Après cinq années de discussions, les colégislateurs européens sont finalement parvenus à boucler le régime européen commun d’asile (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 18). Le Parlement européen a en effet validé, le 12 juin, le compromis intervenu plus tôt avec le Conseil de l’Union européenne sur les trois derniers textes du « paquet législatif asile » (1), à savoir :
→ la directive révisée sur les procédures d’asile communes ;
→ la directive révisée sur les conditions d’accueil minimales ;
→ le règlement de Dublin II révisé sur la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile.
Les nouvelles règles, qui, sauf exception, entreront en vigueur à partir de la mi-2015, introduisent entre autres des délais plus courts pour le traitement des demandes d’asile, une liste exhaustive des motifs de détention et un mécanisme d’alerte précoce et de gestion des crises visant à prévenir les dysfonctionnements dans les systèmes nationaux d’asile. L’idée d’un « mécanisme de solidarité » en cas d’afflux de migrants, chère à la Commission européenne, n’a pour sa part pas été retenue. A noter : le 12 juin, le Parlement européen a également validé l’accord sur l’accès des services de police aux bases de données relatives aux demandeurs d’asile. Un texte qui doit encore être formellement validé par le Conseil pour être réputé adopté.
La refonte de la directive du 1er décembre 2005 relative à la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale vise à mieux prendre en compte les besoins particuliers des demandeurs d’asile. Elle renforce la formation du personnel en contact avec ce public et prévoit la désignation d’un représentant (au rôle et aux pouvoirs spécifiés) pour les mineurs non accompagnés. Le nouveau texte précise que, en cas de doute sur l’âge exact du demandeur, les Etats membres devront partir du principe qu’il s’agit d’un mineur.
Le compromis impose ensuite un délai standard pour l’examen d’une demande d’asile : en règle générale, les autorités nationales devront respecter un délai de six mois après le dépôt de la demande. Elles pourront reporter leur décision de neuf mois dans des cas bien définis, voire de 21 mois lorsque la situation du pays d’origine l’exige. Enfin, les nouvelles règles précisent que les pays de l’Union européenne (UE) pourront uniquement appliquer des procédures accélérées aux frontières dans des cas spécifiques qui seront soumis à des dispositions rigoureuses. En cas de recours contre une décision en matière d’asile, les demandeurs devront pouvoir obtenir une aide et des informations juridiques gratuites.
Le deuxième texte réforme la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 et met en place un ensemble de normes pour l’accueil et le traitement des demandeurs d’asile (2). Il fixe de manière exhaustive les motifs pouvant motiver un placement en rétention (par exemple, pour vérifier l’identité du demandeur ou pour préparer son retour vers son pays d’origine). En règle générale, le demandeur d’asile devra être envoyé dans un centre spécialisé. Si ce n’est pas possible et que l’Etat membre se voit contraint de le placer en prison, il devra être retenu séparément des prisonniers ordinaires et avoir accès à l’air libre. Les mineurs pourront uniquement être placés en rétention, en dernier ressort et pendant une période aussi courte que possible. Les mineurs non accompagnés, qui ne pourront être placés en rétention que dans des « circonstances exceptionnelles », devront être logés dans des centres disposant de personnel et de facilités adaptés à leurs besoins. Autre changement : l’accord permet au demandeur d’asile de commencer à chercher un emploi dans l’Etat membre qui l’accueille au plus tard neuf mois à compter de l’introduction de sa demande de protection internationale (au lieu de un an actuellement).
Le règlement de Dublin II révisé renforce la protection des demandeurs d’asile au cours du processus de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande et clarifie les règles régissant les relations entre Etats. Il met en place un système d’alerte précoce permettant de lutter contre les problèmes qui apparaissent dans les systèmes nationaux d’asile avant qu’ils ne se transforment en crises à part entière. Il oblige ensuite les Etats membres, dans le cadre de la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, à procéder à un entretien individuel avec le demandeur et à lui fournir davantage d’informations sur ses droits. Les mineurs non accompagnés auront par ailleurs le droit d’être réunis avec les membres de leur famille vivant dans l’Union. Enfin, le nouveau règlement interdit de transférer les demandeurs d’asile dans des pays de l’UE où existe un risque de traitement inhumain ou dégradant. Il autorise, en outre, les demandeurs d’asile à introduire un recours contre une décision de transfert vers un autre Etat membre de l’UE et à demander à rester dans l’Etat membre où ils se trouvent en attendant l’issue du recours.
(1) Sur les cinq instruments de ce « paquet législatif », seule la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile est d’ores et déjà entrée en vigueur en janvier 2012 (voir ASH n° 2731-2732 du 11-11-11, p. 20).
(2) Sur cette nouvelle directive, voir aussi ASH n° 2781 du 2-11-12, p. 38.