Comment pourrait se définir une société accessible aux personnes handicapées ? La réponse à la question posée par l’APAJH (Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés) lors de son congrès pourrait se résumer en un principe inverse : « la non-accessibilité est une discrimination ». Partant de là, les pistes extraites du rapport d’étape sur l’accessibilité universelle élaboré par la fédération s’apparentent, point par point, à la création d’un droit commun applicable à l’ensemble des citoyens, sans distinction.
• Le droit à l’intimité et à la vie affective. Cheval de bataille de nombre de militants, le respect de la vie affective apparaît comme un des derniers tabous du handicap. Il nécessite une formation des professionnels « souvent livrés à eux-mêmes dans ce domaine » face à des enjeux qui ne sont autres que « l’accompagnement à la sexualité et à la parentalité des personnes polyhandicapées ». Le chantier à ouvrir « pose clairement la question des aidants sexuels et de leur statut » et nécessite de « se prononcer sur les notions d’accompagnement sexuel, de liberté individuelle et de consentement mutuel », estime l’APAJH.
• La vie civique. Comme tout citoyen, « une personne handicapée doit pouvoir saisir directement la justice ou accomplir des démarches administratives ». Or les personnes en situation de handicap mental sont souvent confrontées « à des refus arbitraires ou à des complications stigmatisantes ». Le droit de vote lui-même leur est fréquemment interdit par les juges des tutelles sous prétexte de l’importance et de la nature de leur déficience. Une amélioration de la situation pourrait venir de « campagnes de sensibilisation et de formation des élus nationaux et locaux ».
• La vie professionnelle. S’il importe de continuer à sensibiliser les cadres des entreprises ordinaires à l’accueil des travailleurs handicapés, le travail adapté doit lui aussi se mettre à l’heure du droit commun. Un processus qui passerait notamment par « un suivi des travailleurs d’ESAT [établissement et service d’aide par le travail] par la médecine du travail » comme n’importe quels salariés, par « l’installation de représentants du personnel » au sein de ces structures, ou encore par des contrats de travail identiques à ceux des autres salariés. En outre, la question se pose d’une « utilisation plus extensive de la validation des acquis de l’expérience et d’une meilleure valorisation des diplômes obtenus par les travailleurs handicapés ».
• Les loisirs et les sports. Salles de spectacles ou de sports non adaptées, surcoût exorbitant des séjours de vacances pour les personnes handicapées : la difficulté d’accéder à la vie culturelle, aux sports et aux loisirs fait partie des plus profondes exclusions que peut ressentir une personne handicapée. L’APAJH fait l’hypothèse d’un « droit universel aux loisirs », qui permettrait par exemple de développer la formation des personnels d’accueil des lieux culturels ou d’affecter un enseignant spécialisé dans les écoles de musique. Du côté de l’activité sportive, un encouragement pourrait être apporté aux clubs et aux municipalités pour « développer le sport pour tous, le sport loisir, dans de nombreuses disciplines, à l’instar de ce qui se fait pour les personnes âgées ».
• Les revenus. Reprenant la revendication d’un revenu universel d’existence, qui « revient à assurer à toute personne la reconnaissance de son appartenance à la cité », l’APAJH invite à une réflexion sur le reste à vivre des personnes handicapées, compte tenu notamment des récupérations opérées par les foyers d’hébergement. Des situations sont également à clarifier : d’une part, celle des personnes handicapées qui, se mettant en couple, risquent de perdre le bénéfice de l’AAH (allocation aux adultes handicapés) ; d’autre part, « le cas des parents qui ont interrompu leur activité professionnelle pour élever leur enfant en situation de handicap et se retrouvent démunis en vieillissant ».
• Le logement et les transports. « Dans son principe, l’accessibilité universelle implique que tous les bâtiments soient accessibles à tous », rappelle l’APAJH, en estimant à ce titre nécessaire de maintenir le principe d’accessibilité des établissements recevant du public pour 2015. En matière de transports, domaine où les aménagements bénéficient à toute la population, quelques mesures de bon sens sont à prendre : indication de l’accessibilité dans les guides de tourisme, création dans les transports publics d’espaces pour fauteuils roulants ou poussettes, généralisation d’une signalétique interactive (voix-couleurs-sons-vibrations).
• L’éducation. Un principe : « rendre l’école accessible à l’enfant, à l’adolescent, au jeune adulte en situation de handicap pour lui permettre de dérouler son parcours scolaire sans rupture ». Pour y parvenir, « la mixité est à rechercher dès la petite enfance afin de développer l’habitude de la prise en compte de la différence ». Ce qui suppose que les enseignants reçoivent « une formation qui prenne en compte la diversité des enfants et des parcours à mettre en œuvre » et que « le travail d’équipe » entre les structures du médico-social et l’école soit rendu « obligatoire ».
• Les soins. L’accès aux soins constitue un parcours difficile et stigmatisant pour une personne handicapée, non seulement en raison du manque d’accessibilité des structures mais aussi de celui des professionnels soignants. Un « volet obligatoire relatif au handicap » devrait être envisagé dans la formation de toutes les professions médicales, intégrant notamment une sensibilisation « au handicap mental et aux handicapés présentant des difficultés de communication orale ».