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Les assistants familiaux en mal de reconnaissance

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Dans son évaluation – rendue publique récemment – de la loi du 27 juin 2005 qui a notamment réformé la profession d’assistant familial, la direction générale de la cohésion sociale a montré que nombre de ces professionnels se sentent encore peu intégrés dans les équipes de l’aide sociale à l’enfance en dépit de l’intention du législateur (1). Sandra Onyszko, formatrice, consultante et chargée de communication pour l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM), revient ici sur leur rôle, souvent sous-estimé ou mal défini.

« Quelle place veut-on donner, ou veut-on faire prendre, à l’assistant familial ? La question est cruciale car, s’agissant de cette fonction, on peut finir par perdre cohérence et bon sens. Soit parce que la prise en charge de l’enfant est axée uniquement sur des questions de sécurité, soit parce qu’on a peur des liens créés entre le professionnel et l’enfant, voire parce qu’on ignore complètement le rôle que l’assistant familial peut avoir auprès de lui.

L’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM) (2) souhaiterait qu’on revienne à ce qui fait l’essence de cette profession. Car si les textes qui fondent le statut de l’assistant familial sont indispensables pour encadrer la fonction, il ne faut pas perdre de vue la qualité d’accueil et l’humanité inhérentes au métier, qui se confortent grâce aux connaissances fondamentales acquises lors de la formation obligatoire et continue ainsi que par le biais d’échanges de pratiques.

“Le fondement de la profession d’assistant familial est de procurer à l’enfant ou à l’adolescent confié par le service qui l’emploie des conditions de vie lui permettant de poursuivre son développement physique, psychique, affectif et sa socialisation”, indique le référentiel professionnel du diplôme d’Etat d’assistant familial (DEAF). Dans cette profession, en effet, la qualité de l’accueil est fondamentale et s’appuie sur la création de liens. L’assistant familial va peu à peu arriver à construire avec l’enfant des échanges et des interactions sociales, et ainsi devenir une figure d’attachement pour cet enfant. Ces théories largement développées par Lorenz, Harlow, Winnicott, et surtout Bowlby, ont permis de donner du sens à la profession. Le tissage de ces liens constitue un travail de chaque instant, mais invisible. Il est pour eux difficile de justifier auprès de l’équipe que ces toutes petites réussites tricotées avec précision et patience s’appuient sur des capacités professionnelles. Trop souvent, en effet, cet échange est considéré comme naturel, reposant sur la simple bonne volonté. Pourtant, ces liens qu’ils finiront par créer reposent bien sur une qualité d’écoute, d’observation et d’initiative qui va permettre à l’enfant d’extérioriser et de s’attacher.

Quelle incohérence ! Un grand nombre d’assistants familiaux se voient reprocher cet attachement. Pire, ils peuvent être licenciés pour cette raison. Or, bien souvent, l’assistant familial n’est que le récepteur de ce que l’enfant voudra bien lui transmettre. S’ils essaient d’établir une relation de qualité avec chacun des jeunes dont ils s’occupent, certains de ces derniers en ont plus besoin – ou plus envie – que d’autres, et avec eux le lien fonctionnera nettement mieux.

Quoi qu’il en soit, on finit par s’inquiéter de ces liens, et on met le professionnel en garde sur les limites qu’il ne devra surtout pas dépasser. Mais où se place réellement le curseur ? Est-il le même avec tous les enfants ? A quel moment décide-t-on que ce lien construit avec l’enfant devient une faute professionnelle pour l’assistant familial, ou que le fait de ne pas en créer devient une faute ?

Disponibles ou compétents ?

“Tout dépend du département”, c’est ce que l’on peut entendre de la bouche des assistants familiaux quand on leur demande s’ils font partie de l’équipe éducative. Ainsi, même si la loi de 2005 rend cette intégration obligatoire, leur présence est vue et s’organise de façon différente selon le lieu où ils exercent. L’assistant familial est-il considéré comme un centre d’accueil ouvert 24 heures sur 24, ou a-t-il réellement quelque chose à apporter à l’enfant ? Rémunère-t-on sa disponibilité ou sa compétence ? Le récent bilan de la loi de 2005 est revenu sur cet écueil, qui a été souligné par toutes les organisations professionnelles.

Revenons à ce qui fait sens. L’UFNAFAAM souhaite que la place de l’assistant familial et ses compétences d’observation soient “vraiment” prises en compte dans le cadre du croisement des regards et de l’expertise de chacun, en vue d’apporter une réponse adaptée à chaque enfant. Comment accepter que le travail d’équipe, pour l’assistant familial, se résume parfois à la lecture d’un compte rendu rédigé par d’autres professionnels sans qu’il puisse être enrichi de son observation nourrie par les liens qu’il aura pu créer avec l’enfant chaque jour ?

Il arrive que des décisions proviennent d’une peur liée à la sécurité, au risque, à la responsabilité. Cette peur rassemble, et chacun éprouve le besoin bien naturel de se protéger envers et contre tout. Cela finit par transparaître dans les choix du service. On peut alors s’interroger : la décision est-elle motivée par le souci de protéger l’enfant ou quelqu’un d’autre ?

C’est aussi faire preuve d’illogisme que de considérer comme identiques la prise en charge d’un adolescent et celle d’un petit enfant. Si les assistants familiaux peuvent accueillir des enfants d’âges différents, il faut également prendre en considération l’évolution dans le temps de ces accompagnements. Par ailleurs le professionnel doit amener cet enfant à l’autonomie ; s’agissant d’un adolescent, cet élément va être fondamental pour son avenir.

La sécurité, condition non exclusive de l’agrément

Il reste donc à espérer que le nouveau référentiel professionnel des assistants familiaux, qui devrait sortir en 2013, accompagné d’un guide, ne soit pas uniquement axé sur leurs capacités à proposer un accueil sécurisé, mais également et surtout qu’il prenne en compte leur capacité d’écoute, d’observation, d’accueil… et leur capacité à prendre soin au quotidien d’un enfant séparé de ses parents. Si la sécurité doit être un facteur à prendre en considération, elle ne peut pas être l’élément exclusif conduisant à agréer un assistant familial. A trop vouloir se protéger des risques, n’oublie-t-on pas de vivre avec ? N’est-ce pas aussi le travail de l’assistant familial que d’apprendre aux enfants à mesurer ces risques et à y répondre de façon autonome ? N’est-ce pas là l’un des fondements de l’éducation ?

Le travail de l’assistant familial s’est profes ? sionnalisé, et c’est une avancée formidable qu’il puisse accéder à des connaissances sur l’enfant et qu’on l’aide à reconnaître ses limites, parfois même à accepter son impuissance. Malgré tout, si, dans le cadre de sa profession, il s’interroge sur son éthique, il doit aussi pouvoir compter sur l’équipe pour lui apporter de l’aide dès lors que les relations sont construites sur une qualité d’écoute. Son rôle doit aussi paraître fondamental à cette équipe, qui doit lui permettre de trouver sa place. Mais il faut aussi prendre en compte que la mission de l’assistant familial est “sur mesure” et que le lien l’unissant au jeune accueilli ainsi que les limites de cette relation ne pourront jamais être tout à fait modélisables car derrière chaque dossier de l’aide sociale à l’enfance, il y a surtout un enfant.

Reconnaître alors ce qui fait l’essence de son travail et son utilité, c’est accepter qu’il soit un élément d’un tout, et que sa mission première soit guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant, dans le but d’une bientraitance. »

Contact : sandra.onyszko@yahoo.fr

Notes

(1) Voir ASH n° 2813 du 7-06-13, p. 9.

(2) UFNAFAAM : Tél. 05 62 09 93 85.

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