensuite publiés au Journal officiel de l’Union européenne.
Le futur règlement relatif aux contrôles aux frontières permet aux Etats membres de l’UE de réintroduire des contrôles à leurs frontières internes en cas de circonstances exceptionnelles. Il part du principe que cette réintroduction doit rester une « exception » et une « mesure de dernier ressort », à prendre pour une durée strictement limitée et sur la base de critères objectifs.
Comme actuellement, un Etat membre pourra imposer unilatéralement des contrôles à ses frontières intérieures lorsqu’il existe une menace sérieuse pour la politique publique ou pour la sécurité intérieure. Les nouvelles règles visent toutefois à mieux encadrer les modalités de ce rétablissement des frontières. Si l’événement est prévisible (par exemple, un événement sportif ou une manifestation), l’Etat pourra mener ces contrôles après simple notification aux autres Etats membres et à la Commission. Mais il devra fournir toutes les informations liées au champ et à la durée de la réintroduction des frontières, et motiver ses raisons. La Commission pourra émettre un avis, sur lequel les Etats membres pourront être consultés. La réintroduction des contrôles sera limitée à 30 jours, avec la possibilité de prolonger cette durée jusqu’à six mois au maximum. Dans des cas urgents (attaques terroristes, par exemple), la réintroduction pourra avoir lieu immédiatement pour une période de dix jours, qui pourra être étendue à deux mois au maximum.
Surtout, le texte de compromis prévoit une nouvelle possibilité de réintroduire des contrôles, à savoir en cas de défaillances sérieuses d’un Etat membre dans la gestion des frontières communes de l’UE menaçant gravement l’ordre public ou la sécurité intérieure dans l’espace « Schengen ». Concrètement, est visé le cas d’une pression migratoire incontrôlable. La Commission européenne pourra alors recommander à l’Etat concerné de prendre des actions spécifiques pouvant inclure le déploiement d’équipes de gardes-frontière. Si la situation persiste au-delà de trois mois, le Conseil pourra, sur la base d’une proposition de la Commission, recommander qu’un ou plusieurs Etats membres réintroduisent des contrôles aux frontières (partielles ou totales) pour une durée de six mois renouvelable dans la limite de deux ans. Une telle recommandation ne pourra être adoptée qu’en dernier ressort, lorsque toute assistance européenne préalable aura échoué, et devra respecter le principe de proportionnalité.
Le futur règlement relatif au mécanisme d’évaluation des règles « Schengen » renforce le rôle du Parlement européen et de la Commission européenne. Contrairement au système actuel, dans lequel elle participe seulement en tant qu’observateur, la Commission sera responsable, conjointement avec les Etats membres, de la mise en œuvre du mécanisme d’évaluation et de suivi et devra, à cet effet, adopter les rapports d’évaluation des Etats membres. Le Conseil pourra, quant à lui, élaborer des recommandations appelant à des actions correctrices. En cas de lacunes, l’Etat membre concerné devra soumettre un plan d’actions, dont la Commission sera chargée de surveiller la mise en œuvre. Le Parlement, de son côté, gagne un droit de regard sur le système d’évaluation : il pourra poser toutes les questions qu’il voudra à la Commission, devra être informé durant les procédures d’évaluation et accéder aux documents tels que les rapports annuels et pluriannuels. Enfin, des équipes d’inspection pourront effectuer des visites inopinées aux frontières intérieures afin d’empêcher toute tentative d’imposer des contrôles illégaux.
(1) L’espace Schengen comprend le territoire de 22 Etats membres de l’Union (le Royaume-Uni, l’Irlande, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie n’en font pas partie) ainsi que quatre pays situés en dehors de l’UE (l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse).