De la cité au cabinet d’une ministre, en passant par la fac de philo, Nadhéra Beletreche, 30 ans, a connu les ruptures et chocs culturels propres aux enfants des banlieues – « malades de vivre en France comme un corps étranger ». De cette expérience aussi personnelle qu’emblématique, elle a tiré un petit livre brut de décoffrage, Toxi-cités. Mais pas question, sous prétexte qu’elle a désormais un pied de chaque côté du périphérique, de s’ériger en modèle, de raconter de belles histoires de jeunes « qui ont triomphé des obstacles et su prendre en marche le train de l’intégration » : « La France ne peut plus se reposer sur notre capacité de résilience », soutient-elle. Ces brillantes réussites ne doivent pas cacher la réalité : apartheid scolaire, confinement géographique et culturel, orientation discriminatoire, violence omniprésente, fracture linguistique… En quelques pages empreintes de colère, Nadhéra Beletreche décrit un ghetto total, déserté par la République et qui confine à « l’assignation à résidence » physique, culturelle et symbolique. Elle ne s’arrête cependant pas au constat et propose quelques pistes pour en sortir : en finir avec la ségrégation sociale et ethnique dans le logement, l’éducation et l’emploi, affronter les enjeux mémoriels de l’esclavage et de la colonisation, ouvrir la représentation politique aux quartiers, permettre enfin à leurs habitants « de cesser d’intérioriser des images dévalorisantes, c’est-à-dire de les tenir pour vraies, jusqu’à parfois devenir précisément ce qu’on attend [d’eux] ». Sans quoi, écrit-elle, « les enfants des cités [continueront] de se cogner contre les mêmes murs ». Ce, au détriment de la République elle-même.
Toxi-cités
Nadhéra Beletreche – Ed. Plon – 12 €