Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a, le 14 juin, jugé que les règles actuelles encadrant le travail en détention prévues par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (1) étaient conformes à la Constitution. Dans un communiqué du même jour, la ministre de la Justice s’est félicitée de cette décision, estimant que la Haute Juridiction « a su prendre en compte les spécificités du travail en milieu pénitentiaire ». Elle a en outre assuré que « les efforts doivent être poursuivis pour inscrire pleinement le travail pénitentiaire dans le respect des exigences de la loi pénitentiaire ». De son côté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a, dans le même esprit que les associations (voir ce numéro, page 19), jugé cette décision « cruellement décevante » (2). Signalons que cette décision du Conseil constitutionnel contredit un récent jugement du conseil de prud’hommes de Paris, qui a considéré que le droit commun du travail pouvait s’appliquer en détention (3).
Dans l’affaire soumise au Conseil constitutionnel, deux détenus messins estimaient que, en excluant que les relations de travail des personnes détenues fassent l’objet d’un contrat de travail, le législateur les privait de toutes les garanties légales d’exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (droit de travailler et d’obtenir un emploi, droit d’adhérer au syndicat de son choix…). Une argumentation que n’a pas retenue la Haute Juridiction.
En effet, rappelle-t-elle tout d’abord, « l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ». Et que, dans ce cadre, il appartient au législateur de déterminer les conditions d’exécution de ces peines. C’est ainsi que l’article 717-3 du code de procédure pénale a vu le jour pour l’encadrement du travail en détention. Il dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne sont pas encadrées par un contrat de travail. Toutefois, comme le prévoit l’article R. 57-9-2 du même code, elles le sont par un acte d’engagement énonçant les droits et obligations professionnels des détenus ainsi que leurs conditions de travail et de rémunération. Cet acte d’engagement, qui ne constitue pas un contrat de travail, est signé entre le détenu et l’administration pénitentiaire. Au regard de ces dispositions, les sages de la rue Montpensier ont donc estimé que les dispositions de l’article 717-3, qui se bornent à prévoir que les relations du travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, « ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 ». Et « ne méconnaissent pas davantage le principe d’égalité ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».
(2) Il rappelle en effet que le travail, instrument de réinsertion, est « essentiel au détenu » puisque, si sa famille ne peut l’aider, cela peut constituer sa seule source de revenu. En outre, selon lui, « le travail n’est pas antagonique de la paix en prison : il est l’instrument le plus sûr, avec les relations familiales, de l’absence de conflits. Il le sera d’autant plus que ses conditions respecteront la dignité de la personne. » C’est pourquoi Jean-Marie Delarue appelle les pouvoirs publics à légiférer.